Fin de vie : Ils ont rédigé leurs directives anticipées et nous expliquent pourquoi
votre vie votre avis A cause de l’accompagnement d’un proche en fin de vie ou de leur travail en contact avec des personnes âgées en souffrance, nos lecteurs et lectrices disent pourquoi ils ont rédigé leurs directives anticipées
- 13 % des Français ont rédigé des directives anticipées concernant leur fin de vie.
- Le but de ces écrits : laisser des consignes à ses proches et son médecin pour limiter ou arrêter son traitement dans le cas où on ne serait plus en état d’exprimer sa volonté.
- Déclic à la suite des affaires Vincent Humbert ou Vincent Lambert, accompagnement de proches ou de patients malades en fin de vie et en souffrance, ils et elles ont de nombreuses raisons d’avoir couché sur papier leur dernière volonté.
« Mon médecin m’a trouvé un peu folle parce que trop jeune pour faire ça. » Rebecca avait seulement 26 ans quand elle a écrit ses directives anticipées. Des consignes laissées à ses proches et son médecin pour limiter ou arrêter son traitement, dans le cas où elle ne serait plus en état d’exprimer sa volonté. Comme elle, 13 % des Français ont rédigé une requête concernant leur fin de vie, selon des chiffres du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de 2019.
Déclic à la suite d’affaires médiatiques comme celles de Vincent Humbert ou Vincent Lambert, accompagnement d’un proche gravement malade en fin de vie ou travail auprès de personnes âgées en souffrance : les raisons d’avoir couché sur papier ses dernières volontés sont nombreuses.
Les affaires Vincent Humbert et Vincent Lambert
« Les cas de Vincent Humbert puis de Vincent Lambert m’ont poussé à écrire mes directives anticipées pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté au moment venu », confie Ally, 34 ans, qui les a rédigées dès 2019. L’affaire Vincent Lambert, jeune homme plongé dans un état végétatif chronique à la suite d’un accident de la route survenu en 2008 et dont les membres de la famille sont restés en conflit concernant les suites à donner, jusqu’à sa mort en 2019, a marqué les esprits. « Je ne souhaite pas d’acharnement thérapeutique donc j’ai voulu l’écrire afin que les membres de ma famille n’aient pas de choix difficile à faire dans les circonstances douloureuses d’un décès », poursuit Ally.
Car le cas de Vincent Lambert a fait émerger des divergences d’opinions au sein des familles quant à la fin de vie. Maxime, 54 ans, qui se dit « fermement opposé à l’acharnement thérapeutique » s’est vu qualifié de « trop pragmatique » par ses proches avec qui il ne partage pas les mêmes convictions, notamment en matière de religion. Prévenant, il a décidé de rédiger sa directive anticipée.
Un accompagnement de proches douloureux
Partager les dernières années d’un proche souffrant en fin de vie peut également pousser à écrire quelques consignes à respecter. « J’ai vu ma mère souffrir et subir des opérations lourdes qui ont rendu ses dernières années difficiles, témoigne Béatrice, 67 ans. A la fin, elle m’avait demandé d’arrêter de la faire soigner. J’ai une fille unique et je ne veux pas qu’elle ait à choisir pour moi. »
Car la rédaction de directives relatives à la fin de vie permet de soulager les proches, notamment les enfants. Françoise, 71 ans, et son mari ont vu leurs parents sombrer dans la dépendance à la suite de diverses maladies : « Je souhaite de toutes mes forces épargner à nos enfants ce que nous avons traversé. »
Christophe va encore plus loin. A 57 ans, il a accompagné son père, victime d’un AVC, jusqu’au bout. « Il a passé ses quatre dernières années aphasique et hémiplégique dans une institution. N’ayant plus le droit de le voir à cause du Covid-19, il en est mort de chagrin. A la même période, j’ai fait euthanasier mes trois chiens. Et j’ai eu la sensation que mes chiens avaient eu beaucoup plus de chance que mon père. » Après son décès, Christophe a adhéré à l’ADMD (Association pour le droit à mourir dans la dignité). Il leur a transmis ses directives relatives à sa fin de vie « afin de tenter d’échapper au même sort que [s] on père. »
Des soignants aux premières loges
Car côtoyer des malades en souffrance et en fin de vie peut pousser à rédiger ses propres directives anticipées. C’est le cas au sein des familles mais aussi du travail. « Je trouvais aberrante la façon dont les soignants et les familles se déchiraient lorsqu’il fallait prendre une décision relative à la fin de vie, se désole Nathalie, aide-soignante de 58 ans. Je ne voulais pas que cela m’arrive. » Devi, un infirmier de 40 ans s’est dit « et si demain tu étais dans cette situation ? », après avoir pris en charge un patient atteint de la maladie de Charcot. « La rédaction de mes directives anticipées a calmé ces inquiétudes. »
Mais rédiger des consignes ne fait pas tout. Diane, une infirmière de 35 ans, a aidé sa grand-mère à rédiger les siennes. « Nous nous sommes battues pour qu’elles soient prises en compte lors de ses derniers mois de vie. Je me suis rendu compte, à regret, qu’il est encore difficile, en 2022, de faire en sorte qu’elles soient totalement respectées. »