Alsace : Désert médical en plein Mulhouse avec 5.000 patients privés de généraliste
Privés de soins Trois médecins généralistes ont quitté la maison de santé du quartier populaire de Bourtzwiller, laissant quelque 5.000 patients sans suivi médical. Les solutions manquent
Les déserts médicaux ne sont pas réservés uniquement au fin fond des campagnes. A Mulhouse, le départ en retraite des trois généralistes de la maison de santé du quartier populaire de Bourtzwiller a laissé quelque 5.000 patients sans suivi médical. Aucun médecin n’a pris la relève, seules des infirmières et des kinésithérapeutes y exercent. Au total, une vingtaine de professionnels.
Lancées il y a plusieurs années pour trouver des successeurs, les recherches ont été intenses, mais vaines. « On n’a jamais réussi à trouver des collaborateurs », soupire Isabelle Willemain, 63 ans, qui a exercé « pendant trente-six ans » à Bourtzwiller.
Les raisons en sont multiples. Parmi elles, le fait que Mulhouse ne soit pas une ville universitaire ou encore le manque d’attractivité de ce quartier pauvre, où vivent environ 15.000 personnes, avance Mehdi Kacem, jeune généraliste de 34 ans qui a choisi de s’installer dans une autre partie de l’agglomération. Pour équiper son futur cabinet, le trentenaire est justement venu chercher du matériel médical racheté à ses confrères désormais retraités. A ses yeux, l’approche du métier des jeunes médecins est aussi un élément explicatif. « On va privilégier la vie de famille », explique ce fils de médecin, qui dit avoir vu son père « se faire absorber complètement par l’hôpital ».
Dans ce qui fut son cabinet ces cinq dernières années, le Dr Willemain rembobine l’histoire de la maison dans laquelle elle a exercé avec son époux et une troisième médecin. Elle visait à réduire les inégalités d’accès aux soins et à offrir une couverture médicale de proximité. Mais « on a très vite été dépassés par le travail, pourtant d’une grande variété et très intéressant », confie-t-elle. « A la fin, on avait 5.000 patients […] les deux derniers mois, on rentrait à minuit tous les soirs en commençant à 8 heures. C’était infernal. »
Depuis, leurs patients se sont reportés vers SOS Médecins, les urgences ou les centres de soins non programmés, autant d’établissements qui ne sauraient remplacer le suivi régulier d’un médecin traitant, souligne le Dr Frédéric Tryniszewski, président de SOS Médecins Mulhouse.
« Qu’est-ce qu’on va devenir ? »
Désormais seules en première ligne, les infirmières tentent de faire face comme elles le peuvent. « Pour l’instant, on tient », soupire Céline Bohrer, 43 ans. Elle gère les patients qui arrivent « sans ordonnance pour des soins infirmiers » et qu’on est « obligé de réorienter vers l’hôpital » de Mulhouse, pourtant « déjà tendu ». Et « avant de partir », les trois généralistes ont « fait des prescriptions sur 12 mois » pour les patients souffrant de pathologies chroniques, explique Isabelle Willemain. Histoire d’assurer la continuité dans l’attente d’une solution.
Elle pourrait voir des internes, chapeautés par des médecins en retraite, dispenser des soins, un projet en réflexion avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) et la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Mulhouse. « Ils pourraient prendre en charge une partie des patients, le temps pour eux de trouver un médecin traitant », explique le Dr Tryniszewski, qui préside la CPTS. Un projet qui ne devrait toutefois pas voir le jour avant novembre, voire le printemps prochain.
En attendant, dans sa petite demeure à un jet de pierre de la maison de santé, Jacqueline Schreiber s’inquiète. « Ça fait peur, […] qu’est-ce qu’on va devenir s’il n’y a plus de médecins ? », s’interroge cette dame de 79 ans. « Moi, je me débrouille encore toute seule mais il y a plein de personnes qui sont alitées, qui ne peuvent plus rien faire. Il leur faut absolument un médecin. »