Le blob, ce mystère de la nature, nouveau venu au zoo de Vincennes
BIODIVERSITE Ni animal, ni plante, ni champignon, le blob s’est fait malgré tout une place au zoo de Vincennes. Cet être unicellulaire, sans cerveau ni neurone mais doué d’intelligence, devrait y faire une entrée remarquée
- Il y a un nouveau venu au parc zoologique de Vincennes, et il détonne. C’est le blob, à venir découvrir dans le terrarium.
- Le blob ? Un être unicellulaire, dépourvu de cerveau, qui n’a pas un seul neurone… Et capable pourtant de résoudre bien des problèmes, comme sortir d’un labyrinthe ou tracer des réseaux aussi robustes que ceux que conçoivent des hommes.
- Bref, un mystère de la nature que les scientifiques ont bien du mal à placer dans l’arbre du vivant. Et pour le découvrir, vous avez tout votre temps. Le blob serait immortel.
Qu’est-ce qui avance à un rythme de quatre centimètres par heure, peut mesurer jusqu’à 30 mètres carrés, adore les champignons et ressemble vaguement à ce qui sort d’un nez encombré qu’on vient de moucher ? Pas facile, hein ? C’est le blob, « ce truc bizarre », en convient le naturaliste Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle.
On peut très facilement passer à côté sans le remarquer, surtout lorsqu’il y a des lions, des girafes, des caïmans et quantité d’autres animaux à voir juste à côté. Pourtant, le blob est bien la curiosité biologique du moment à découvrir au parc zoologique de Vincennes, à partir de ce samedi et de façon permanente. « Nous sommes le premier zoo au monde à faire voir un blob, assure Bruno David, qui dit remplir l’une des missions du Muséum : « celle de faire découvrir les mystères de la nature ».
« On ne sait pas trop le placer dans l’arbre du vivant »
Il n’y a pas plus mystérieux que le blob, en effet. Ni un animal, ni un champignon, ni une plante, « on ne sait pas trop où placer cet être unicellulaire dans l’arbre du vivant, reprend Bruno David. Autrement dit, quels sont ces liens de parenté ? » C’était d’ailleurs le premier casse-tête au parc zoologique de Vincennes : qui pour s’occuper du blob ? Les spécialistes des animaux ou des végétaux ? Ce sera un peu des deux, finalement, puisque la fonction de curateur du blob – celui qui veille au bien-être de l’espèce – revient au primatologue et ethologue [spécialiste du comportement animal] Luca Morino, qui sera épaulé par les jardiniers du parc.
Luca Morino s’amuse de ce nouveau défi et fait un parallèle entre sa nouvelle mission et son travail de primatologue. « J’ai passé beaucoup de temps à convaincre les gens de toute l’intelligence des signes, raconte-t-il. Il me faut recommencer aujourd’hui avec le blob. » Pas simple. C’est même un autre casse-tête que pose cet être unicellulaire, dépourvu de cerveau et qui n’a pas un seul neurone : « il nous confronte à notre rapport à l’intelligence », explique Bruno David. « Le blob est capable d’apprentissage, d’avoir un peu de mémoire, de résoudre des problèmes », détaille le président du Muséum naturel d’histoire naturelle.
Le meilleur pour tracer un réseau
Il a aussi la capacité de tracer le chemin optimal qui le sépare de sa nourriture, au point de s’être forgé une réputation de créateur hors pair de réseau. Bruno David évoque ainsi une expérience menée au Japon, par Toshiyuki Nagaki. Son idée ? Reconstituer, sur une plaque couverte de gel d’agar, la carte de la région de Tokyo. Déposer des flocons d’avoine sur les 36 localités principales, et installer un blob en lieu et place de la gare centrale. Puis attendre.
A son rythme – trois à quatre centimètre par heure –, le blob s’est d’abord étalé pour coloniser l’ensemble du plateau, rapportait en juin 2017 Le Monde. Puis, il s’est réorganisé en un réseau de larges tubes interconnectant les sources de nourriture. Le blob détestant la lumière, Toshiyuki Nagaki est allé jusqu’à éclairer les terrains montagneux (plus ou moins selon l’altitude) ou les lacs pour reproduire au mieux les conditions réelles. Résultat ? L’être unicellulaire a formé un maillage au moins aussi performant que le réseau ferroviaire qui émaille Tokyo et sa région. « C’est-à-dire tout aussi efficace mais aussi très résilient, précise Luca Morino. Vous pouvez couper un tronçon, cela ne met pas en péril le reste du réseau constitué par le blob. »
Étonnant. Ce même Toshiyuki Nakagi avait déjà prouvé par le passé que le blob était capable de sortir d’un labyrinthe. Bref, on pourrait passer des heures à parler du blob et de ses prouesses. Luca Morino veillera en tout cas à ce qu’on parle de lui au pluriel. « Comme les singes, il n’y a pas qu’une seule espèce, mais plusieurs, chacune avec des caractéristiques qui lui sont propres », précise-t-il. Le zoo de Vincennes a quatre souches à sa disposition. « L’Australienne, la Japonaise, l’Américaine et une quatrième qui mélange les origines américaines et européennes », liste Lucas Morino. C’est cette dernière qui sera dans un premier temps visible au grand public à partir de samedi, les trois autres étant conservés au chaud, en chambre de culture.
Et en plus immortel ?
Si vous passez samedi, à 14h30, vous aurez droit aux explications de la Toulousaine Audrey Dussutour, éthologiste au CNRS et spécialiste des comportements des organismes unicellulaires. Mais si vous êtes pris, pas la peine non plus de se presser. C’est un autre mystère du blob : il est immortel, ou en tout cas réputé comme tel. « Si vous le placez dans des conditions qui lui sont hostiles – dans un lieu sec, baigné de lumière et sans nourriture, par exemple – il se sclérose, raconte Luca Morino. Laissez-le là dix ans, puis arrosez-le de nouveau et il repartira en pleine forme. »
Le blob, on en trouve aussi dans la nature ?
Il n’est pas simple à dénicher. Mais oui, on peut tomber nez à nez avec un blog en pleine nature, y compris en France. « On aura plus de chance de le trouver dans des sous-bois, le blob aimant l’humidité et la pénombre et se nourrissant des moisissures qu’il trouve, notamment sur les champignons », précise Luca Morino, curateur du blob au parc zoologique de Vincennes. Le blob se loge ausis dans des endroits inattendus. « Ici au zoo, nous avons par exemple une serre tropicale dans laquelle nous trouvons régulièrement une espèce de blob, poursuit Luca Morino. Il apparaît peu de temps après la coupe des bananiers de la serre, lorsqu’il y a suffisamment d’humidité dans la serre. »