« La Fille au cœur de cochon » : Un road-trip déjanté sur la condition animale

Bien-être animal « La Fille au cœur de cochon », série disponible sur France.tv Slash, explore avec humour la délicate question de la viande dans nos assiettes

Anne Demoulin
— 
Héloïse Volle, Victor Bonnel et Fleur dans « « La Fille au cœur de cochon »
Héloïse Volle, Victor Bonnel et Fleur dans « « La Fille au cœur de cochon » — Laura Stevens
  • La Fille au cœur de cochon, sélectionnée en compétition officielle au Festival de la fiction de La Rochelle, est disponible sur France.tv Slash.
  • Il s’agit d’un road-trip déjanté qui pose la question de la condition de vie des animaux destinés à notre alimentation.
  • La série suit la cavale de Nina et Hugo, deux ados prêts à tout pour sauver la vie de Fleur, une truie destinée à l’abattage.

Une histoire abracadabrantesque qui pose des questions gigantesques ! La Fille au cœur de cochon, série écrite par ​​David André et Alice Vial en 8x26 minutes disponible sur France.tv Slash, narre la trépidante cavale de deux ados prêt à tout pour sauver une truie de la mort. Un road-trip déjanté qui pose la question de la condition de vie des animaux destinés à notre alimentation.

« On avait envie de traiter un peu un angle mort de la fiction qui est la juste place de l’animal industriel, produit pour l’alimentation », raconte ​​David André, que 20 Minutes a rencontré au Festival de la Fiction TV de La Rochelle.

Une héroïne qui porte ces questions dans sa chair

Tout commence lorsque Nina (Héloïse Volle), adolescente cardiaque et fille de patron d’hypermarché, apprend qu’elle vit depuis toujours grâce à une valve de cochon greffée au cœur. « On a eu assez vite l’idée qu’un des personnages éprouve ces questions-là dans sa chair. Je me suis souvenu qu’il y avait des histoires de greffe d’organes de cochon… Nous avons donc imaginé cette jeune fille qui porte une valve de cochon, et qui, à la suite de cette révélation, se questionne sur le destin de cet animal qui lui a sauvé la vie », poursuit le scénariste, qui signe aussi la mise en scène de la série.

Pour sa coscénariste, Alice Vial, Nina, cette Fille au cœur de cochon porte « un dilemme fort. La valve de cochon incarne le sacrifice ultime : un cochon est mort pour la sauver. C’est une métaphore très belle de tous ces animaux sacrifiés. Elle porte cela dans sa chair. » En se rendant dans une porcherie industrielle, Nina réalise bientôt combien les animaux qui nous font vivre sont bien mal récompensés en échange.

Une histoire à la Montaigu et Capulet

Hugo (Victor Bonnel, vu notamment dans Le Monde de demain), geek et fils d’éleveurs de cochons, est amoureux de Nina. Lorsqu’il apprend qu’elle veut sauver la vie de Fleur, truie destinée à l’abattage, Hugo n’hésite pas et embarque avec elle, les autorités aux trousses, pour sauver la vie de ce cochon innocent.

« On a greffé à cela une sorte d’histoire à la Montaigu et Capulet », ajoute le scénariste. Entre les parents d’Hugo, éleveurs porcins, et le père de Nina, patron d’hypermarché, c’est le bras de fer permanent.

« J’ai travaillé à partir de publications de sociologues qui s’intéressent aux éleveurs de cochons, qui portent l’idée qu’ils sont aussi les victimes de la chaîne du capitalisme alimentaire que les pauvres cochons », explique David André. Les parents d’Hugo ne sont pas « des gens méchants ou mauvais, mais écrasés par le système » de la grande distribution.

Un animal proche de nous qui s’impose sur le tournage

« Je me suis passionné pour le cochon et je suis devenu un expert », rit David André, qui a consulté des historiens, des éthologues, une documentariste pour mieux appréhender son sujet. « On a regardé beaucoup de vidéos qu’on aimerait ne pas avoir vues », ajoute Alice Vial.

« La place de cet animal, aussi sensible, aussi intelligent, aussi proche de nous, questionne. Sa place est probablement la raison pour laquelle il paye aussi cher sa condition », estime David André.  « On qualifie souvent le cochon de dégoûtant ou sale parce qu’on ne veut pas voir ce qui a derrière », renchérit Alice Vial.

Tourner avec des cochons n’est pas une mince affaire. Sur le plateau, l’animal a imposé son « tempo », « quand on s’interroge sur la juste place de l’animal, là, on a un animal qui impose sa place au tournage », s’amuse le réalisateur. De leur côté, Héloïse Volle et Victor Bonnel « les ont nourris au biberon au démarrage ».

Une satire qui soulève de nombreuses questions

Au cours de leur improbable cavale avec Fleur, la truie, en mode Thelma et Louise, Nina et Hugo vont croiser toute une galerie de personnages rocambolesques, Franky le Belge (l’excellent Denis Mpunga), un truand prêt à tout pour s’enrichir grâce aux élevages low cost venus d’Europe de l’Est, un gendarme qui ne lâche rien, ou encore son supérieur survolté…

« Il y avait l’envie d’en faire un conte, qui s’autorise des embardées avec des moments de burlesque et d’onirisme, et de ne pas être dans l’hyperréalisme comme certains thrillers sur l’écologie », confie Alice Vial.  « Tout est légèrement étrange », abonde David André.

Cette comédie noire aux dialogues ciselés, qui emprunte aussi bien les codes de la fable tragicomique, du road-movie, du teen-drama et du burlesque, ne sombre jamais dans le didactisme.

On ne sort cependant pas indemne des huit épisodes qui confrontent Nina aux limites de ses convictions. « Il n’y a pas de raison que les animaux destinés à l’alimentation soient maltraités. Même si de nombreux éleveurs ne maltraitent pas les animaux et que plein de gens font cela très bien, l’alimentation industrielle a plein d’enjeux. Si on dit qu’il faut bannir la viande comme le disent les animalistes, on aura de la viande artificielle produite dans la Silicon Valley. Veut-on vraiment des campagnes sans moutons, sans vaches et sans cochons ? », s’interroge David André.

Faut-il renoncer à la consommation de viande ? Abolir l’élevage ? Existe-t-il une troisième voie ? Telles sont les questions posées par ce Roméo et Juliette porcin.