Pyramides d'Egypte: Un égyptologue décrypte la vidéo de Squeezie
FAKE OFF Squeezie a publié une vidéo sur la construction des trois pyramides de Gizeh, dans laquelle il relaie certaines hypothèses non scientifiques. « 20 Minutes » a visionné la vidéo avec un égyptologue…
- Squeezie a publié une vidéo sur la construction des pyramides du plateau de Gizeh, en Egypte.
- Il y relaie des hypothèses non scientifiques.
- Un égyptologue rappelle les connaissances dont nous disposons sur la construction de ces édifices qui ont traversé les siècles.
Il s’est excusé. Après la publication d’une vidéo sur les pyramides d’Egypte sur sa chaîne, Squeezie a publié un tweet pour s’expliquer auprès de son public. Le Youtubeur aux 12 millions d’abonnés écrit « avoir négligé les théories scientifiques au profit des théories fantastiques ».
En préambule de sa vidéo, publiée le 30 décembre et intitulée « ces théories vous feront transpirer », le YouTubeur lance : « Ça fait longtemps qu’on n’a pas fait une vidéo conspirations, théories du complot. » Le ton est donné.
Pendant onze minutes, Squeezie revient sur la construction des trois pyramides de Gizeh et plus particulièrement sur celle de Kheops. A la fin, il évoque également le célèbre Sphinx élevé devant ces pyramides. 20 Minutes a interviewé Felix Relats Montserrat, égyptologue et membre scientifique de l’Institut français d’archéologie orientale. Le chercheur revient sur les affirmations contenues dans la vidéo.
Squeezie : « C’est très mystérieux ce qu’il y a autour des pyramides, on ne sait toujours pas comment elles ont été construites à l’époque. »
Felix Relats Montserrat : « Personne ne peut prétendre savoir dans le détail la fabrication des pyramides. Le vrai problème dans cette vidéo, c’est le raisonnement : ce n’est pas une approche historique. La question que doivent se poser les historiens, c’est quelles sont les traces archéologiques qui permettent de savoir comment sont construites les pyramides. Les historiens réfléchissent à partir des sources. Evidemment, si une nouvelle source apparaît, on va changer de point de vue. »
« On a des théories [sur la construction des pyramides], mais on n’a jamais mis en pratique la théorie. »
Felix Relats Montserrat : « C’est faux. Il y a un tout un pan de l’archéologie, qui s’appelle l’archéologie expérimentale, qui a pour but de faire des tests pour vérifier les techniques. Par exemple, Mark Lehner, un archéologue, a construit une petite pyramide en suivant les techniques que pour l’instant on conçoit comme étant celles utilisées par les anciens Egyptiens. »
« Si ça avait été vraiment fait en 20 ans, en raison de douze heures de travail par jour, tous les jours de l’année, ça représenterait un bloc extrait, taillé et mis en place toutes les deux minutes trente. »
Felix Relats Montserrat : « Le problème de ces calculs, c’est qu’on ne sait pas combien d’hommes travaillaient au chantier de la pyramide de Kheops. Kheops a régné entre 20 et 23 ans. Marc Lenner a réussi à démontrer que 20 hommes suffisent à tirer un bloc d’une tonne et demie posé sur un traîneau. Des équipes de 1.000 à 1.500 hommes permettent d’extraire suffisamment de blocs pour tenir le rythme. »
« Ces blocs [pour construire la pyramide de Kheops], ils sont allés les chercher dans des cavernes de granit à des centaines de kilomètres au sud de la pyramide. »
Felix Relats Montserrat : « La carrière de granit d’Assouan (à laquelle Squeezie fait allusion) était la plus exploitable d’Egypte. Mais ces pierres ne représentent que quelques blocs de la pyramide. On les retrouve par exemple dans les herses pour fermer les chambres des pyramides ou sur les temples qui étaient autour de la pyramide.
Le reste de la pyramide était fait en grès local. La carrière qui a servi pour la pyramide de Kheops se trouve au sud de la pyramide. Des ingénieurs ont même calculé le volume du trou de la carrière et il correspond au volume de la pyramide. »
« Ils allaient extraire les pierres là-bas et ils les transportaient sur plusieurs centaines de kilomètres. »
Felix Relats Montserrat : « Ces blocs étaient transportés par bateau : on a des représentations où on voit des blocs en granit sur un bateau. »
« Les Egyptiens ne connaissaient pas la roue »
Felix Relats Montserrat : « Oui, ils ne la connaissaient pas à l’époque de Kheops, mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne pouvaient pas transporter un bloc. Si vous créez une rampe avec du limon du Nil dessus et que vous mettez un traîneau dessus, vous transportez des blocs. Au temple de Karnak, il y a encore une rampe qui est en place. La deuxième technique, c’est celle des rondins de bois : les rondins étaient posés sous des traîneaux. »
« Les théories montrent qu’il y avait un revêtement sur la pyramide »
Felix Relats Montserrat : « Un dernier type de pierre a été utilisé (en plus du granit et du grès) : c’est le calcaire, qui servait à faire le revêtement des pyramides. Sur la pyramide de Kephren, il y en a encore.
Après, on peut penser que la pyramide de Kheops aurait été la seule à ne pas avoir de revêtement. Mais ce n’est pas possible, on le sait grâce à un document. Il y a quelques années, une équipe française, dirigée par Pierre Tallet, a découvert un papyrus qui date de l’époque de Kheops et qui parlait d’une équipe dirigée par un certain Merer. Cette équipe allait chercher le calcaire dans la carrière. Ce document nous permet de voir que le transport se faisait par bateau. Il a été découvert dans une fouille archéologique, il n’a pas été inventé. »
« Les Egyptiens ne connaissaient pas l’antisismique, c’est-à-dire cette science qui permet de résister aux séismes, aux tremblements de terre, aux mouvements des plaques tectoniques. »
Felix Relats Montserrat : « C’est vrai et c’est faux : C’est vrai car on n’a pas trouvé de traité qui disait comment protéger les bâtiments en cas de séisme, par contre des bâtiments sont apparus, où l’on constate progressivement que la répartition des charges est changée. Pierre Zignani a prouvé que les temples de l’époque gréco-romaine sont construits pour résister aux séismes. Tout cela, c’est une évolution sur 3.000 ans. »
« On a trouvé sur le sphinx des traces d’érosion liées à de l’eau ».
Felix Relats Montserrat : « Il y a bien des traces d’érosion. Toutefois, il est difficile de distinguer ce qui a été restauré de l’état original. Les Egyptiens l’ont eux-mêmes restauré à plusieurs reprises. A l’époque de Ramsès, il a été entièrement dessablé. »
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