Hôpital : Des urgences fermées la nuit ou le week-end, une crise « jamais vue » qui pourrait s'aggraver

Fermeture Dans plusieurs départements, il faut appeler le 15 avant de pouvoir se présenter dans un service d’urgence de nuit

Xavier Regnier
Les urgences sont dans l'impasse. (illustration)
Les urgences sont dans l'impasse. (illustration) — SYSPEO
  • De nombreux hôpitaux ferment leurs services d’urgences ponctuellement cet été, la nuit ou le week-end.
  • La faute à un manque de personnel, en particulier de médecins urgentistes intérimaires, dont les indemnités ont été plafonnées à 1.390 euros la garde de 24 heures.
  • « C’est du jamais vu », selon Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, qui dénonce un manque de moyens chroniques et une « ubérisation » voulue du secteur avec le recours massif au 15.

Que vous soyez vacancier à Saint-Tropez ou habitant de Laval, il vaut mieux ne pas avoir un problème de santé après 18 heures cet été. Un peu partout en France, de nombreux centres hospitaliers multiplient les fermetures ponctuelles de leurs services d’urgences, en particulier la nuit, la faute à un manque de personnel. Si l’état de l’hôpital inquiète médecins et infirmières depuis longtemps, la crise des urgences actuelle « est du jamais vu », estime auprès de 20 Minutes Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France.

Pourquoi la crise est-elle si forte cet été ? Les fermetures peuvent-elles se prolonger au-delà de la rentrée ? Quelles sont les solutions pour retrouver des urgences accessibles et efficaces ? 20 Minutes fait le point.

Pourquoi y a-t-il une crise des urgences cet été ?

A Maubeuge, les urgences devraient fermer les trois derniers week-ends du mois d’août. L’hôpital de Redon, en Ille-et-Vilaine, applique une fermeture nocturne de son service pour tout l’été, et dans la Mayenne, il faut faire le 15 avant de pouvoir se rendre aux urgences des trois CHU du département. Idem pour les sept hôpitaux de la Manche.

« C’est du jamais vu », dénonce Patrick Pelloux. Ces fermetures sont, pour le président de l’association des médecins urgentistes de France, la conséquence de « l’abandon de l’architecture du service public ». « Au lieu de se demander pourquoi un service n’est pas attractif, ou pourquoi il manque de lits, on ferme », critique-t-il. « On a mis la société à l’arrêt en 2020 parce qu’il n’y avait pas assez de moyens dans les hôpitaux » pour gérer la crise du Covid-19. « Ça ne leur a pas servi de leçon », lance l’urgentiste.

L’attractivité de certains services a surtout chuté avec le plafonnement de l’indemnité des médecins intérimaires, à 1.390 euros la garde de 24 heures, décidée par l’ex-ministre de la Santé François Braun. « Il fallait l’encadrer, le système était pervers, certains hôpitaux payaient jusqu’à 5.000 euros » et créaient des déséquilibres régionaux et une forme de « dumping social », souligne Patrick Pelloux. Mais ce plafond uniforme n’offre pas « d’attractivité pour les nuits, les jours fériés », pointe-t-il, d’où la décision de certains médecins urgentistes de ne plus accepter ces gardes.

La crise peut-elle durer ?

En déplacement à Sarlat, en Dordogne, où la maternité était fermée la semaine dernière, le nouveau ministre de la Santé Aurélien Rousseau a appelé à « encaisser le coup, et ensuite petit à petit on remonte ». Facile à dire pour les urgences de Vouziers (Ardennes), Vittel (Vosges) et Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), officiellement rétrogradées au rang de « centre de soins non programmés » de jour. « La promesse d’Emmanuel Macron de désengorger les urgences d’ici 2024 n’a aucun sens », tacle Patrick Pelloux.

Pour le moment, de nombreux hôpitaux se retranchent derrière une surcharge liée à la fréquentation touristique, en Normandie comme à Saint-Tropez, et pointe la fermeture estivale de nombreux cabinets de médecins généralistes. « Par chance, seule la partie Sud est touchée par des canicules, grince Patrick Pelloux, si on avait de fortes chaleurs partout, on serait perdus ». Car la consigne gouvernementale de tenir bon et de demander d’appeler le 15 en premier lieu ne fera pas revenir les urgentistes. « Comme on ne change pas de politique, la crise ne fait que s’aggraver. C’est pathétique », regrette Patrick Pelloux.

Quelles sont les solutions pour sauver les urgences ?

Côté gouvernement, on mise donc à fond sur la régulation, avec une transformation du 15 en un « service d’accès au soin ». « C’est un échec total », constate Patrick Pelloux. Peu informés sur les horaires des urgences, les patients continuent de s’y rendre et parfois « sont refusés » alors qu’ils « ont dû changer de département ». Il dénonce aussi une « ubérisation de la médecine », la téléconsultation et les données personnelles qui y sont liées devant être réservées « au médecin traitant, qui connaît les patients ».

« Il faut examiner les malades » quoi qu’il en soit, estime l’urgentiste. Pour lui, « la seule chose qui fera baisser la fréquentation, c’est une grande politique de prévention et de santé publique », citant comme exemple la prévention routière. Ainsi, la réglementation des mobilités douces et ou une meilleure « prévention sur la santé au travail » pourraient être des leviers à actionner, en plus de la question du budget de l’hôpital.