Tarn-et-Garonne : Dans cet autre Verdun, 5.000 ans d’histoire sortent de terre
REPORTAGE Les archéologues de l’Inrap ont fait de belles découvertes à Verdun-sur-Garonne, entre Toulouse et Montauban. Des vestiges du Néolithique, de la période gauloise et du haut Moyen-Age ont été mis à jour
- Sur le chantier d’une gravière de Verdun-sur-Garonne, les archéologues de l’Inrap ont trouvé des traces d’occupation humaine, dont les plus anciennes remontent à 5.000 ans.
- Des vestiges du Néolithique, de l’époque gauloise et du Moyen-Age ont été retrouvés.
- Trois squelettes humains, dont un bien conservé, datent de la fin du premier millénaire de notre ère.
A quelques centaines de mètres de là, le soleil rayonne et annonce un joli vendredi. Mais dans ce fond de vallée inondable, le brouillard s’accroche, même en milieu de matinée. Nous sommes dans le secteur de Pissou, sur la commune de Verdun-sur-Garonne, à 40 km au nord de Toulouse. Ici, comme dans le Verdun de la Meuse, la terre a beaucoup à dire aux historiens.
Mais sur cette surface de 4.300 mètres carrés, sous des lignes à haute tension, elle ne parle pas aux spécialistes de la Grande Guerre. La glaise tarn-et-garonnaise s’adresse à quatre archéologues de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) pour leur raconter des millénaires de vies humaines, depuis le Néolithique.
« La zone est exploitée depuis 5.000 ans, explique Philippe Gardes, l’un des spécialistes de l'établissement public de recherches. Les labours successifs ont brassé et détruit des vestiges. Mais le site conserve beaucoup d’intérêt. L’occupation rurale est relativement dense aux différentes époques. »
Le 16 octobre, les archéologues achèveront leurs travaux d’un mois sur cette future extension de gravière, propriété des Graviers garonnais. En 2014, un sondage préventif avait conduit l’État à prescrire des fouilles, à la charge, comme le prévoit la loi, de l’exploitant, qui a déboursé 100.000 euros pour que l’affaire soit menée.
Trois périodes sur un seul niveau
Bilan ? « On distingue trois périodes d’occupation qui, sur un terrain très arasé, se trouvent sur un seul niveau, détaille Philippe Gardes. La première remonte au Néolithique, vers 3.000 avant Jésus-Christ, la deuxième à l’époque gauloise, entre -200 et 0 et la troisième au Moyen-Age, entre 800 et 1.000. »
Pour la période la plus reculée, les « Indiana Jones » de l’Inrap ont retrouvé des galets à environ 70 cm de profondeur, témoins d’un foyer sur lequel les agriculteurs et les pasteurs du Néolithique faisaient cuire leurs repas, de manière indirecte, façon pierrade : on allume un feu, on fait chauffer les pierres, on retire les braises et on place les aliments dessus. Surveillez, patientez, servez, c’est prêt…
Des silos à grain contemporains témoignent de la sédentarité de la population, qui stockait ses provisions. Pour la période gauloise (ou plus précisément celle des Volques Tectosages, le peuple celte qui dominait alors la région toulousaine), seul un expert peut distinguer, d’après la couleur du sol, les traces du fossé qui délimitait un enclos d’un demi-hectare, avec une ferme et ses dépendances dont il ne reste plus rien.
Merci les amphores
« On a pu effectuer la datation grâce au mobilier retrouvé dans le fossé, en particulier les amphores de vin importées d’Italie, produites entre 200 avant Jésus-Christ et 0 », précise Philippe Gardes.
Les vestiges du haut Moyen-Age, période carolingienne, sont beaucoup plus parlants pour le béotien. La terre cuite rouge trahit la présence d’un gros four à pain, qui devait servir à plusieurs familles. Trois structures du même genre ont été exhumées à Pissou.
S’agissait-il d’un petit village médiéval ou, plus probablement, d’un hameau ? Difficile à dire. Les maisons rurales de l’époque de Charles le Chauve ou de Louis IV d’Outre-Mer étaient faites de terre et de bois, et rien n’est parvenu jusqu’à nous. Ce qui n’est pas le cas de leurs occupants. Trois sépultures d’adultes ont été retrouvées, proches les unes des autres.
Le regard vers la Terre sainte
Le squelette le mieux conservé, quasiment complet, est décrit par Jérôme Rouquet, anthropologue à l’Inrap : « Il s’agit d’une femme âgée de 40-50 ans, d’une taille comprise entre 1,50 m et 1,60 m, qui se trouvait dans un coffrage de bois dont il ne reste rien. Elle est enterrée selon une orientation est-ouest, avec la tête à l’extrémité ouest et le regard vers l’est. » Autrement dit, vers la Terre sainte, une caractéristique des sépultures chrétiennes de l’époque.
Ces ossements, ainsi que le mobilier transportable du site, vont rejoindre les laboratoires d’analyse. Puis Pissou, après des milliers d’années d’exploitation agricole, deviendra gravière.