La maltraitance infantile entre déni et tabou

ENFANCE On estime à 10% le pourcentage d'enfants maltraités dans les pays à hauts revenus...

Faustine Vincent
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Un ours en peluche dans une chambre d'enfant.
Un ours en peluche dans une chambre d'enfant. — SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA

La maltraitance infantile ne fait l'objet d'aucune statistique précise et fiable. L'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) est chargé, depuis la loi de 2007 réformant la protection de l'enfance, de rassembler les données éparpillées entre les différents secteurs concernés (école, police, justice, santé, aide sociale à l'enfance, le 119 d'Allô Enfance maltraitée, etc.). Mais six ans après, il n'en est qu'à sa «phase test». Les dernières données officielles, émanant de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée, datent donc de 2006 et estiment à 98.000 les enfants en danger, dont 19.000 maltraités. Des chiffres «largement sous-estimés», affirme Anne Tursz, chercheuse à l'Inserm et auteur d'un livre devenu une référence, Les Oubliés (Seuil).

10% des enfants sont touchés

Selon la revue médicale britannique The Lancet, la maltraitance affecte en réalité 10% des enfants dans les pays à haut niveau de revenus. «Mais seul un faible pourcentage des cas est repéré, explique Anne Tursz. Car la maltraitance infantile est taboue et fait l'objet d'un vrai déni.» Elle bouscule en effet le dogme selon lequel la famille est forcément bonne. Elle implique aussi d'«accepter l'impensable», et d'agir si on la détecte, comme la loi l'oblige. La maltraitance est encore plus difficile à déceler dans les milieux aisés, où les services sociaux ne s'aventurent pas. «Seuls 5 % des signalements émanent des médecins, souligne Céline Raphaël. C'est ridicule! Or tout le monde passe dans leur cabinet.» «Certains médecins libéraux, qui font des signalements pour maltraitance, perdent leur clientèle», explique Anne Tursz.