Avec sa série « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé », Xavier Dolan explore toutes ses « obsessions »
THRILLER PSYCHOLOGIQUE Avec sa première série « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé », Xavier Dolan signe le récit d’un douloureux retour dans le passé au sein d’une famille dysfonctionnelle
- La série de Xavier Dolan, « La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé », est diffusée ce lundi à 21h10 sur Canal+ et disponible sur MyCanal.
- La série fait le récit d’un douloureux retour dans le passé au sein d’une famille dysfonctionnelle.
- « Avec cette série qui ratisse énormément sur la vie, la mort, le deuil, la famille… J’ai touché énormément de sujets qui me sont chers. J’ai, je pense – et finalement, c’est peut-être logique que ce soit en faisant une série – un peu bouclé la boucle avec toutes mes obsessions », raconte Xavier Dolan.
Une sorte de Six Feet Under à la sauce Xavier Dolan. Moins de 10 ans après avoir adapté au cinéma Tom à la ferme, d’après la pièce de Michel Marc Bouchard, le réalisateur québécois transpose avec brio La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, pièce du même dramaturge, en une série de cinq épisodes d’une heure, diffusée dès ce lundi à 21h10 sur Canal+.
« Quand j’ai vu cette pièce, ce fut un coup de foudre immédiat. J’ai tout de suite su que je voulais en faire une télésérie et un thriller. Je rêvais de faire une télésérie depuis très longtemps. C’était pour moi un nouveau défi qui m’a transporté tout au long de la pandémie », confie le réalisateur, qui signe sa première œuvre télévisuelle, lors d’une table ronde virtuelle organisée par la chaîne cryptée.
La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé suit le retour de Mireille Larouche (Julie Le Breton), thanatologue renommée, plusieurs années après avoir coupé les ponts avec sa famille, auprès de ses frères, Julien (Patrick Hivon), Denis (Éric Bruneau) et Elliot (Xavier Dolan), ainsi que de l’épouse de Julien, Chantal (Magalie Lépine-Blondeau). Suivant les dernières volontés de leur mère (Anne Dorval), elle est venue embaumer le corps de la défunte. « Ce que j’avais aimé dans la pièce, c’est tout ce qu’on ne voyait pas et qui était évoqué : les années 1990, la mère, cet antagoniste qui est Laurier Gaudreault…. Ce qui m’intéressait, c’était de prendre ce texte d’évocation et qu’il se matérialise à l’écran », développe-t-il.
Au cœur d’un traumatisme familial
Créée en 2019 à Montréal, au théâtre du Nouveau Monde, dans une mise en scène de Serge Denoncourt, la tragédie familiale de Michel Marc Bouchard était un huis clos dans une salle de thanatopraxie. « La pièce de théâtre se déroulait en une seule et même nuit, il s’agissait d’une sorte de ballet entre les différents personnages de cette famille qui défilaient à tour de rôle dans la salle d’embaumement où Mireille embaume sa mère », résume Xavier Dolan.
Comme avec Tom à la ferme et Juste la fin du monde, d’après la pièce de Jean-Luc Lagarce, Xavier Dolan signe à nouveau le récit d’un douloureux retour dans le passé au sein d’une famille dysfonctionnelle. « Cette situation de départ de l’étranger qui revient chez lui ou chez elle, qui retourne dans son village natal pour retrouver les siens, faire face aux erreurs du passé, accueillir la rancœur des siens, c’est pour moi un beau problème, une belle situation de départ », explique le réalisateur.
La question du regard des autres
La tension entre Mireille et son frère Julien est palpable, alors qu’au début des années 1990, l’adolescente (Jasmine Lemée) et son frère (Elijah Patrice) formaient avec Laurier Gaudreault (Pier-Gabriel Lajoie) un trio inséparable. Que s’est-il donc passé cette fameuse nuit d’octobre 1991 où tout a basculé ? « On sent énormément d’ostracisme envers la jeune Mireille enfant et adulte. Le jugement des autres, le regard des autres, ce sont des thèmes qui peuvent se décliner de mille et une façons et qui sont pour moi des puits sans fond d’inspiration. On peut les vivre au travers le regard de tellement de protagonistes différents, c’est comme un sujet qui se renouvelle constamment », poursuit-il.
Les codes du film d’horreur
Devant l’objectif acéré de Xavier Dolan qui colle aux gestes des personnages, la pièce devient un thriller psychologique anxiogène où s’invitent parfois les codes des films d’horreur qui donnent accès à la psyché intime des protagonistes. « Les moments d’horreur ou plus fantasmagoriques, qui sont des manifestations de l’imagination et des angoisses des personnages, n’étaient pas dans la pièce. Ce dispositif est une façon d’humaniser les protagonistes, montrer leur vulnérabilité, leur anxiété et apporter à la série une touche un peu plus surréaliste et poétique, pour lui donner une texture qui correspond au genre du thriller psychologique », analyse le réalisateur.
La bande sonore, qui compte des compositions de ses nouveaux collaborateurs Hans Zimmer et David Fleming, contribue à cette atmosphère particulièrement tendue. « C’était une façon pour moi de tendre un fil sonore, musical qui donnerait aux différentes scènes et époques une unité de ton à la série », souligne le réalisateur.
Les « obsessions » de Xavier Dolan
Xavier Dolan signe le montage, où la voix occupe un rôle de premier plan, avec son fidèle complice Stéphane Lafleur. « La série est construite sur non pas une temporalité qu’on utilise comme tremplin vers des flash-back, mais plutôt construite sur deux temporalités continuelles entre lesquels on va et vient constamment », indique Xavier Dolan.
Avec La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, les fans de Xavier Dolan retrouveront tout ce qu’ils aiment dans son cinéma. « Avec cette série qui ratisse énormément sur la vie, la mort, le deuil, la famille… J’ai touché énormément de sujets qui me sont chers. J’ai, je pense, et finalement, c’est peut-être logique que ce soit en faisant une série que ce soit fait, un peu bouclé la boucle avec toutes mes obsessions », confirme Xavier Dolan. Avec La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, le cinéaste signe une série d’auteur puissante, haletante et bouleversante, mais aussi exigeante.
Une œuvre qui conclut un cycle chez l’artiste. « Depuis la pandémie, j’en ai eu plein des idées, mais je n’arrive pas à aller au bout de ces idées-là, de ces désirs-là, parce que, oui, il y a un épuisement, une fatigue… J’ai fait beaucoup de films quand même ! J’ai beaucoup travaillé en quatorze ans, j’ai besoin de reconstruire mon désir envers ce milieu-là, cette profession et tout ce que cela comporte de sacrifices en fin de projet », conclut Xavier Dolan, qui a « envie de développer d’autres champs d’intérêt » comme l’architecture et la décoration intérieure et « de voyager et de prendre du temps » pour lui.