Covid-19 : Taille des gouttes, humidité… On en sait désormais plus sur les conditions à risque de transmission du virus

ETUDE Une équipe de chercheurs du Laboratoire de génie chimique de Toulouse a montré que la nature du fluide composant les gouttes a un impact sur leur temps de suspension dans l’air et sur le temps de survie des virus qu’elles transportent

Béatrice Colin
Rentrée des classes masquée à l'école primaire Ronchese à Nice. Illustration.
Rentrée des classes masquée à l'école primaire Ronchese à Nice. Illustration. — SYSPEO/SIPA
  • La transmission du Covid-19 par aérosols a fait l’objet de nombreux débats, mais aussi recommandations, depuis le début de la crise sanitaire.
  • Une équipe de chercheurs du Laboratoire de génie chimique de Toulouse a mené une étude sur la composition et la taille des gouttes transportant le virus et leur rôle dans la transmission.
  • Les grosses gouttes, celles que l’on émet depuis les voies hautes, sont plus problématiques que les petites.

Combien de temps les gouttes contenant du virus restent-elles présentes dans l’air ? Risque-t-on d’être contaminé si on passe cinq minutes dans la même pièce qu’une personne positive ? Est-ce que le virus reste à la surface des objets plus de quelques heures ? Aux premiers jours de la crise sanitaire, on a dit tout, et souvent n’importe quoi, sur les risques de transmission du SARS-CoV 2, faute d’études scientifiques précises. « Il y a eu beaucoup de débats autour du sujet. Faut-il de l’air humide, de l’air sec, quelle taille de goutte, est-ce qu’elles se stockent des heures ou quelques minutes, est-ce que c’est vraiment transporté par l’air ou par autre chose ? », se rappelle Kevin Roger, chargé de recherche CNRS au sein du Laboratoire de génie chimie de Toulouse.

Pour éclairer le sujet, ce spécialiste du « séchage des fluides compliqués » a décidé de se pencher sur la question en prenant en compte tous ces éléments simultanément. Les résultats de l’étude qu’il a dirigée, parus dans la prestigieuse revue scientifique américaine PNAS, battent en brèche un certain nombre d’idées reçues. Ils apportent aussi des réponses sur les situations les plus à risques et sur les mesures efficaces, ou pas, à prendre en cas de nouvelle vague.

L’importance de la taille et de l’origine

Pour y parvenir, l’équipe a mené diverses expérimentations en laboratoire, passant les fameuses gouttes au crible grâce à des techniques optiques, spectroscopiques et microbiologiques afin de connaître leur composition ou encore leur temps de séchage. Toutes sortes de gouttes. Car il en existe bien de différentes tailles et cette donnée est déterminante sur leur rôle dans la contamination. Tout comme leur provenance, car elles sont différentes si elles proviennent du fin fond des poumons ou de la bouche.


« Dans un aérosol expiré il y a des gouttes de toutes les tailles ! On peut les regrouper en deux populations principales : une population de petites gouttes de quelques micromètres, formées dans les voies respiratoires basses et nombreuses, et une population de gouttes plus grosses de plusieurs dizaines de micromètres, formées dans les voies respiratoires hautes et représentant un beaucoup plus grand volume et donc pouvant donc transporter davantage de virus », expose le chercheur.

Les petites gouttes, celles que l’on émet lorsque l’on respire normalement, et qui restent le plus longtemps en suspension dans l’air, ne sont ainsi pas les plus dangereuses. Elles transportent en effet moins de virus et celui-ci va se dégrader assez spontanément dans des conditions ambiantes. « Au bout d’une heure, il n’y a plus beaucoup de virus actif. La menace de dire « vous allez avoir des aérosols qui vont rester des heures en suspension dans une pièce et quand vous rentrez dedans, vous êtes contaminés », c’est un peu un mythe », relève Kevin Roger.

Les grosses gouttes, celles que l’on émet depuis les voies hautes, lorsque l’on tousse ou que l’on parle fort, sont donc plus problématiques. Et ce d’autant plus que le virus colonise nos voies respiratoires hautes, ce qui est encore davantage le cas avec le variant Omicron.

La loi de la gravité s’en mêle

Mais les gouttes supportent aussi moins bien certaines conditions ambiantes. Ainsi, l’humidité a tendance à accélérer leur neutralisation, par un phénomène assez simple : la gravité. Et le virus, contenu dans la goutte, ne la supporte pas mieux. « Quand on augmente l’humidité, ce n’est pas favorable à la transmission. Pour les gouttes, on ralentit leur évaporation, on les empêche donc de perdre de la masse. Et, plus elles sont lourdes, plus elles tombent vite et plus on limite leur accumulation. Le virus se trouve dans une gangue de salive séchée mais dès qu’on a un petit peu d’eau, il y a des processus qui le désactivent », poursuit le chercheur.

S’il faut éviter que la goutte s’évapore pour qu’elle soit plus lourde et tombe, logiquement plus il fait chaud, plus il y a de risques de contagion. En réalité, cet effet est atténué car le virus, lui, n’aime pas la chaleur et se désactive plus vite lorsque le thermomètre est haut.

L’un des meilleurs moyens de lutter efficacement, c’est l’aération, qui permet de se rapprocher des conditions en extérieur, défavorables à la contamination. Mais en continu, et pas seulement une fois toutes les heures où lorsque l’alarme du capteur de CO2 se met à résonner. « On a dit qu’il fallait mesurer la quantité d’air, donc de CO2, car c’est une mesure de la quantité de gouttes que l’on émet lorsqu’on respire. Mais les capteurs tracent les petites gouttes, or au bout d’une heure leur charge virale est quasiment descendue à zéro. Cela donne une impression de sécurité, mais ne trace pas du tout les grosses gouttes, qui ne restent en suspension que quelques minutes et ont un temps d’action réduit mais sont plus » efficaces « pour la transmission », relève le scientifique.

Le travail en groupe et la cantine, des moments à risque

Pourtant, cette aération toutes les heures a été l’un des credo du protocole sanitaire dans les établissements scolaires. « La situation de classe n’est pas la plus risquée tant que tout le monde ne parle pas en même temps. Un amphi fermé où les gens ne parlent pas, c’est pareil. Les situations très problématiques, ce sont celles du travail en groupe, des toilettes, des cantines, quand on n’a pas de protection, que l’on est en milieu fermé, que l’on parle fort et ouvre la bouche. La solution ce serait d’avoir des courants d’air, manger en extérieur et filtrer l’air de la pièce au maximum. Mais cela a ses limites, notamment en hiver », poursuit Kevin Roger.

Autant d’informations qui peuvent toutefois permettre aux pouvoirs publics de prendre des décisions plus ajustées si un nouveau virus de ce type venait à surgir ou si un nouveau variant du coronavirus se développait au cours des mois à venir. Ils pourraient même s’emparer de ces résultats pour calculer précisément le risque pour chaque situation en prenant en compte le flux d’air, la taille de la pièce, le mode d’aération, le nombre de convives… Et déterminer si, à Noël, papi et mamie seront obligés d’aller manger leur part de bûche à la cuisine.