Covid-19 : « Qu’on nous foute la paix »… La campagne vaccinale s’ouvre sur fond d’indifférence

rebelote Ce lundi s’ouvre la nouvelle campagne de rappel vaccinal contre le Covid-19

Anissa Boumediene
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La nouvelle campagne de rappel vaccinal anti-Covid démarre lundi, dans un contexte d'indifférence au sein du grand public.
La nouvelle campagne de rappel vaccinal anti-Covid démarre lundi, dans un contexte d'indifférence au sein du grand public. — Melissa Phillip
  • Ce lundi s’ouvre la nouvelle campagne de rappel vaccinal contre le Covid-19. Une campagne avancée de deux semaines, sur fond de reprise de circulation du virus.
  • Elle s’ouvre dans un contexte d’indifférence - voire de méfiance - d’une partie de la population, qui ne veut pas ou plus se faire vacciner, ni respecter les gestes barrières.
  • De quoi compromettre son efficacité, et nous exposer à un risque accru d’épidémie dès les prochaines semaines.

Bientôt quatre ans qu’il rôde, nous faisant croire qu’on en a terminé avec lui pour mieux sortir de son chapeau un nouveau variant. On aimerait vivre sans, mais le Covid-19 est toujours là, et désormais, le temps est venu de vivre avec.

Mais après moult confinements, couvre-feu et rappels vaccinaux, le Covid-19 et tout ce qui s’y rapporte, beaucoup ne veulent plus en entendre parler. Pourtant, les contaminations repartent à la hausse, poussant le gouvernement à accélérer le début de la campagne de rappel vaccinal. Elle s’ouvre ce lundi avec deux semaines d’avance. L’objectif est toujours le même : protéger les personnes les plus vulnérables et éviter un engorgement des services hospitaliers déjà à bout de souffle.

Colère, indifférence et désinformation

Le Covid-19, pour beaucoup, est un sujet encore plus explosif que le prix des carburants. « Ras le bol ! Qu’on nous foute la paix et qu’on arrête de vouloir nous faire peur, s’emporte Dorothée, 46 ans, qui a répondu à notre appel à témoignages. Cette maladie tue les plus faibles comme d’autres maladies, alors arrêtons de dramatiser et de vouloir vacciner à tout-va parce qu’il faut écouler le reste des vaccins qu’on a payés au prix fort ». Un avis partagé par Arwen, 70 ans, qui a soigné son Covid-19 « avec des huiles essentielles », persuadée que « le vaccin à ARN messager modifie l’ADN ».

Maintenant, « le Covid, je n’en ai plus rien à faire, ça m’indiffère ! », confie Anthony, 43 ans. « Je l’ai eu l’année dernière, j’ai eu juste un peu de fatigue et un petit mal de gorge. Donc le masque, c’est fini, et je n’irai pas me faire tester en cas de symptômes vu que les tests sont payants. Quant au rappel de vaccin, je ne sais même pas si j’y suis éligible ! Le virus, il faut vivre avec, c’est ce que veut le gouvernement, à attendre sagement qu’il débarque ». Pour le Dr Benjamin Davido, infectiologue et médecin référent de crise Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), « il subsiste une désinformation et une méconnaissance sur le risque actuel et sur l’arrivée de nouveaux vaccins, avec et sans ARN messager. Et c’est extrêmement néfaste : l’absence d’information et d’accompagnement des pouvoirs publics alimente ce complotisme ».

Dans le même temps, « une augmentation du nombre de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19 tous âges confondus est observée », rapportait Santé publique fin août. Les actes médicaux SOS Médecins ont également augmenté de « 41 % » en une semaine. Et « une augmentation du nombre de cas est observée dans toutes les régions ». De quoi inquiéter l’Ordre des médecins, pour qui « l’enjeu est d’agir pour faire face à la nouvelle vague présente depuis quelques semaines sur l’ensemble du territoire ».

Manque de pédagogie et d’anticipation

Problème : « Il n’y a pas assez de pédagogie et d’anticipation de la part des autorités, répète le Dr Davido. Personne ne peut dire le nombre de contaminations cette semaine, puisqu’on n’a plus d’outils de surveillance. C’est compliqué pour inciter la population à se faire vacciner, quand on ne peut même pas quantifier la menace sanitaire, même à l’hôpital ! En ce moment, au sein de l’AP-HP, il y a de grands débats pour savoir si nous, les soignants, remettrons le masque à l’hôpital en cas de reprise de triple épidémie de Covid-19, grippe saisonnière et bronchiolite, alors que celle vécue l’année dernière a mis l’hôpital en surtension. C’est tout sauf de la prévention, ça ! »

D’ailleurs, pour Sophie, 45 ans, cette campagne de rappel démarre trop tard : « Mes proches et moi aurions voulu nous faire vacciner quinze jours plus tôt. Pourquoi avoir attendu alors qu’on sait que la rentrée favorise les hausses de contaminations et que la vague était signalée fin août ? Pour mon mari et moi, c’est trop tard, nous l’avons attrapé cette semaine, bien que vigilants car fragiles. Quant à nos parents, ils voulaient prendre rendez-vous au plus tôt mais la pharmacienne attend toujours les vaccins ».

« On a déjà un mois de retard sur la campagne de rappel, abonde le Dr Davido. Elle aurait dû démarrer début septembre, en amont de la reprise épidémique. Aujourd’hui, il n’y a pas de mesures de freinage, pas de suivi des contaminations, pas de gestes barrières, pas de vaccination précoce, et trop peu de communication. Pourquoi les autorités sanitaires, qui prônent le "vivre avec le virus", n’ont-elles pas réussi à mettre en place les mêmes actions de communication et de prévention que pour la grippe, pour laquelle les patients ne se posent pas la question de se faire vacciner ou non, ils le font. Beaucoup de patients s’interrogent sur l’intérêt d’un rappel anti-Covid alors qu’ils sont à risque. Beaucoup ont perdu de vue l’intérêt de cette vaccination : se protéger contre les formes graves et alléger le fardeau que le Covid-19 fait peser sur l’hôpital et les urgences ».

Un vaccin « mis à jour »

« On a pourtant un vaccin mis à jour et efficace, une réponse sur mesure face au virus », souligne l’infectiologue. Une nouvelle qui trouve malgré tout un écho auprès de nombreux lecteurs et lectrices éligibles au vaccin. A l’instar de Catherine, 58 ans : « Je serai devant la porte le 2 octobre ! » Et de Francine, 78 ans : « Je me fais vacciner contre la grippe depuis dix ans et je me ferai vacciner contre le Covid, étant donné que j’ai reçu quatre doses et que je n’ai jamais eu le virus ».

Idem pour Marie-Line, infirmière retraitée de 64 ans : « Je suis quatre fois vaccinée et je n’ai jamais eu le Covid. Je vais faire mon rappel, et je remettrai le masque si besoin ». Une prudence qu’applique aussi Éric, 55 ans : « Ayant plusieurs pathologies – infarctus, stents, embolie pulmonaire – le Covid reste dangereux pour moi ».

« Sont éligibles au vaccin les personnes à risque de forme grave, rappelle le Dr Davido, ainsi que leur entourage. On a tous les moyens nécessaires pour se protéger, à nous de faire ce qu’il faut pour que cette campagne soit efficace ».