Santé mentale : Le burn-out, un syndrome très contagieux chez les internes en médecine

MA TÊTE ET MOI Deux tiers des étudiants en médecine déclarent avoir des syndromes de burn-out et la surcharge de travail n’est pas la seule en cause

Lise Abou Mansour
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67% des étudiants en médecine déclarent avoir des syndromes de burn-out, selon une étude de l'Isni.
67% des étudiants en médecine déclarent avoir des syndromes de burn-out, selon une étude de l'Isni. — SIPA
  • « Ma tête et moi », le programme hebdomadaire de 20 Minutes consacré à la santé mentale des jeunes, revient pour une saison 2 sur Snapchat.
  • Le but de ce rendez-vous : lever le tabou sur des troubles psy grâce aux témoignages de jeunes concernés et tenter de trouver des solutions pour aller mieux.
  • Dans ce quatrième épisode, on parle du burn-out qui touche de nombreux internes en médecine. Ces étudiants âgés de 24 à 29 ans cumulent tous les facteurs de risque de l’épuisement professionnel.

Alors que Léonard Corti revient d’une semaine de vacances, il est victime d’une attaque de panique. Pendant quatre heures, l’interne en médecine a des palpitations à l’idée de revenir à l’hôpital. Le jeune homme est en plein burn-out et finira par être arrêté par son médecin généraliste. Un exemple parmi tant d’autres chez les internes, ces étudiants en médecine qui, après leur 6e année d’étude, effectuent des stages pendant trois à cinq ans dans différents services. Ils sont 30.000 en France et sont particulièrement exposés au risque d’épuisement professionnel. Les chiffres le prouvent. Deux tiers (67 %) des étudiants en médecine déclarent avoir des syndromes de burn-out, selon une étude de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) publiée en 2021.

Si le burn-out n’est pas considéré comme une maladie mais comme un syndrome lié à une fatigue physique et nerveuse, il peut se transformer en pathologie plus lourde comme une dépression ou un trouble anxieux, voire en idées suicidaires. On le sait, l’épuisement professionnel touche davantage les personnes très investies dans leur travail, surtout si celui-ci comporte une forte exigence émotionnelle. C’est le cas des internes, constamment confrontés à la souffrance et la mort. Si on ne peut pas jouer sur ce dernier facteur de risques, les autres « ne sont pas une fatalité », selon Gaëtan Casanova, président de l’Isni. « Ils sont modifiables mais ça demande un peu de courage politique. »

Une surcharge de travail

« Les internes cumulent tous les facteurs de risques de burn-out », rappelle Laurence Feray-Marbach, présidente de la Ligue pour la santé des étudiants et internes en médecine (Lipseim). Le premier, c’est évidemment la surcharge de travail. « On travaille en moyenne cinquante-huit heures par semaine à l’hôpital, en plus des travaux de recherche et des cours à travailler », explique Léonard Corti, interne en anesthésie réanimation et président du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP). En chirurgie, la moyenne monte à soixante-dix heures par semaine, selon Gaëtan Casanova. « Ces heures de travail ne sont pas des heures anodines », ajoute la présidente de la Lipseim. « Il y a des horaires décalés, des gardes de nuit. »

Quand Léonard Corti a fait un burn-out, il venait de faire sept gardes dans le mois. Des périodes de travail de vingt-quatre heures pendant lesquelles il n’a pas dormi. Or, il existe une corrélation linéaire entre le nombre d’heures travaillées et la survenue d’idées noires. « Ma fille a fait un burn-out pendant son internat et elle en est arrivée à un tel degré d’angoisse qu’elle s’est suicidée », témoigne Laurence Feray-Marbach, qui a depuis monté son association. Des tableaux de service ont bien été annoncés par le ministre de la Santé, Olivier Véran, en mai 2021 afin de décompter le temps de travail et le limiter à quarante-huit heures maximum par semaine. Mais, selon tous les syndicats interrogés, ces tableaux ne sont pas utilisés.

Une grande responsabilité… pour peu d’autonomie

« Nous, les médecins, on a la plus grande responsabilité qui existe entre nos mains : la vie des gens », rappelle Gaëtan Casanova. Mais cette responsabilité se heurte à un manque d’autonomie car les internes ne choisissent pas leur rythme de travail et changent tous les six mois de terrain de stage. « Les internes ne peuvent pas partir », rappelle Laurence Feray-Marbach. C’est pourtant la stratégie adoptée par d’autres membres du personnel hospitalier confrontés à l’épuisement professionnel.

« On est dans une situation inextricable où on nous demande d’accomplir un certain nombre de missions mais on ne donne plus les moyens pour les réaliser de manière satisfaisante. Du coup, on les réalise mal et on culpabilise », estime Léonard Corti, qui a écrit le livre Dans l’enfer de l’hôpital (Editions Robert Laffont) dans lequel il dénonce ces conditions de travail. Une situation qui participe à précipiter le burn-out. Tout comme le manque de solidarité entre collègues. Le président du SIHP se souvient de deux internes, arrêtées pour burn-out, qui ont reçu des messages injurieux de la part de leur co-internes qui se sont retrouvés à faire toutes les gardes. « Il y a un manque de bienveillance entre les internes eux-mêmes », se désole Léonard Corti.

Des internes pas formés à reconnaître le burn-out

Etonnament, le burn-out n’est pas abordé dans le cursus de médecine car il n’est pas reconnu comme une maladie. « Les étudiants ne sont pas formés à reconnaître les signes d’un burn-out », confirme Léonard Corti. L’interne vient de suivre une formation sur le sujet organisée par Laurence Feray-Marbach. Depuis, il a diagnostiqué deux burn-out chez des co-internes, ce qui leur a permis de se reposer et d’aller mieux.

S’il est important de connaître les facteurs de risque et les symptômes du burn-out, c’est avant tout pour prévenir les risques d’épuisement professionnel, de dépression et d’idées suicidaires, mais aussi pour protéger les patients. Au-delà du fait que l’extrême fatigue peut conduire à des erreurs médicales, il faut savoir que l’un des symptômes du burn-out est le cynisme, l’insensibilité au monde environnant et la déshumanisation de la relation à l’autre. Ce qui s’avère problématique pour un médecin… D’où l’intérêt de le diagnostiquer à temps.

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