Tourisme spatial: Suffira-t-il d’avoir de l’argent pour partir?

ESPACE Le projet de Space X d’envoyer deux touristes autour de la Lune d’ici fin 2018, donne un nouvel élan au tourisme spatial. Mais pour partir, suffira-t-il d’avoir un compte en banque bien garni ?…

Fabrice Pouliquen
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Une fusée Falcon 9, de la société Space X, parée au décollage le 18 février dernier à Cap Canaveral (Floride).
Une fusée Falcon 9, de la société Space X, parée au décollage le 18 février dernier à Cap Canaveral (Floride). — Red Huber/AP/SIPA

« Fly me to the moon », écrivait, lundi dans un tweet, Elon Musk, le fondateur de Space X, pour introduire son nouveau défi spatial d’ expédier deux touristes autour de la Lune d'ici fin 2018.

A moins de deux ans du départ annoncé, le projet du milliardaire sud-africain paraît fou. Mais qui sait, dans un avenir peut-être plus proche qu’il nous paraît, ce « Fly me to the moon » sera le slogan d’une destination touristique devenu banale.


Un tourisme qui se développe ?

Philippe Droneau, directeur des Publics à la Cité de l’espace* à Toulouse, n’écarte pas complètement cette possibilité. D’autant qu’Elan Musk n’est pas le seul à miser sur le tourisme spatial. Depuis le millionnaire Dennis Tito en 2001, une dizaine de « touristes de l’Espace », ont accompagné des astronautes jusqu’à bord de la Station spatiale internationale. « Les Russes en prévoient d’autres encore dans les prochaines années », glisse Philippe Droneau.

Malgré le crash de sa navette spatiale en 2014, le milliardaire britannique Richard Branson n’a pas non plus abandonné non plus son projet d’organiser des vols suborbitaux, de trois heures, à une centaine de kilomètres d’altitude, à bord de son SpaceShip 2.

Mais qui pourra partir dans l’Espace ? Suffira-t-il finalement d’avoir suffisamment d’argent ? Pour le vol suborbital touristique que prévoit Richard Branson, c’est presque ça en effet. Il faudra juste s’acquitter du prix du billet -200.000 dollars tout de même- et suivre deux à trois jours d’entrainements au préalable.

Apprendre à vivre en apesanteur et gérer les trois situations de crise

Sur le papier, un voyage de 500.000 à 600.000 km autour de la Lune, comme le prévoit Elon Musk, est une autre histoire. Même si pour l’astronaute français Jean-François Clervoy, membre de l’ Agence spatiale européenne (Esa), il ne fait pas en faire toute une montagne. Tout dépendra de ce qu’on demandera à ces deux touristes de faire à bord. « Space X a annoncé qu’ils ne seraient pas accompagnés d’un astronaute professionnel, rappelle-t-il à 20 Minutes. Il s’agira donc d’un vaisseau entièrement automatisé géré par un centre de contrôle sur terre. » La technologie est encore en cours de développement, « mais Space X en est capable », poursuit l’astronaute.

Dès lors, pour Jean-François Clervoy, la préparation pour une expédition autour de la Lune ne diffère guère de l’entraînement suivi par les quelques milliardaires qui se sont payés une semaine à bord de l’ISS. « Apprendre à vivre à bord, c’est-à-dire manger, dormir, aller aux toilettes et boire, le tout en situation d’apesanteur et savoir réagir aux situations d’urgence en milieu confiné. Ce sont les mêmes que dans les sous-marins. Il y en a trois : le feu à bord, la fuite d’air et la toxicité de l’atmosphère. Trois situations pour lesquelles le centre de contrôle ne peut pas faire tout pour vous. »

« Quelques mois d’entraînement suffiront »

L’astronaute évalue alors à quelques mois le temps nécessaire pour assimiler ces consignes, « de faire quelques passages en centrifugeuse, pour se familiariser aux sensations du décollage, et d'autres en vol parabolique, pour voir ce que c’est l’apesanteur. » Mais guère plus.

Rien à voir donc avec les huit années de préparation endurées par Thomas Pesquet pour sa mission de six mois à bord de l’ISS. « Ce qui est compliqué, c’est de s’entraîner à piloter un vaisseau, un bras robotique, gérer les pannes, les systèmes électroniques, poursuit Jean-François Clervoy. Elon Musk projette, lui, un vol très simple, sans aucune sortie dans l’espace. »

Avoir le mental tout de même

Ces deux touristes de l’Espace devront toutefois être en excellente santé. Physique déjà : « Une attention particulière sera sans doute portée aux capacités cardiovasculaires et à l’acuité visuelle et auditive des deux passagers », indique Jean-François Clervoy.

Philippe Droneau, lui, met l’accent aussi sur le mental et la capacité à supporter des moments de stress importants. « C’est la particularité d’un voyage vers la Lune, précise-t-il. En cas de pépin, le vaisseau ne fait pas demi-tour, il ne faut pas pour autant perdre ses moyens. »

Jean-François Clervoy reconnaît cette difficulté : « Ils seront confinés et isolés dans un vaisseau pendant une semaine. Le temps d’une demi-heure même, ils passeront de l’autre côté de la Lune, sans plus pouvoir communiquer avec la Terre. » Mais rien d’insurmontable là encore pour l’astronaute français. A l’écouter donc, la plus grande difficulté pour s’envoler vers la Lune, sera de réunir l’argent.

*Une exposition temporaires ASTRONAUTES, à laquelle a d'ailleurs participé Jean-François Clervoy, est à voir en ce moment à la Cité de l'espace de Toulouse.