Cancer du sein : « il y a trente ans, on ne proposait jamais de préserver la fertilité »

sexualité Sexualité, fertilité, projet parental… Longtemps, ces questions sont restées taboues pendant et après un cancer du sein. A l’occasion d’Octobre rose, « 20 Minutes » en a parlé avec la gynécologue Anna Gosset, cheffe de clinique au CHU de Toulouse,

Propos recueillis par Lucie Tollon
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Photo d'illustration d'un soutien-gorge à l'occasion d'Octobre Rose.
Photo d'illustration d'un soutien-gorge à l'occasion d'Octobre Rose. — SICCOLI PATRICK
  • Chaque année, plus de 60.000 cas de cancer du sein sont détectés. Une femme sur huit est touchée par cette maladie au cours de sa vie.
  • À l’occasion de la trentième édition d’Octobre rose, 20 Minutes revient sur la sexualité et la fertilité chez les patientes touchées.
  • L. La gynécologue Anna Gosset, qui animera une conférence sur le sujet ce mardi à Toulouse, avec sa consœur Léa Barreau, nous en dit plus.

A l’occasion d’Octobre Rose, les docteurs Léa Barreau et Anna Gosset, du CHU de Toulouse donneront ce mardi 3 octobre*, à l’hôpital Paule-de-Viguier, une conférence sur la sexualité, la fertilité et la contraception après un cancer du sein. La gynécologue Anna Gosset nous en dit davantage.

Pourquoi c’est important de parler de sexualité, de contraception et de fertilité durant ce mois d’octobre ?

Anna Gosset : Quand une femme est touchée par le cancer du sein, pour la grande majorité, c’est une question largement soulevée… Les femmes jeunes qui vont avoir un cancer du sein, c’est quand même relativement fréquent. Et quand on est au stade du diagnostic et de la maladie, du traitement, on n’a pas beaucoup le temps d’aborder ces sujets en général. On est concentré sur la guérison donc, souvent ce sont des sujets dont on oublie de parler. Or, il est important d’avoir des informations un peu pratiques sur ce qui est possible ou pas en matière de contraception et de fertilité. Il y a aussi pas mal d’idées reçues dans ce domaine car on a pas mal avancé sur le plan médical. Il y avait des choses pas du tout possibles avant qui se font maintenant par exemple pour la préservation de la fertilité.

Est-ce que le cancer et les traitements jouent sur la fertilité des patientes et sur leur sexualité ?

C’est différent selon les traitements. Les femmes jeunes vont souvent avoir de la chimiothérapie. Ce sont des traitements qui altèrent de façon partielle la fertilité. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de femmes qui vont retrouver des règles, une ovulation normale après le traitement mais souvent il va y avoir une diminution de la réserve ovarienne.

On va aussi avoir un effet de la durée du traitement dans les cancers du sein qui son hormono-dépendants, et donc traités par hormonothérapie. Elle va bloquer l’action des hormones sur les cellules pour que le cancer ne revienne pas et ce traitement, normalement, on le prend cinq ans. Ça peut donc retarder un projet de grossesse s’il y en avait un. Et ça, c’est important à prendre en compte aussi quand on pense à l’après-cancer et à la préservation de la fertilité. On réfléchit à la toxicité des traitements et au temps qu’il va falloir au traitement et donc à l’âge de la patiente lorsqu’elle aura terminé.

Quelle est la réaction, en général, des patientes lorsque vous abordez la question de la fertilité, de la contraception et de la sexualité… C’est le coup de grâce ?

Cela dépend beaucoup d’où elles en sont dans le projet parental. Il y a quand même beaucoup de femmes qui ont dépassé la cinquantaine. Chez les femmes jeunes, certaines ont déjà accompli leur projet parental et ne sont donc pas trop dans ces problématiques de fertilité. Mais pour les autres, cela peut effectivement être mal vécu. C’est justement important d’en parler pour aborder des solutions. Maintenant, on fait attention à ce qu’il y ait des portes ouvertes pour adapter la prise en charge en fonction des patientes et de leurs projets. On peut par exemple congeler les ovocytes ou des embryons. Elles ont des choix maintenant.

Peut-on avoir une vie sexuelle pendant le cancer ?

Tout à fait. On leur dit que c’est possible. Certaines mettent leur sexualité en pause parce que c’est compliqué pour elle d’être disponible pour ça. Mais il y a plein de femmes qui continuent à avoir une vie sexuelle pendant le cancer. Il faut leur dire qu’il y a quand même nécessité d’une contraception efficace pendant leur traitement.

Durant un traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie, doit-on arrêter la contraception ?

Non, justement. Il faut la prendre. Les traitements ne sont pas contraceptifs. Même si, en général, ils perturbent beaucoup les cycles, il faut absolument éviter qu’il y ait une grossesse à ce moment-là.

Quel est le problème avec la contraception hormonale après le cancer ?

Le cancer du sein est un cancer qui est favorisé par les hormones. Les patientes après un cancer ne peuvent plus avoir d’hormones car cela peut favoriser la récidive. Elles peuvent alors utiliser un stérilet en cuivre ou des préservatifs, ou s’il n’y a plus de projets de grossesse : stérilisation définitive chez la femme ou le conjoint.

Est-ce que l’aspect psychosomatique peut aussi jouer sur la fertilité après un trauma ?

C’est difficile à dire. Je pense qu’il y a des femmes qui peuvent s’empêcher d’avoir le projet avec des idées reçues comme le fait de transmettre la maladie à son enfant ou qui se disent "Maintenant, c’est plus possible pour moi parce que j’ai eu un cancer". Elles vont davantage s’empêcher d’avoir le projet. Mais quand il est là et que la discussion a lieu, je ne pense pas que cela joue sur la fertilité.

En trente ans, qu’est-ce qui a changé dans le volet prévention d’Octobre Rose ?

Je pense qu’on est allé vers une ouverture des possibilités et des sujets. Il y a trente ans, on ne proposait jamais de préserver la fertilité. La grossesse après le cancer, c’était tabou, comme la sexualité. On était focus sur le traitement. L’après-cancer est un sujet récent. Beaucoup de médecins se sont rendu compte qu’on était de plus en plus fort pour traiter le cancer et que du coup les femmes se remettaient et qu’après on les laissait vivre leur vie sans aborder les problématiques de l’après.

* De 15h30 à 16h30, dans le hall