Gironde : Débordées, les urgences de Libourne veulent elles aussi être régulées
à bout de souffle Le service des urgences de Libourne, dans le nord de la Gironde, est resté ouvert tout l’été malgré son manque de médecins et une hausse d’activité de 10 % par rapport à 2021
- Les urgences de l’hôpital de Libourne ont été mises à rude épreuve cet été avec une hausse de leur activité en raison de la fermeture des urgences de Sainte-Foy-La-Grande.
- En manque de médecins, la structure demande à l’Agence régionale de santé de l’aider à mettre en place une régulation de l’accès aux urgences, en créant par exemple un Samu Nord Gironde.
- Si le manque de personnels paramédicaux est moins criant, leur rotation est importante et l’établissement déploie des initiatives (crèche, formation etc.) pour les retenir.
En visitant le service des urgences du centre hospitalier de Libourne, on passe devant de nombreux patients qui patientent sur des brancards, dans les couloirs, la mine résignée. « Des fois on ne peut plus circuler, commente Anaïs Girard, cheffe du pôle urgences de Libourne et Sainte-Foy-la-Grande. Et ce matin, ce n’est pas une matinée chargée… » Elle explique, ce vendredi, lors de la visite de soutien de l’Agence régionale de santé (ARS) après un épisode estival compliqué, qu’un médecin qui prend sa garde le matin peut avoir jusqu’à 35 patients à voir. Le docteur Etienne Petitdidier en sait quelque chose, après avoir terminé sa garde de 24 heures, il sera de nouveau auprès des patients dès minuit ce soir, en raison du manque de médecins.
Un service sous-dimensionné
« On arrive à assurer les délais recommandés pour prendre en charge les urgences vitales », tempère la cheffe du pôle des urgences, tout en soulignant les difficultés pour d’autres prises en charge comme celles de certaines personnes âgées qui restent plus de 24 heures sur des brancards. Et cet été, le pôle a été mis à rude épreuve puisque l’activité y a augmenté de plus de 10 % par rapport à 2021, en raison de la fermeture des urgences de Sainte-Foy-la-Grande. « Le service est ancien et dimensionné pour accueillir 100 personnes par jour or, on en a pris en charge jusqu’à 140 quotidiennement cet été, avance Anaïs Girard. On a hâte de travailler dans des locaux plus adaptés. » Mais pour l’instant, il n’existe aucun projet financé pour moderniser les lieux.
Alors qu’en temps normal, le rythme ralentit après le 15 août, cela n’a pas été le cas cette année. Heureusement, le pôle a pu compter sur les soignants d’autres services de l’hôpital qui sont venus prêter main-forte. « Notre secteur de recours est vaste, il y a le nord Gironde mais aussi une partie de la Dordogne et de la Charente, sans qu’il y ait d’autres centres d’urgences proches, à part sur l’agglomération bordelaise », souligne la cheffe du pôle.
Une sonnette pour toute régulation
L’accès aux urgences se fait par une sonnette et ensuite c’est une infirmière d’accueil qui oriente les patients. « La sonnette, c’est pour limiter les agressions sur le personnel », explicite la cheffe du pôle. En fonction de la gravité de leurs cas, les patients sont ensuite orientés dans les différentes filières d’urgence. « Normalement, l’hospitalisation aux urgences doit se limiter à 24 heures mais c’est un peu plus en ce moment », ajoute Anaïs Girard. Sur la zone d’accueil, il peut y avoir jusqu’à une vingtaine de patients en même temps et elle est trop petite, ce qui pose des problèmes de confidentialité. « En temps normal, seule une quinzaine de patients restent après minuit et cet été, on en a eu jusqu’à une trentaine », complète-t-elle. Le pôle tente d’innover pour faire face aux difficultés et a par exemple créé une unité d’aval des urgences pour proposer « des conditions décentes de prise en charge pour éviter que les patients ne restent sur un brancard », pointe la cheffe de pôle.
Le service est resté ouvert tout l’été « avec des effectifs dégradés », précise Anaïs Girard. Comme de nombreux établissements, l’hôpital de Libourne connaît de grandes difficultés de recrutement. Dans le pôle des urgences, il y a 17 postes de médecins en équivalents temps plein mais il en faudrait 30 pour fonctionner dans des conditions normales. « On est en grande difficulté, les gens s’épuisent et quittent le navire, estime le docteur Etienne Petitdidier, médecin urgentiste. Et, le territoire est démuni en médecins généralistes. » En plus, les nouvelles recrues souhaitent rarement travailler à temps plein « parce que c’est trop dur », justifie Anaïs Girard. L’établissement a un plan de formation pour accompagner des médecins généralistes qui souhaitent devenir urgentistes, ils sont cinq actuellement à suivre ce programme. « Sans cette initiative, on n’aurait que 12 médecins », alerte la cheffe de pôle.
Si les effectifs de personnels paramédicaux sont moins compliqués, quasiment à l’équilibre pour les infirmières, l’enjeu est de les garder au sein des équipes. Crèche pour le personnel, plan de formation, propositions pour monter en compétences font partie des outils déployés pour essayer de les retenir. La régulation, avec la création d’un Samu Nord Gironde, est souhaitée par les équipes, qui constatent que le Samu Gironde est débordé. « Ce sont des conditions difficiles mais on s’attache à donner du sens à ce qu’on fait », relativise Anaïs Girard, qui pointe l’investissement sans faille de ses équipes, néanmoins à bout, comme elle l’a fait comprendre à l’ARS.