Pourquoi les consignes d’un cabinet gynécologique ont choqué
FAKE OFF Pour des collectifs, la note publiée par un cabinet gynécologique d’Indre-et-Loire paraît obliger les patientes à se soumettre à un examen complet, le praticien s’en défend et déplore des « dénonciations fausses »
- Sur les réseaux sociaux, une capture d’écran de consignes, affichée sur le site d’un cabinet gynécologique, a choqué. Notamment parce qu’il y est écrit qu’en cas de désaccord avec un examen, « la consultation sera possiblement annulée ».
- Le praticien déplore des « dénonciations fausses ». Et explique dans un mail : « Ce n’est pas moi qui prend la décision d’annuler ou non une consultation, mais la patiente. »
- L’Ordre des médecins présente ses excuses « à l’ensemble des patientes qui ont été blessées par le contenu de cette affiche ».
En Indre-et-Loire, un cabinet gynécologique a-t-il « menacé officiellement d’annuler le RDV des patientes si elles ne consentent pas à tous les examens gynécologiques », comme l’a dénoncé un collectif ? Sur les réseaux sociaux, une capture d’écran de consignes, affichées sur le site du professionnel de santé, a choqué. Le gynécologue réfute cette interprétation.
Y est d’abord indiqué ce que comprend un examen clinique complet, avec une palpation des seins, la pose d’un spéculum vaginal pour le frottis, un toucher vaginal, éventuellement une échographie avec une sonde vaginale et un toucher rectal pour certaines pathologies. Et surtout est précisé, à la fin, en rouge, qu’en cas de désaccord, la personne doit le signaler avant la consultation « qui sera possiblement annulée ».
Une note « extrêmement intimidante »
Une précision qui a révolté des collectifs comme Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (stopVOGfr) ou le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane). « Ces consignes sont contraires à la loi Kouchner de 2002 sur le consentement libre et éclairé des patientes, qui peut être retiré à tout moment, s’indigne Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de stopVOGfr. Le consentement ne peut pas être recueilli sous la contrainte, la menace, la pression. »
Pour elle, cette note « laisse penser aux patientes qu’elles doivent tout accepter du médecin parce que sinon, possiblement, votre rendez-vous est annulé. C’est extrêmement intimidant, estime-t-elle. Et il faut qu’elles fassent quoi dans le cabinet ? Qu’elles ne disent rien, surtout si elles ont mal ? Peut-être qu’il va annuler leur rendez-vous alors qu’elles en ont besoin, si elles ont une grossesse qui est compliquée ? »
Les collectifs y voient un possible refus de soin
Un autre point a suscité l’ire des collectifs : le fait que cette note ait été validée par le conseil départemental de l’Ordre des médecins, comme cela est mentionné sous l'annonce. La publication de ces consignes aurait été acceptée en bureau restreint en août 2022, d’après le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Le conseil départemental n’a pas voulu communiquer sur le sujet, mais le praticien, que nous avons contacté et qui ne souhaite pas être cité nommément, indique que l’affiche a été validée le 12 août 2022.
StopVOGfr voit dans cette note un possible refus de soins et se demande comment faire alors pour signaler un médecin « quand la marche à suivre, c’est de s’adresser à l’ordre départemental ». « Sélectionner les patientes sur leur compliance thérapeutique, ce n’est pas très déontologique », dénonce le Ciane. Pour les collectifs, ces consignes sont aussi contraires à la charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique, adoptée en 2021 par le collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Celle-ci souligne que « l’examen clinique n’est pas systématique » et qu’il « doit pouvoir être interrompu dès que la patiente en manifeste la volonté. Aucune pression, en cas de refus, ne sera exercée sur elle. »
Le praticien déplore des « dénonciations fausses »
Nous avons contacté le gynécologue concerné. Il déplore des « dénonciations fausses ». « Ce n’est pas moi qui prend la décision d’annuler ou non une consultation, mais la patiente, explique-t-il dans un mail. Toute femme a la possibilité d’annuler à tout moment une consultation si elle considère que l’examen en lui-même est traumatisant. C’est son choix et pas le mien, et je le respecte. Toute autre interprétation ne peut être faite que dans l’intention de me nuire », estime-t-il, indiquant avoir porté plainte pour diffamation auprès de la gendarmerie.
Il ajoute que cela est, pour lui, « constitutif du délit de dénonciation calomnieuse ». Et précise que la charte du CNGOF était aussi accessible depuis son site Internet (en cours de maintenance). La note a depuis été retirée du site. « Tout au plus, il s’agit d’un problème de communication et de compréhension d’un texte, résultant d’un manque de discernement sciemment grave et irréfléchi de l’auteur du tweet », estime-t-il, regrettant la publicité de cette affaire.
« Je n’ai jamais fait l’objet à ce jour de plaintes auprès du conseil de l’Ordre, qui est me semble-t-il, le plus compétent pour apprécier les manquements à la déontologie », conclut-il.
L’Ordre des médecins présente ses excuses
Si le conseil départemental de l’Ordre des médecins n’a pas souhaité communiquer sur cette affaire, l’institution nationale a présenté ses excuses « à l’ensemble des patientes qui ont été blessées par le contenu de cette affiche » dans un communiqué, qui nous a été envoyé par mail. « L’Ordre tient à informer que les médecins n’ont pas à annuler un rendez-vous médical si un patient refuse un des examens médicalement conseillés », est-il précisé.
Le conseil national de l’Ordre des médecins rappelle l’importance d’une « information loyale et appropriée permettant de recevoir le consentement du patient lors de l’ensemble des examens médicaux, notamment lors des consultations gynécologiques et obstétricales, [...] à chaque étape de la prise en charge médicale ».
Une formulation plus claire en réflexion
Joëlle Belaisch-Allart, nouvelle présidente du collège national des gynécologues et obstétriciens, dit comprendre la réaction des collectifs, mais voit plusieurs manières de lire la note. « Le message est sûrement mal rédigé puisqu’il peut avoir plusieurs interprétations », pointe-t-elle, invitant à lire soigneusement, mot à mot. Elle souligne que l’examen clinique est d’abord défini, « c’est bien ce qu’on nous demande de faire, commente-t-elle. Il n’est pas dit qu’un examen sera fait systématiquement ou obligatoirement. » La formule « qui sera possiblement annulé », « peut vouloir dire que tout dépend du motif de la consultation », estime-t-elle.
Et précise : si une personne consulte pour un motif où l’examen clinique est utile et recommandé (douleurs, saignements, perte d’urine à la toux ou au rire), « on peut lui expliquer qu’il s’agira d’une consultation inutile si elle ne souhaite pas être examinée et qu’il y aura incompréhension pendant la consultation ou à la facturation et qu’il vaut peut-être mieux annuler avant ». A titre personnel, ajoute la présidente, elle estime préférable de toujours recevoir pour expliquer « en quoi l’examen apporterait des éléments pour savoir s’il faut opérer, ce qui peut être proposé ».
Quelle formulation aurait pu être plus claire ? Joëlle Belaisch-Allart explique que le collège y réfléchit et propose comme piste de réflexion : « Le cabinet respecte les indications d’examen gynécologique et pelvien tels que définit dans les recommandations pour la pratique du collège et ne propose l’examen clinique que dans les cas indiqués. Si vous ne souhaitez pas être examinée alors que votre motif de consultation le nécessiterait, le cabinet pourra vous proposer d’annuler la consultation. » Mais, il faudrait tester la formulation au préalable avec des usagers pour s’assurer de la bonne compréhension, conclut-elle.