Météo : Peut-on vraiment « attraper froid » quand les températures chutent ? La Science dit enfin oui
GLAGLA Selon une étude récemment publiée, le froid abaisserait la barrière immunitaire nasale, nous faisant plus facilement contracter les infections respiratoires qui sévissent l’hiver
- Dans une étude publiée ces derniers jours, des chercheurs américains démontrent qu’il est effectivement possible d’« attraper froid ».
- Selon leurs travaux, les températures hivernales affaibliraient le système de défense immunitaire logé dans notre nez.
- Une piste pour mieux comprendre les mécanismes des infections respiratoires et imaginer de futurs traitements pour renforcer l’immunité.
« J’ai attrapé froid » (c’est vrai en plus). En même temps, il fait froid, très froid, et comme chaque année quand les températures chutent, tout le monde attrape froid. Du classique rhume en passant par la grippe, la bronchiolite, la rhinopharyngite et l’angine, sans oublier le Covid-19, la saison des infections respiratoires est lancée et partout, ça tousse, ça renifle, ça se mouche et ça éternue. Sauf que jusqu’à présent, de parole de médecin, on attrapait des virus et des microbes. Mais « froid », non, une telle chose n’existait pas.
Sauf que la Science vient de revoir sa copie. Selon une étude publiée ces derniers jours dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, l’exposition au froid affecterait l’immunité antivirale du nez. Comment ? 20 Minutes vous explique tout.
Le nez, barrière immunitaire
Si la notion d’attraper froid était jusque-là battue en brèche, c’est parce que médecins et scientifiques expliquaient la recrudescence des infections respiratoires en hiver par une habitude saisonnière bien précise. « Généralement, on pensait que la saison du rhume et de la grippe se produisait durant les mois les plus froids parce que les gens vivent davantage en intérieur, où les virus en suspension peuvent se propager plus facilement », a résumé Benjamin Bleier, coauteur de l’étude et chirurgien à la Harvard Medical School.
Or qu’il soit cap, roc, pic, péninsule ou tout mini, notre nez abrite une armée de petits soldats prêts à se regrouper en bataillon et à attaquer tout virus qui viendrait nous chatouiller les narines. Le Pr Mansoor Amiji, coauteur de l’étude et professeur à l’université Northeastern de Boston, a ainsi découvert dans de précédents travaux menés en 2018 que les cellules du nez libèrent des vésicules extracellulaires (VE), un nuage de minuscules particules attaquant les bactéries au moment de l’inhalation. « La meilleure analogie, c’est celle du nid de frelons », indique le chercheur. Comme des frelons défendant un nid en cas d’attaque, les VE volent en essaim pour s’attacher aux envahisseurs et les tuer.
Une réponse immunitaire affaiblie par le froid
Dans le cadre de cette nouvelle étude, les chercheurs ont voulu savoir si le nez sécrétait ces VE en cas de présence d’un virus et si leur efficacité était affectée par la température ? Pour le déterminer, ils ont utilisé de la muqueuse nasale de volontaires (qui subissaient une opération pour retirer des polypes), et une substance reproduisant une infection virale. Ils ont divisé les muqueuses nasales en deux groupes, avec des cellules cultivées en laboratoire à 37 °C pour les unes, et à 32 °C pour les autres. Des températures choisies à partir de tests montrant que la température à l’intérieur du nez chute d’environ 5 °C lorsque l’air extérieur passe de 23 °C à 4 °C.
Résultat ? Les scientifiques ont découvert que si le nez produit bien des VE pour lutter contre les virus, une chute du thermomètre peut affecter leur pouvoir protecteur. Dans des conditions de température corporelle habituelle, les VE présentent des « leurres » aux virus, auxquels ces derniers s’accrochent, à la place des récepteurs des cellules qu’ils auraient normalement visés. Et ainsi bloquent l’infection. Mais en cas de température plus fraîche, la production de VE est non seulement moins abondante, mais aussi moins efficace contre les virus testés : deux rhinovirus et un coronavirus (non-Covid) courants durant l’hiver. En pratique, « lorsque le thermomètre passe sous la barre des 5 °C, le fonctionnement de cette barrière immunitaire, de la réponse antivirale de la sphère ORL est moins efficace. D’où cette expression d’attraper froid », décrypte le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches.
Futurs traitements et « écharpe ORL »
Jusqu’à présent, donc, « il n’y avait jamais eu de raison très convaincante expliquant pourquoi il y a une augmentation claire de l’infectiosité virale durant les mois plus froids », a souligné dans un communiqué Benjamin Bleier, coauteur de l’étude et chirurgien à la Harvard Medical School. « Il s’agit de la première explication plausible quantitativement et biologiquement ».
Ces travaux pourraient permettre de mieux comprendre les mécanismes d’action des infections respiratoires, mais aussi de développer des traitements pour stimuler la production naturelle de VE, afin de pouvoir mieux combattre ces virus hivernaux, estime Mansoor Amiji : « C’est un domaine de recherche qui nous intéresse énormément, et nous allons sans aucun doute continuer sur cette voie ».
En attendant, « alors qu’on est en plein hiver météorologique et qu’une triple épidémie de Covid-grippe-bronchiolite sévit, le mieux est de porter un masque, prescrit le Dr Davido. Non seulement c’est un filtre qui protège des infections respiratoires qui circulent activement, mais il a un double effet protecteur : il protège aussi les cellules immunitaires nasales, en réchauffant l’atmosphère dans l’air inspiré, c’est une sorte d’écharpe ORL ».