Tabagisme : Et si la solution pour arrêter de fumer était le tabac ?

ESSAI CLINIQUE Le centre Eurofins Optimed coordonne depuis un an une étude clinique sur un médicament à base de protéines de feuilles de tabac pour arrêter de fumer

Elise Martin
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Le médicament en test permettrait de couper l'envie de fumer « très rapidement » selon le directeur de l'étude Dr Donazzolo (Illustration)
Le médicament en test permettrait de couper l'envie de fumer « très rapidement » selon le directeur de l'étude Dr Donazzolo (Illustration) — Pixabay
  • Le mois de janvier vient de se terminer, mais il n’est jamais trop tard pour prendre des bonnes résolutions, comme celle d’arrêter de fumer.
  • Nombreuses sont les personnes qui tentent toutes les méthodes possibles pour y parvenir.
  • Une nouvelle solution s’offrira peut-être bientôt à elles. Le centre Eurofins Optimed réalise actuellement une étude clinique sur un produit à base de protéines de feuilles de tabac qui permettrait de couper l’envie de fumer.

Ça coûte de plus en plus cher, c’est dangereux pour la santé et ça ne donne pas une bonne haleine. Il y a autant de raisons pour arrêter de fumer que de solutions qui ont été développées ces dernières années. Et si le miracle venait du tabac lui-même ? Sur le papier (ou la feuille), l’idée peut sembler surprenante. Cette solution a pourtant bien été validée par la Haute Autorité de santé pour des essais cliniques. Mais elle n’est pas si nouvelle puisqu’elle a été testée au début des années 2000, à partir d’un extrait allergénique.

« Le produit NFL-101 vient d’un traitement de désensibilisation de l’Institut Pasteur, explique le docteur Yves Donazzolo, directeur du centre Eurofins Optimed à Gières (Isère) qui coordonne cette étude dans toute la France. L’extrait, fait à partir de feuille de tabac, avait été développé pour des personnes qui travaillaient dans les champs de tabac et qui sont devenues allergiques à force de manipuler les feuilles. »

Un médicament qui fonctionne « comme un vaccin contre le tabac »

Le président du centre précise qu’il a imaginé une technique de sevrage avec cet extrait par « hasard ». « On s’est rendu compte qu’en administrant ce produit pour de la désensibilisation, les personnes avaient moins envie de fumer et avaient naturellement diminué leur consommation d’au moins 50 %. Mais on ne sait pas vraiment pourquoi. On comprend simplement qu’il y a une action immunologique. »

Pour résumer, le médicament testé agit sur « le même principe qu’un vaccin contre le tabac », affirme le Dr Yves Donazzolo. « Quand on injecte, en petit volume, les protéines de feuilles de tabac - il n’y a rien d’autre, aucune molécule –, on a constaté que le corps produisait des cytokines », développe le professionnel de santé. La cytokine étant une substance élaborée par système immunitaire.

Des personnes volontaires pour l’essai ?

L’essai clinique doit permettre de vérifier l’effet réel de ce médicament. « L’idée est de savoir si ce produit a un intérêt comme thérapie de sevrage tabagique », lance l’instigateur de l’étude. Et pour cela, il faut des volontaires qui ont vraiment envie d’arrêter de fumer et qui ont pour habitude de fumer « au moins onze cigarettes par jour ». « Depuis un an, on a réussi à avoir 218 volontaires dans une dizaine de villes en France. Il faudrait qu’on arrive à plus de 300 pour avoir des vraies statistiques, sachant qu’on administre deux doses différentes et un placebo », détaille le président du centre de Gières. Une deuxième phase de test, prévue ultérieurement, concernera cette fois les personnes qui n’ont pas forcément envie d’arrêter la cigarette.



Pour participer, il suffit d’être motivé, d’avoir entre 18 et 70 ans, et d’accepter d’être accompagné sur une durée d’un an. Il n’y a que deux injections à faire mais le suivi et la dizaine de rendez-vous s’étalent ensuite tous les trois mois. Comme l’indique la Ligue contre le cancer sur son site, appuyée par le Dr Yves Donazzolo, : « En l’absence de suivi, on compte en moyenne 80 % de récidives dans l’année qui suit l’arrêt du tabac. »

Pourquoi ce médicament plutôt qu’un autre ?

L’addiction à la cigarette est donc difficile à combattre. « Le problème, ce n’est pas d’arrêter, c’est de ne pas reprendre », constate le médecin qui énumère les différentes solutions pour arrêter telles que l’hypnose, l’acupuncture, les patchs ou encore d’autres médicaments.

« De la même manière qu’une personne qui n’est pas accro, le fumeur qui prendra ce traitement sera indifférent en voyant une cigarette et n’aura plus cette envie de la fumer », assure Yves Donazzolo. Avant d’ajouter : « Et il n’y a aucun effet indésirable notable excepté une petite douleur au moment de l’injection. » Le docteur rappelle que le tabagisme est responsable de plus de 75.000 décès par an en France - et qu’il n’est « jamais trop tard » pour arrêter de fumer.