Sommeil : « Il fait plus de bruit qu’une tondeuse à gazon »… Quand les ronflements rendent dingues et mènent à l’insomnie
DODO A l’occasion ce vendredi de la Journée internationale du sommeil, « 20 Minutes » se penche sur les troubles provoqués par les nuisances sonores d’un partenaire qui ronfle
- Les troubles du sommeil, beaucoup de Françaises et de Français en souffrent. Mais pour certains, ce sont les ronflements du partenaire de lit qui en sont la cause.
- A la longue, une insomnie chronique peut s’installer, affectant l’humeur, les capacités de concentration, et même la santé.
- A l’occasion de la Journée internationale du Sommeil ce vendredi, 20 Minutes donne la parole à celles et ceux dont les nuits sont hachées de ronflements.
Une pollution sonore qui rend dingo. Un bruit qui oscille entre le tracteur, la locomotive et la tondeuse, qui transperce le crâne et fait grimper la tension. Si vous le subissez chaque nuit ou presque, vous savez de quoi on va parler : de ronflement. Ou plutôt des ronflements ! Qu’ils soient continus, intermittents voire produits avec des variations d’intensité et de sonorité, ils ont le même effet : plomber le sommeil des pauvres âmes qui partagent le lit d’un ronfleur. Ronfleur ou ronfleuse qui, pendant ce temps-là, dort à poings fermés et n’estime souvent pas nécessaire de consulter.
A l’occasion ce vendredi de la Journée internationale du sommeil, 20 Minutes explore ce sujet trop peu abordé bien qu’il concerne beaucoup de monde : les troubles du sommeil provoqués par les ronflements de son ou sa partenaire de lit. Car entre stress, fatigue voire insomnie, le ronflement n’est pas anecdotique pour qui le subit.
« Il ronfle à plus de 90 décibels, plus fort qu’une tondeuse à gazon en marche ! »
Sabrina, 40 ans, a longtemps eu les tympans agressés par les ronflements de son mari qui, lui, n’en était pas conscient. « Au début, il pensait que j’en rajoutais, mais récemment, je l’ai emmené voir un pneumologue qui lui a diagnostiqué une apnée du sommeil. Il a passé des tests qui ont révélé qu’il ronflait à plus de 90 décibels, plus fort qu’une tondeuse à gazon en marche, ou qu’une classe de 30 élèves agités ». Diane 34 ans, « mariée à un ronfleur depuis cinq ans, [a] carrément dû faire faire des bouchons d’oreilles sur-mesure pour tenter de trouver le sommeil malgré ses ronflements » qui turbinent « en moyenne à 84 dB ».
« L’apnée du sommeil est une cause fréquente de ronflement, et il est important de consulter pour la diagnostiquer et la traiter, plante le Dr Philippe Beaulieu, médecin spécialiste de l’insomnie et thérapeute cognitivo-comportemental au Centre de diagnostic et de traitement des maladies du sommeil au CHU Henri Mondor de Créteil. Mais tous les ronfleurs n’en sont pas atteints ».
« C’est épuisant moralement et physiquement »
Et « pour leur partenaire, le sommeil peut être gêné par cette pollution sonore qui fait persister la mobilisation d’un de nos sens, et empêche la vigilance de diminuer, donc de s’endormir », explique le Dr Beaulieu. Ainsi, Juliette, dont le partenaire s’est mis à ronfler il y a six mois, « redoute désormais chaque nuit passée avec lui. L’appréhension au coucher est la première conséquence sur mon sommeil, en générant un stress qui retarde mon endormissement et crée un état d’hypervigilance qui me rend encore plus attentive au moindre bruit, décrit la jeune femme de 22 ans. Quand les ronflements arrivent, un sentiment de colère monte et j’ai un afflux de pensées du type : "combien de temps je vais pouvoir dormir ?", "je vais être fatiguée demain", "je n’aurais pas dû dormir chez lui". Et quand je parviens à m’endormir et que ses ronflements interrompent mon état de somnolence, cela réenclenche la boucle infernale ».
Cette boucle infernale, Marie, 45 ans, y est confrontée depuis quatorze ans. Résultat : « je suis en manque de sommeil toutes les nuits. J’ai tout essayé – même si je sais que ce n’est pas moi qui ai un problème – en vain. Je suis un peu désespérée car ma santé en pâtit : j’ai des petits troubles de la mémoire et des sautes d’humeur le jour, et des phases d’insomnie toutes les nuits. Je suis épuisée ». Même régime pour Stéphanie, 47 ans, « réveillée chaque nuit toutes les 2 heures par ce bruit infernal, prise d’une furieuse envie d’étouffer [son] mari avec l’oreiller tellement ça tape sur les nerfs. Je passe mes nuits à lui donner des coups de coude. C’est un cauchemar quotidien, c’est épuisant moralement et physiquement ».
