Covid-19 : Les tests imposés aux voyageurs venus de Chine seront-ils efficaces ?
épidémie Les passagers venant de Chine devront dès jeudi présenter un test PCR ou antigénique négatif réalisé 48 heures avant leur vol
- La reprise épidémique fulgurante en Chine fait craindre la circulation de nouveaux variants sur le territoire français.
- Paris va ainsi imposer dès jeudi la présentation d’un test négatif au Covid-19 aux voyageurs venant de Chine.
- Mais cette mesure peut-elle réellement empêcher le virus de circuler au-delà des frontières ? Réponses avec Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine et Catherine Hill, épidémiologiste et biostatisticienne.
La flambée épidémique en Chine inquiète beaucoup les autres pays. Depuis la levée des restrictions drastiques par Pékin début décembre, le Covid-19 circule de manière exponentielle dans le pays, faisant craindre une reprise épidémique dans le reste du monde.
C’est pourquoi la France a suivi l’initiative prise par les Etats-Unis ou l’Italie d’imposer un test négatif réalisé 48 heures avant leur vol aux voyageurs venant de Chine. La mesure sera effective jeudi prochain. Cette mesure peut-elle être efficace ? N’est-elle pas trop tardive ? « Tout dépend quel en est l’objectif », répond à 20 Minutes Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine.
Des tests efficaces contre un nouveau variant ?
Il y a bientôt un mois que la Chine a décidé de relâcher la bride en matière de restrictions contre le Covid-19, abandonnant sa politique « zéro Covid ». La France, elle, mettra en place dès jeudi prochain l’obligation de présenter un test négatif à l’arrivée aux voyageurs venant de Chine. Une mesure un peu tardive, selon Yves Buisson qui estime qu’elle aurait dû être prise dès début décembre. Mais dans tous les cas, si l’objectif est d’empêcher un variant d’entrer sur le territoire « on a tout faux », estime l’épidémiologiste. « On ne peut pas empêcher les virus de traverser les frontières, tout au plus, avec une quarantaine imposée à l’arrivée, on peut ralentir la diffusion », explique-t-il.
Catherine Hill, épidémiologiste et biostatisticienne, et Yves Buisson insistent sur le fait qu’il est impossible d’empêcher un virus de traverser des frontières. D’autant que les voyageurs peuvent venir de Chine en transitant par d’autres pays, puis arriver en France en échappant au test obligatoire. Alors une solution européenne commune aurait sans doute plus de sens, même si « cela reste illusoire car un virus circule, c’est inévitable », souligne Catherine Hill. Pour Yves Buisson, le contrôle des tests reste une solution peu efficiente, « c’est de la politique », commente-t-il. Et d’ajouter : « Les contrôles aux frontières ne sont pas justifiés scientifiquement, cela ne sert à rien en matière de freinage ».
Risque-t-on une nouvelle vague venue de Chine ?
D’autre part, le variant d’Omicron qui s’est imposé en Chine, le BF.7, a déjà été détecté en Europe. Ainsi, pour Catherine Hill, le variant n’est pas tellement à craindre, car « il a circulé sans prospérer chez nous ». S’il est si présent en Chine, « c’est parce que c’est une population très dense par endroits et très mal protégée. En France, nous sommes globalement vaccinés et beaucoup de personnes ont déjà attrapé le virus, ce qui limite beaucoup les dégâts », souligne-t-elle à 20 Minutes. En d’autres termes, « pourquoi ce variant BF.7 muterait de manière plus efficace que celui que l’on a déjà chez nous alors qu’il n’a pas supplanté les autres variants ailleurs ? » interroge Catherine Hill.
Yves Buisson est plus prudent car le taux de transmissibilité du variant en Chine est très élevé avec une capacité de reproduction (ou R0), de 10 à 18,6. Un taux qui peut néanmoins s’expliquer par la faible protection des habitants de Chine face au virus. Si le BF.7 s’imposait en Europe, et donc en France, on pourrait craindre une nouvelle vague, selon Yves Buisson. La surveillance est donc de mise, car « en Chine, toutes les conditions sont réunies pour que le variant continue de muter », explique-t-il. Tester des arrivants de Chine peut ainsi s’avérer utile afin d’échantillonner les variants susceptibles d’entrer sur le territoire français afin de ne pas se laisser surprendre par ce phénomène. Des tests sont d’ailleurs réalisés à l’arrivée de manière aléatoire, les prélèvements positifs faisant l’objet d’un séquençage afin de détecter d’éventuels nouveaux variants du virus.
Quelles mesures la France devrait-elle prendre ?
Le Covid-19 tue toujours en France. Selon les derniers chiffres des autorités sanitaires, en moyenne 117 personnes par jour sont décédées de la maladie sur la dernière semaine. Et pourtant, les gestes barrières semblent appartenir à l’histoire ancienne. Yves Buisson estime ainsi que les pouvoirs publics devraient reprendre les campagnes d’information et d’incitation à se protéger et protéger les autres du virus « pour éviter la transmission, et cela passe par le port du masque ou les gestes barrières » rappelant que « l’épidémie n’est pas terminée ».
Mais surtout, il faut reprendre des campagnes de vaccination, estime Catherine Hill. Encore 10,5 % des personnes âgées de plus de 80 ans, celles qui sont le plus susceptibles de développer des formes graves, ne sont pas du tout vaccinées, selon Santé publique France. Et alors que la quatrième dose de vaccin contre le Covid-19 est ouverte à tous, moins de 50 % des plus de 80 ans ont reçu cette dose de rappel. « Il faut que tout le monde soit à jour, c’est comme cela que l’on diminue les risques », clame Catherine Hill. Et même pour les moins de 60 ans, « il faut rester vaccinés », insiste Yves Buisson. D’autant que les services hospitaliers sont déjà dans une situation critique, faisant face à une triple épidémie de Covid-19, grippe et bronchiolite.