Vingt ans d’exoplanètes: «Notre découverte a été un bouleversement»
INTERVIEW Il y a vingt ans, les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz découvraient la toute première planète située loin à l’extérieur de notre Système solaire…
Sommes-nous seuls dans l’univers ? Vous ne trouverez pas la réponse dans cet article, mais le début de la réponse, lui, a déjà été donné il y a vingt ans, le 6 octobre 1995, lors d’un congrès à Florence. Ce jour-là, à la surprise générale, l’astrophysicien Michel Mayor et son post-doctorant Didier Queloz annonçaient avoir trouvé une exoplanète, 51 Peg b, première planète orbitant loin du Système solaire à avoir été découverte. Joint par 20 Minutes, Didier Queloz, aujourd’hui professeur à l’université de Cambridge et de Genève, se souvient.
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Avant d’avoir la preuve que d’autres planètes lointaines existaient, que pensait-on ?
Il y a eu des hauts et des bas dans cette question, liés à notre méconnaissance des systèmes planétaires. Ça a changé dans les années 1970, quand on a découvert les premiers mécanismes de formation par les disques protoplanétaires [amas de gaz et de poussières d’où viennent les planètes]. L’idée que des planètes orbitent les étoiles est devenue presque évidente, et dans les années 1980 on les a activement cherchées, avec d’ailleurs plusieurs fausses annonces.
Mais dans un premier temps, rien n’a été découvert…
Oui, on commençait même à douter, à se dire qu’un disque protoplanétaire est un élément trop fragile. Techniquement c’était très difficile de chercher des exoplanètes. Les instruments n’existaient pas, on a dû en inventer une nouvelle génération. C’est là que j’apparais, avec Michel Mayor et les techniciens de l’Observatoire de Haute-Provence. On a créé le spectrographe ELODIE, qui est devenu un prototype précurseur pour chercher des planètes.
A quel point votre découverte vous a surpris ?
Ça a été une sorte de bouleversement. La grosse surprise, c’est que tout le monde imaginait que les planètes allaient ressembler à celles de notre système solaire. Alors que l’objet qu’on a découvert était absolument étonnant -ma première réaction a d’ailleurs été de dire qu’il y avait un problème, je n’ai pas pensé à une planète. Michel [Mayor] aussi a dû être surpris quand il a reçu mon fax dans lequel je parlais d’une planète semblable à Jupiter, mais orbitant son soleil en quelques jours seulement !
Puis est venu le moment de l’annoncer au monde…
L’été d’après, en 1995, on a remesuré, on était tous à l’Observatoire de Haute-Provence avec notre famille. Et ça a été la fête, car les prédictions étaient correctes : on avait bien trouvé une planète. On l’a donc annoncé, à la stupéfaction générale. J’ai eu un petit moment de panique, en me disant « mon dieu si j’ai fait une erreur de calcul, je suis mort ».
Quel accueil vous a-t-on réservé ?
Il a fallu des années pour que la communauté accepte l’existence de cette planète si bizarre. Le tournant s’est fait à la toute fin des années 1990, avec la découverte de planètes du même genre, qu’on appelle des Jupiter chaudes, par une technique complètement différente. C’était la preuve irréfutable.
Comment jugez-vous les progrès réalisés depuis vingt ans ?
On a résolu plusieurs questions : les exoplanètes existent, et elles sont d’une très grande diversité. Notre système solaire n’est qu’une version du scénario. Il reste d’autres questions : on veut savoir si notre système solaire est rare, trouver des systèmes identiques et de vraies jumelles de la Terre. Puis mesurer l’atmosphère de ces planètes, avec le secret espoir de découvrir ce qu’on appelle un déséquilibre. Car s’il y a bien une chose qui peut causer un déséquilibre dans l’atmosphère d’une planète, c’est la vie.