Pornographie : Pourquoi les parents sont dans le déni quand leurs enfants consultent ces sites ?

Exposition Plus de 2 millions de mineurs ont consulté un site pornographique en 2022, et la plupart des parents n’en sont pas conscients

Xavier Regnier
— 
Pornographie : Plus de deux millions de mineurs consultent des sites pour adultes #shorts — 20 Minutes
  • Selon une étude de l’Arcom et de Médiamétrie, 51 % des garçons de 12-13 ans consultent chaque mois un site pornographique.
  • Cette consommation du porno se fait « de plus en plus mixte et de plus en plus jeune », souligne Anne de Labouret, autrice de Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse* et interrogée par 20 Minutes.
  • Pour cette pharmacienne de formation, qui participe à des ateliers de sensibilisation, il est crucial que les parents, qui sont souvent dans le déni sur ce sujet, fassent de la prévention « dès le plus jeune âge » en incitant leurs enfants à venir leur parler s’ils tombent sur des images pornographiques en naviguant sur Internet, et expliquent que « ce n’est pas la vraie vie » aux ados.

Après la « génération Sida » des enfants des années 80 et 90, la « génération porno » ? Selon une étude de l’Arcom, 51 % des garçons de 12 ans-13 ans fréquentent au moins une fois par mois un site pour adultes. Un chiffre vertigineux, qui vient souligner l’échec récurrent de la mise en place d’une barrière efficace à l’entrée des sites pornographiques. Une exposition que la plupart des parents ignorent, ou ne veulent pas voir.

Que révèle cette étude sur les habitudes de consommation de porno des mineurs ? Pourquoi les parents tombent-ils dans une forme de déni de ce phénomène ? Comment briser le tabou et aborder le sujet avec son enfant ? L’autrice de Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse*, Anne de Labouret, a répondu aux questions de 20 Minutes.

A quel point les mineurs consomment-ils de la pornographie ?

Selon l’enquête de l’Arcom avec Médiamétrie, 2,3 millions de mineurs ont consulté des sites pornographiques en 2022, à raison de 49 minutes par mois en moyenne. Un chiffre en constante augmentation. « Tous les jeunes consultent du porno, c’est de plus en plus mixte et de plus en plus jeune », exposer Anne de Labouret. Ainsi, si 55 % des hommes adultes et 20 % des femmes regardent régulièrement du porno, c’est le cas de 59 % des garçons et 27 % des filles chez les ados de 14 et 15 ans.

« Ça arrive avec les outils qu’on leur met en main, car les enfants ont des smartphones avec accès Internet très jeunes », prévient l’ancienne prof de biologie. De fait, l’étude de l’Arcom estime que 83 % des mineurs utilisent leur téléphone portable pour consulter ces sites. « Avant, il n’y avait qu’un seul ordinateur pour la famille, des téléphones à neuf touches, les ados avaient accès au porno vers 15 ans. Maintenant, la consultation commence en primaire, vers 9 ans », souligne Anne de Labouret. « Ils sont curieux, c’est naturel, mais ils vont tomber sur des images choquantes et inadaptées ».

Pourquoi y a-t-il un déni parental sur la consommation du porno par les jeunes ?

A la fin des ateliers de sensibilisation auxquels elle participe parfois, Anne de Labouret rencontre des parents « qui ont pris un coup sur la tête ». Pas tant par idéalisation de leur enfant, mais surtout « parce qu’ils n’ont pas vécu cette situation, ont eu accès à la pornographie plus tard ». Ces parents ont  grandi avec les premiers ordinateurs, « maîtrisent bien l’outil informatique et ont l’impression de faire le nécessaire ». Mais en réalité, ils sont « peu conscients de ce que leurs enfants voient sur Internet ».



« C’est plus simple de ne pas aborder le sujet », regrette-t-elle. Elle souhaite que « les parents prennent conscience » de l’importance du sujet malgré la difficulté d’en parler, car l’exposition à toutes les facettes du porno si jeune « a un impact sur le psychisme et les relations » que l’enfant développera à terme. « Malgré toutes les précautions que vous prendrez, vous ne savez pas ce que fait le voisin », pointe-t-elle, rappelant que les enfants et ados « partagent avec leurs copains » ce qu’ils voient sur Internet.

Comment sortir du tabou et parler du porno à son enfant ou son ado ?

Rassurez-vous, pas la peine d’aller dans le grand déballage, de faire un cours d’anatomie ou même d’avoir « la » discussion avec votre enfant des années avant qu’elle ne soit nécessaire. Mais pour Anne de Labouret, la prévention commence dès que l’enfant à accès à un écran de manière autonome. Pour les plus jeunes, on peut commencer par « attention, il y a des choses qui ne sont pas pour toi, de la violence ou des gens tous nus, et si tu en vois, viens m’en parler ». A la manière d’un « ne parle pas aux personnes que tu ne connais pas dans la rue », il faut répéter le message à l’envi.

Ensuite, dès le primaire, « expliquer que c’est du cinéma, pour faire semblant », voire « qu’il y a des trucages », comme quand « Harry Potter s’envole sur son balai ». Plus le temps passe, plus on peut en profiter pour « déconstruire l’image du porno » et expliquer « la violence, le viol ». Insister sur le fait que ces vidéos vont « leur donner de fausses idées ». Inutile d’ailleurs d’aborder la discussion frontalement : mieux vaut « tirer le fil à partir de ce qui se dit à la télé ou la radio ». Et au passage « faire du respect du consentement le point central de ce qu’on va dire ». Avec tout ça, on peut espérer éviter que les mineurs ne développent une vision « très normée, schématisée » de la sexualité, dont la découverte devrait être « beaucoup plus personnelle et épanouissante ».

*Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse, Anne de Labouret, Tierry Souccar éditions, 12 euros.