Perturbateurs endocriniens, additifs, pesticides… Les femmes sont-elles davantage affectées par les polluants ?
sante en danger Certaines professions particulièrement exposées aux polluants, comme hôte de caisse, coiffeur ou agent d’entretien, sont très majoritairement occupées par des femmes
- L’exposition aux polluants varie selon notre âge, notre lieu de résidence, notre mode de vie, notre profession… et notre genre.
- Les femmes détiennent un indice de masse grasse plus important en proportion que leurs homologues masculins. De nombreux polluants étant stockés dans le tissu gras, elles sont ainsi plus exposées.
- De plus, certaines professions particulièrement exposées à ces contaminants, comme les hôtes de caisse, les coiffeurs ou les agents d’entretien sont très majoritairement occupées par des femmes.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 23 % des décès et 25 % des maladies chroniques sont dus à des facteurs environnementaux. Parmi eux, on trouve l’exposition biologique à un virus, le contexte psychologique, mais aussi plusieurs polluants tels que les pesticides, les additifs alimentaires ou les perturbateurs endocriniens. Et l’exposition à ces contaminants varie selon notre âge, notre lieu de résidence, notre mode de vie, notre profession… et notre genre. C’est le thème d’une conférence organisée cette semaine par la Fondation pour la recherche médicale, alors que la prise en compte du sexe dans la survenue ou le développement des maladies a longtemps été boudée par les chercheurs.
Femmes et hommes possèdent tout d’abord des différences métaboliques conduisant à absorber différemment les polluants. Les premières détiennent une masse grasse plus importante en proportion. De nombreux polluants étant stockés dans le tissu gras, les femmes y sont ainsi plus exposées. Le système hormonal sexuel diffère également entre les deux genres. « La plupart des perturbateurs endocriniens, en mimant les œstrogènes, augmentent le risque de cancer du sein ou peuvent perturber le développement des filles in utero », explique Robert Barouki, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm),
Des conditions sociales et professionnelles féminines exposant aux polluants
Mais les différences ne sont pas seulement biologiques. Elles sont aussi socio-économiques. Les femmes constituent la majorité des personnes en situation de précarité. Elles représentent, par exemple, 70 % des travailleurs pauvres en France. Et on sait que les personnes en situation de précarité sont davantage exposées à certains polluants, notamment alimentaires et atmosphériques (en raison d’un logement moins adapté).
De plus, certaines professions comme les hôtes de caisse, les employés de salon de coiffure et les agents d’entretien sont plus souvent féminines ; 90 % des caissiers sont de sexe féminin, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Et on compte sept femmes sur dix chez les agents d’entretien.
Ces deux professions sont particulièrement exposées à des polluants. Les hôtes de caisse, par exemple, manipulent les tickets sur lesquels se trouve du bisphénol A, aujourd’hui remplacé. « Ces bisphénols ont été classés comme perturbateurs endocriniens à risque, car ils se fixent sur le récepteur naturel des œstrogènes et miment leur effet », souligne Véronique Maguer-Satta, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
« Dire que les femmes sont plus touchées est un peu rapide »
« Dire que les femmes sont plus touchées par les polluants que les hommes est un peu rapide, nuance toutefois Robert Barouki. Selon le type de polluant, l’impact peut être supérieur chez l’un des deux genres ou chez l’autre. » Surreprésentée dans certains secteurs, comme le bâtiment, la gent masculine est exposée à davantage de produits chimiques tels que l’amiante.
Et ce n’est pas tout. « Une étude de terrain réalisée en Occitanie montre que l’exposition à un mélange de pesticides a des répercussions métaboliques plus importantes chez les hommes que chez les femmes », ajoute Hervé Guillou, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
Toutefois, au-delà du travail, les femmes sont davantage exposées aux contaminants une fois de retour chez elles. Elles consacrent en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques, comme le ménage ou les courses, contre deux heures pour le sexe opposé. Elles sont donc plus exposées aux substances nocives contenues dans les produits ménagers.
« 50 % des cas d’endométriose ont une origine environnementale »
Par ailleurs, certaines pathologies, exclusivement ou majoritairement féminines, ont aussi des causes environnementales, qui restent à déterminer. Cela concerne « 50 % des cas d’endométriose », précise Marina Kvaskoff, chargée de recherche à l’Inserm. Elle s’intéresse notamment au rôle joué par l’alimentation, tandis que d’autres récentes études montrent un lien entre l’endométriose et l’exposition aux pesticides ou aux dioxines. Concernant le cancer du sein, Véronique Maguer-Satta dirige, quant à elle, une vaste étude sur l’impact des bisphénols et des nanoparticules de plastique sur les glandes mammaires. « On en est au tout début des recherches. »
En attendant les résultats, Véronique Maguer-Satta appelle à ne pas faire peser la responsabilité sur les individus. « C’est sûr que c’est mieux de manger bio pour éviter l’exposition aux pesticides, mais ce qu’il faut surtout, c’est que les individus fassent pression sur les gouvernements », enjoint Robert Barouki. Et il y a du travail. Dernier exemple en date : le bisphénol A, classé comme perturbateur endocrinien, a été remplacé par le bisphénol S. Une substance chimique tout aussi controversée.