Bronchiolite : Que sait-on du Beyfortus, ce traitement préventif destiné aux nourrissons ?
Pédiatrie Ce traitement injectable est disponible en France à compter de ce vendredi
- A partir de ce vendredi, tous les nourrissons nés après le 6 février 2023 seront éligibles au Beyfortus, un traitement préventif de la bronchiolite.
- Il consiste en l’administration par injection d’un anticorps monoclonal, le nirsévimab.
- Mais si ce traitement préventif est porteur d’espoir face à une maladie responsable chaque année de l’hospitalisation de nombreux bébés, certaines voix soulignent l’efficacité jugée relative de ce nouveau médicament.
Cela ressemble à un vaccin. Cela s’injecte comme un vaccin. Cela a vocation à protéger d’une maladie, comme un vaccin. Mais le Beyfortus n’est pas un vaccin, c’est un traitement préventif contre le principal virus responsable de la bronchiolite, et qui sera disponible pour la toute première fois dès ce vendredi.
Comment fonctionne-t-il ? A qui s’adresse-t-il ? Et est-il efficace ? 20 Minutes vous explique ce que l’on sait de ce nouveau médicament.
Une immunisation par anticorps contre le VRS
Commercialisé sous le nom de Beyfortus par le géant pharmaceutique Sanofi, le nirsévimab est un anticorps monoclonal administré par injection. Il ne s’agit toutefois pas d’un vaccin, on le répète, mais bien d’un traitement prophylactique, ou préventif, qui vise à immuniser les nourrissons contre le virus respiratoire syncytial (VRS).
Ce VRS est le principal responsable de la bronchiolite, qui chaque année affecte de nombreux nourrissons. « En France, la bronchiolite à VRS, dont l’épidémie débute généralement à l’automne et se termine à la fin de l’hiver, est l’une des premières causes d’hospitalisation des nourrissons de moins d’1 an durant la saison hivernale, indique l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). On estime que la bronchiolite touche chaque hiver près de 30 % des nourrissons de moins de 2 ans, soit environ 480.000 cas. Chaque année, 2 à 3 % des nourrissons de moins de 1 an seraient hospitalisés pour une bronchiolite plus sévère ».
La saison dernière, l’épidémie de bronchiolite, qui se traduit par une toux et une respiration difficile, a été la plus intense depuis plus de dix ans, avec des dizaines de milliers de bébés hospitalisés. « L’hiver a été une catastrophe, entre la virulence de l’épidémie et les difficultés d’un point de vue hospitalier, avec beaucoup de lits fermés », abonde le Dr Anne Béguin, pédiatre et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).
Un traitement destiné aux enfants nés à partir du 6 février 2023
Jusqu’à présent, il n’existait quasiment aucun traitement préventif, à une exception : le Synagis, mis au point par AstraZeneca. Un traitement toutefois lourd à administrer et réservé uniquement aux bébés à risque. Dans ce contexte, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a fait du déploiement de Beyfortus « l’un des grands enjeux de la rentrée », estimant qu’il représente « une avancée majeure pour la santé des nourrissons ».
Un enthousiasme partagé notamment par les sociétés savantes de pédiatres et de généralistes. « Nous sommes ravis de l’arrivée de ce traitement », se réjouit le Dr Béguin qui, « depuis fin août », a « déjà rédigé les premières ordonnances : c’est très bien accueilli et attendu par les parents, qui ont vraiment peur de la bronchiolite, et qui ont conscience de la gravité d’une forme sévère chez un tout-petit. Dès ces jours-ci, nous allons commencer l’administration. Et les bébés à naître le recevront directement en maternité ».
Mais qui pourra le recevoir à compter de ce vendredi ? « Beyfortus est indiqué (…) chez les nouveau-nés et les nourrissons au cours de leur première saison de circulation du VRS, indique l’Agence européenne des médicaments (EMA). (Il) doit être administré avant le début de la saison d’épidémie à VRS, ou dès la naissance chez les nourrissons nés au cours de la saison d’épidémie à VRS ». En France, cet anticorps monoclonal est destiné à tous les bébés nés depuis le 6 février 2023.
Des discordances sur l’efficacité du traitement
Toutefois, des discordances se font entendre sur son efficacité. Il y a « un certain emballement, un peu rapide selon moi, en termes de preuves », juge le Pr Rémy Boussageon, professeur de médecine générale. Comme d’autres critiques, il souligne que l’une des trois études fournies par Sanofi n’a pas témoigné d’un effet significatif en matière de diminution des hospitalisations. Certes, un tel effet a ensuite été nettement (- 83 %) avéré par une autre étude de Sanofi, mais qui n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique et a été réalisée selon une méthodologie un peu moins stricte.
« Les résultats de trois essais cliniques conduits entre 2016 et 2023, et incluant environ 12.000 nourrissons, montrent une bonne efficacité (plus de 80 % de réduction des hospitalisations pour infection respiratoire basse à VRS, et 75 % de réduction des formes très sévères de bronchiolites dans l’essai clinique le plus récent) », rappellent le Conseil national des professionnels de pédiatrie (CNPP) et la Société Française de Néonatologie dans un avis revu le 21 août.
« Une amélioration tout à fait significative » attendue
Alors, que penser ? Les sceptiques soulignent que la Haute autorité de santé (HAS), l’instance chargée d’évaluer un nouveau traitement, n’a évoqué qu’un progrès « mineur » en termes de « service médical rendu ». « C’est assez habituel de voir la HAS prendre dans un premier temps des positions plutôt prudentes », répond le Pr Christèle Gras Le Guen, pédiatre hospitalière au CHU de Nantes, chargée par le gouvernement d’accompagner le déploiement du traitement.
Limitées par leur taille, les études de Sanofi n’ont « pas un niveau de preuve qui permet de savoir ce qui va se passer en France en hiver », a-t-elle reconnu, soulignant aussi que Beyfortus ne dispenserait aucunement les parents d’éviter d’exposer leur bébé aux lieux publics ou à un cercle familial trop large. Mais la pédiatre estime que ces données permettent largement d’espérer « une amélioration tout à fait significative, comparé à ce qu’on a vécu l’hiver dernier ». Un avis partagé par le Dr Béguin : « ce traitement devrait révolutionner la saison hivernale, en réduisant significativement les risques de formes sévères ». Pour l’heure, le gouvernement a commandé 200.000 doses.