Bronchiolite : Pourquoi parle-t-on déjà de « pénurie » de Beyfortus, dix jours après la mise sur le marché du traitement
piqûre L’hiver dernier, plus de 75.000 passages aux urgences liés à la bronchiolite ont été enregistrés
- Depuis le 15 septembre, il est possible d’administrer aux bébés un traitement préventif contre la bronchiolite, le Beyfortus.
- Le gouvernement avait commandé 200.000 doses, mais dans les pharmacies, le traitement n’est déjà plus disponible.
- Peut-on parler d’une pénurie ? Comment expliquer un tel succès ?
Si on vous parle rupture de stocks après dix jours de mise sur le marché, vous pensez PS5, nouvel Iphone… Et vous feriez erreur. Loin de ces gadgets à la pointe de la technologie, le Beyfortus n’est pas le dernier produit du consumérisme mais un traitement préventif destiné aux nourrissons. Et 200.000 doses se sont déjà écoulées, en à peine plus d’une semaine. Pourtant, les autorités de santé se veulent rassurantes sur la disponibilité de ce traitement parfois présenté, à tort, comme un vaccin.
En quoi consiste au juste le Beyfortus, et où peut-on le trouver ? Fait-on déjà face à une pénurie ? Comment expliquer un tel engouement pour ce traitement ? 20 Minutes fait le point avec Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine.
En quoi consiste l’injection de Beyfortus ?
Comme un vaccin, le Beyfortus s’injecte et sert à combattre les maladies. Mais là où le vaccin consiste « à injecter un morceau de virus pour induire une réponse immunitaire de l’organisme, afin qu’il crée lui-même des anticorps », dans le cas du Beyfortus « on injecte déjà l’anticorps », explique Pierre-Olivier Variot. Le terme de vaccin est donc inadéquat ; il faut plutôt l’envisager comme un traitement préventif. Inconvénient de la méthode, la protection « dure un peu moins dans le temps ». Mais pour une maladie qui concerne surtout les bambins de moins de deux ans, le compromis semble acceptable.
Le traitement est d’ailleurs réservé aux bébés nés après le 6 février 2023, et qui connaîtront donc cet hiver leur première saison de circulation du virus respiratoire syncytial (VRS), responsable de la bronchiolite. Pour l’administrer, deux cas se présentent. Si le bébé pèse moins de 5 kg, « ça se fait uniquement à l’hôpital, qui va fournir le produit et faire l’injection » avec un dosage réduit à 50 mg, pointe le pharmacien. Pour les bébés de plus de 5 kg, « le médecin ou le pédiatre va prescrire le traitement, le pharmacien passe commande, et quand ça arrive 5 à 6 jours plus tard, le médecin ou le pédiatre fait l’injection », éclaircit-il.
Fait-on vraiment face à une pénurie de Beyfortus ?
La première commande du gouvernement, de 200.000 doses, devait permettre de bien lancer la campagne. A l’Assemblée nationale mardi, le ministre, Aurélien Rousseau, a salué une « réussite exceptionnelle » et un « taux d’adhésion très important ». Mais il a fallu revoir le circuit de disponibilité, notamment en réservant les doses réduites aux hôpitaux. « Ce n’est pas une pénurie au sens où on n’aurait pas les doses », rassure Pierre-Olivier Variot, qui pointe le « système de livraisons compliqué ».
« On ne peut pas faire de stock », souligne-t-il, et le nombre de commandes doit donc être strictement corrélé au nombre de prescriptions. Sanofi, qui produit le traitement sous le nom de nirsévimab, « a dû rappeler les pharmaciens pour vérifier les besoins, ça a retardé les livraisons », indique Pierre-Olivier Variot. Au lieu de 5 à 6 jours, certaines boîtes sont ainsi arrivées au bout de 10 jours. « Pour l’instant, on n’a pas de pénurie » sur le stock géré par l’Etat, mais « devant l’engouement » et « au moment où on reviendra à un approvisionnement de droit commun », on aura « peut-être » des ruptures ponctuelles, prévient le pharmacien. De plus, « on est en train de rattraper les naissances de février-mars », souligne-t-il, mais « ça se calmera » une fois qu’il n’y aura plus que les bébés à naître à traiter.
Comment expliquer un tel engouement ?
Alors que le vaccin contre le Covid-19 a beaucoup fait parler de lui ces dernières années, marquant par la virulence de ses opposants, l’adhésion des parents au traitement contre la bronchiolite peut sembler surprenante. Mais en réalité « cette défiance a concerné peu de monde » et s’expliquait par « la rapidité de mise en place d’un vaccin nouveau », avec la technologie de l’ARN messager, analyse Pierre-Olivier Variot. Dans les faits, 78,7 % de la population française avait achevé son schéma vaccinal contre le Covid-19 au 1er janvier 2023, un taux en fait supérieur à 90 % pour l’ensemble des classes d’âges au-delà de 18 ans.
Une autre explication peut venir de la virulence de l’épidémie de bronchiolite l’hiver dernier, qui a commencé dès le mois d’octobre en métropole, pour s’achever au milieu du mois de janvier. Une épidémie « intense et prolongée », souligne Santé publique France. Les hôpitaux ont ainsi enregistré 73.262 passages aux urgences, soit près du double par rapport à la moyenne, pour 26.104 hospitalisations. « Quand on explique à des parents la gravité de la bronchiolite, qui peut amener leur bébé à l’hôpital, ils préfèrent avoir un traitement », conclut Pierre-Olivier Variot. En Guadeloupe et en Martinique, le virus circule déjà à un stade pré-épidémique.