Pénurie d’amoxicilline : les pharmaciens préparateurs appelés à la rescousse

MEDICAMENTS Une quarantaine d’officines françaises ont reçu l’autorisation de fabriquer elles-mêmes le célèbre antibiotique afin de limiter les ruptures de stocks

Jérôme Gicquel
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Une quarantaine de pharmacies françaises ont reçu l'autorisation de fabriquer des gélules d'amoxicilline.
Une quarantaine de pharmacies françaises ont reçu l'autorisation de fabriquer des gélules d'amoxicilline. — J. Gicquel / 20 Minutes
  • Antibiotique le plus prescrit chez les enfants, l’amoxicilline se fait rare dans les pharmacies en raison de l’explosion de la demande et du manque d’anticipation de l’industrie pharmaceutique.
  • Pour faire face à cette pénurie, une quarantaine de pharmacies françaises ont reçu l’autorisation de fabriquer leurs propres gélules.
  • L’une d’entre elles, située à Rennes, a accepté de nous ouvrir les portes de son laboratoire.

Tous les parents connaissent son nom. Utilisé pour traiter les infections bactériennes comme l’angine ou l’otite notamment chez les enfants, l’amoxicilline est l’antibiotique le plus prescrit en France. Très populaire, le médicament se fait pourtant rare dans les pharmacies depuis plusieurs semaines. En cause, l’épidémie de Covid-19, qui est venue gripper l’approvisionnement partout sur la planète. Après avoir réduit drastiquement ou carrément stoppé la production d’amoxicilline pendant la crise, les fabricants n’arrivent plus en effet à répondre à une demande mondiale, qui a explosé avec le retour en force des infections hivernales.

Résultat, de nombreuses officines se sont retrouvées en rupture de stocks à partir de novembre, obligeant les autorités sanitaires à prendre des mesures d’urgence de rationnement. Le retour à la normale n’étant pas prévu avant « deux mois », selon le ministre de la Santé François Braun. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a également autorisé fin décembre une quarantaine de pharmacies à fabriquer exceptionnellement des gellules d’amoxicilline pour pallier le manque.

« Cela permet de limiter la pénurie »

L’une d’entre elles est située à Rennes. Dans cette pharmacie, la production de gélules de 125 et 250 microgrammes a démarré pendant les fêtes de fin d’année. « On aimerait bien sûr que cette pénurie s’arrête le plus vite possible, car ce n’est pas, théoriquement, notre métier, souligne Gurvan Helary, gérant des lieux. Mais on a décidé de s’engager pour participer à cet effort collectif. » Ses équipes ne sont pas pour autant novices en la matière puisque la pharmacie est sous-traitante et a donc l’agrément pour réaliser des préparations magistrales, des médicaments fabriqués « sur mesure » pour un patient donné. « On en prépare 250 par jour en moyenne », précise Gurvan Helary, qui préside par ailleurs le syndicat national de la préparation pharmaceutique.

Depuis quelques jours, la cadence s’est toutefois accélérée dans l’officine rennaise d’où sortent chaque jour 1.500 gélules d’amoxicilline afin de ravitailler au compte-gouttes les pharmacies du Grand Ouest. « On n’a pas les capacités de production industrielle des fabricants, mais cela permet au moins de limiter la pénurie », souligne-t-il. Pour fabriquer le précieux antibiotique, le pharmacien s’approvisionne en amoxicilline chez des grossistes, car la matière première ne manque pas.


La technique de fabrication est assez artisanale avec une carte de jeu qui est utilisée pour répartir la poudre blanche dans les gélules.
La technique de fabrication est assez artisanale avec une carte de jeu qui est utilisée pour répartir la poudre blanche dans les gélules. - J. Gicquel / 20 Minutes

Le processus est ensuite assez artisanal. A l’aide d’une carte de jeu, les préparateurs répartissent la poudre blanche sur une grande plaque avant de remplir manuellement les gélules. Assez simple, la technique requiert tout de même certaines précautions. « On travaille la matière sous une hotte car elle est très volatile, précise Gurvan Helary. Il faut également porter une tenue de protection pour éviter les allergies ou les contaminations. »

« Une reconnaissance de notre travail »

Si elle a un peu chamboulé les équipes au début, la nouvelle organisation est désormais bien rodée. Cette nouvelle mission est même prise très au sérieux. « C’est une reconnaissance de notre travail, indique Elisabeth. On s’aperçoit aujourd’hui que les préparateurs et préparatrices existent et qu’on est capables de répondre à une demande de médicaments très vite. »



Gurvan Helary voit aussi dans la fabrication d’amoxicilline un motif de fierté pour les pharmacies comme la sienne qui réalise des préparations magistrales. « C’est très valorisant car c’est aussi cela la beauté du métier et on voit que c’est utile, assure-t-il. Mais encore faut-il qu’on ait envie de garder cette compétence qui a tendance à être un peu mise de côté. »