Avec Helix, ArianeGroup ouvre l’œil en grand sur les satellites en orbite
ESPACE ArianeGroup vient de présenter son nouveau système de surveillance de l’espace, Helix
- Face à l’augmentation exponentielle du nombre de satellites dans l’espace, ArianeGroup donne un coup d’accélérateur à son système de surveillance de l’espace.
- Helix, présenté vendredi à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux, va permettre la surveillance de tout type de satellites, sur toutes les orbites, grâce à un réseau de trente stations de surveillance réparties dans le monde.
- L’Armée sera le principal client de l’industriel pour ce service, mais les opérateurs privés se montrent aussi intéressés.
ArianeGroup ne fait pas que lancer des satellites dans l’espace, elle les surveille aussi depuis la Terre. L’industriel a annoncé vendredi le lancement de son nouveau service de surveillance spatial, Helix, depuis son site d’Issac à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux (Gironde). Si on le sait peu, son activité reposant essentiellement sur le lanceur Ariane 5 et bientôt Ariane 6, ArianeGroup a été un précurseur dans la surveillance de l’espace, en ayant lancé dès 2011 son système GEOTracker, dont Helix va prendre le relais et le renforcer, en permettant notamment de définir plus précisément la « situation spatiale ».
De 7.000 satellites en opération actuellement, l’activité spatiale devrait passer à 30.000 satellites dans les dix ans qui viennent. « Face à cette augmentation exponentielle, nous allons avoir des problèmes d’encombrement dans l’espace » annonce le général Philippe Adam, commandant de l’Espace, le tout premier et principal client d’Helix. En l’absence de régulation dans l’espace, les risques de collision vont en effet se multiplier.
Détecter tout type de satellites
Mais que va apporter Helix par rapport à GEOTracker ? « GEOTracker est un réseau de télescopes déployés dans une quinzaine de sites à travers le monde, dont le premier objectif était d’observer l’orbite géostationnaire [à 36.000 km d’altitude], rappelle Martin Sion, président d’ArianeGroup. Helix s’appuiera sur une trentaine de stations dans le monde d’ici à 2025, et va nous permettre de regarder ce qu’il se passe aussi dans les orbites basses [entre 500 et 700 km] et intermédiaires [jusqu’à 20.000 km] car c’est là que se développent les activités dans le domaine spatial, avec de nombreuses constellations qui sont en train d’être mises en orbite. »
Ce n’est pas tout. « GEOTracker, comme son nom l’indique, ne faisait que du tracking, c’est-à-dire qu’il suivait l’évolution d’un satellite donné, Helix va permettre d’effectuer de la veille, grâce à la détection d’objets que l’on ne connaissait pas avant », détaille Philippe Clar, directeur du programme de défense chez ArianeGroup. Chaque station sera ainsi divisée en deux, avec une station tracking équipée d’optiques allant de 35 cm à 50 cm de diamètre, et une station de veille munie de caméras capables de pointer dans des directions différentes pour avoir un plan plus large de la situation spatiale et détecter d’éventuelles anomalies. Helix a l’ambition de détecter tout type de satellites, y compris les microsatellites d’une dizaine de centimètres (les cubesats), et à terme les débris de l’espace également, qui vont représenter un autre enjeu de sécurité.
Surveillance y compris de jour
Autre évolution par rapport à GEOTracker, Helix va permettre la surveillance de l’espace 24 heures/24, donc y compris de jour. « De nuit, nous utilisons la lumière reflétée sur les satellites pour les détecter, mais de jour la lumière du soleil ne permet pas d’observer les satellites depuis le sol, explique Hélène Blanchard, cheffe du programme sécurité dans l’espace chez ArianeGroup. Pour contourner cela, nos équipes ont développé une technologie au laser infrarouge, ce qui nous démarque des autres acteurs européens dans ce domaine. Par ailleurs, la télémétrie laser est une technologie qui permet de déterminer finement la position de l’objet, de l’ordre d’une dizaine de mètres. Et ce sont des lasers sans danger pour les individus et sans danger pour la circulation aérienne. »
L’objectif d’Helix sera ainsi de contribuer à définir précisément la situation spatiale par la réalisation d’un catalogue d’objets. « Au-delà de l’observation, ce qui est essentiel c’est la gestion de la donnée, comment on l’analyse », insiste Hélène Blanchard. Stockée dans des data centers basés en France, la donnée recueillie par la trentaine de stations sera analysée par les équipes d’ArianeGroup sur son site des Mureaux (Yvelines). Celui de Saint-Médard sera en charge du développement, de l’assemblage et des tests des stations d’observation.
L’ambition de « devenir leader en Europe sur le marché du service spatial »
Quels seront les clients d’ArianeGroup pour ce type de service ? La Défense dans un premier temps. « Le commandement de l’Espace est chargé de protéger nos intérêts nationaux dans l’espace, rappelle le général Philippe Adam. Ce qui nous intéresse avec ce nouveau service est que l’on verra tous les satellites qui circulent au-dessus de nous, sur toutes les orbites, et avec des capacités de traitement améliorées. » Qu’il s’agisse d’un risque de collision entre deux satellites, ou d’une action hostile d’un satellite étranger, il faudra savoir répondre rapidement à tout type de menace. « On estime qu’un rapprochement est préoccupant quand deux satellites se situent à moins de 40 km l’un de l’autre », explique le commandant de l’Espace, qui révèle devoir gérer quelque « 400 situations d’alerte de collisions par semaine sur la petite flotte de satellites dont nous disposons », même si cela n’aboutit en réalité « qu’à deux ou trois manœuvres de satellites par an », rassure-t-il.
Helix viendra en complément des moyens de surveillance existant de l’Armée, qui se composent de « moyens patrimoniaux comme les radars Satam, le télescope Tarot ou encore le bâtiment Monge de la Marine nationale, et de partenariats qui peuvent être institutionnels, comme avec le Cnes, ou internationaux comme avec les Etats-Unis. »
L’Armée ne sera toutefois pas le seul client d’ArianeGroup. « Nous vendons aussi ce service à des opérateurs de satellites privés qui commencent à avoir des besoins de connaissance sur la position et l’évolution de leurs satellites, et sur ce qu’il se passe autour », ajoute Philippe Clar. ArianeGroup vise ainsi à « devenir leader en Europe sur le marché du service spatial, en plein essor. » De nombreuses start-up se positionnent en effet aussi sur ce créneau.