Une source « d’insomnie chronique »
Pour le somnologue, « c’est tout un cercle vicieux qui s’installe. D’abord la fatigue, parce qu’on ne recharge pas suffisamment les batteries. Des troubles anxieux et dépressifs peuvent rapidement apparaître. Quelques nuits de mauvais sommeil suffisent et on le ressent, on a moins le moral. Or, c’est durant la phase nocturne que s’opère la récupération physique, mais aussi psychique et émotionnelle, décrit le spécialiste. Un sommeil de qualité sert à intégrer les émotions, à consolider la mémoire et les apprentissages. Et à partir du moment où le sommeil est empêché, ses fonctions sont moins bien remplies. Cela se traduit par une anxiété que l’on gère moins bien, une plus grande irritabilité. Et les performances cognitives sont affectées : trous de mémoire, difficulté à se concentrer ». Ainsi, Guillemette, 43 ans, est « si épuisée que parfois, je suis moins performante au boulot, et pas toujours patiente avec les enfants ».
Un schéma qui peut mener « à un diagnostic d’insomnie, prévient le Dr Beaulieu. Laquelle peut devenir chronique quand, au-delà de ce qui la crée – ici le bruit –, on appréhende ce qui la cause. C’est là que l’anxiété de performance s’installe : plus on redoute de ne pas réussir à s’endormir et plus on risque de ne pas y parvenir, parce qu’on renforce son niveau de vigilance. Ce qui nuit à la santé : un mauvais sommeil est un facteur de risque d’hypertension, de troubles cardiovasculaires, d’AVC, de maladies métaboliques comme le diabète de type 2 ou encore de surpoids », énumère le somnologue.
« Il ne veut pas consulter »
Pourtant, du côté des ronfleurs, on ne voit souvent pas le problème. « Quand j’évoque le sujet, mon mari pense que j’exagère, déplore Jocelyne, 68 ans. Il refuse obstinément de consulter un ORL ». Idem pour Jérôme, 46 ans, qui presse sa compagne ronfleuse de consulter, sans succès. « Son père, champion toutes catégories du ronflement, a été équipé d’un appareil pour éviter les apnées du sommeil. Mais elle refuse d’aller voir un médecin, craignant qu’il ne lui prescrive un dispositif similaire, voire une opération chirurgicale ».
Fréquemment, « il y a une forme de déni de la part du ronfleur, une appréhension sociale à consulter. C’est un tort : l’apnée du sommeil peut être dangereuse pour la santé, souligne le Dr Beaulieu. En outre, cela vaut la peine de consulter un ORL pour voir s’il y a cause organique : des amygdales trop grosses ou un voile du palais trop long, des problèmes pour lesquels une solution peut parfois – mais pas toujours – être trouvée ».
« J’en ai parlé à mon médecin qui m’a répondu de faire chambre à part »
Faute d’avoir convaincu son mari dont elle « subit les ronflements depuis trente-six ans », Patricia, 58 ans, « vit un enfer ». « J’en ai parlé à mon médecin, qui m’a répondu de faire chambre à part ». Mais cette prescription divise les couple. Ainsi, Jérôme, peu adepte du « sommeil solitaire », ne dort pas mieux quand sa femme migre sur le canapé. Pareil pour Pierre, 61 ans : « Je pourrais dormir dans une autre chambre que mon épouse ronfleuse, mais je m’y refuse, car c’est un tue-l’amour souvent irréversible ».
« Cela a une connotation péjorative, observe le Dr Beaulieu. Mais en pratique, ce qui peut être délétère, c’est quand l’un ronfle et que l’autre s’enlise dans l’insomnie. Rester dans la colère, c’est beaucoup plus un tue-l’amour que de décider de manière apaisée de faire chambre à part quand le ronflement résiste à toutes les prises en charge. S’il est librement consenti, que l’on sait conserver sa complicité et sa vie sexuelle, cela peut être très épanouissant ». D’ailleurs, Nathalie, 50 ans, a ainsi choisi de préserver son sommeil et son couple. « On en venait à se détester, moi par ses ronflements, lui par mes coups de coudes. Depuis quatre ans, le problème est réglé : on fait chambre à part. Qui dit qu’on est obligé de dormir ensemble ? Nous sommes fous amoureux, heureux. Et désormais, on passe des nuits paisibles ».