Hôpital : Avec les « repas toqués », les patients de Saint-Louis à Paris se régalent
REPORTAGE Ce mercredi, l’association Princesse Margot présentait les « repas toqués », des déjeuners hebdomadaires concoctés par un chef pour les patients de l’hôpital Saint-Louis à Paris
- La nourriture à l’hôpital est rarement un réconfort.
- L’association Princesse Margot, qui aide les enfants et ados atteints de cancer, a lancé les « repas toqués », des déjeuners hebdomadaires élaborés par le chef Grégory Cohen pour tous les patients de l’hôpital Saint-Louis à Paris.
- Ils espèrent pouvoir élargir ce service, qui permet aux patients de profiter d’un bon repas, reprendre du plaisir à manger, retrouver le moral. Et tout ça, sans exploser le budget.
« Les "repas toqués", c’est plus élaboré, ça a plus de goût, c’est dans une vraie assiette au lieu du plateau-repas et ça rappelle la maison », résume Léa, 21 ans, hospitalisée pour la deuxième fois à l’hôpital Saint-Louis (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris). A côté de son lit, sur le petit plateau, son assiette trône, vide. Il faut dire que ce mercredi midi, c’était fête.
Une fois par semaine, l’hôpital offre à tous les patients un « repas toqué », concocté par le chef Grégory Cohen, célèbre depuis l'émission Chéri, c'est moi le chef ! sur France 2 .
« Il fallait être un peu fou pour changer la nourriture à l’hôpital ! »
Pourquoi toqué ? Pour la toque du chef évidemment, mais pas uniquement. « Il fallait être un peu fou pour changer la nourriture à l’hôpital ! », s’amuse Grégory Cohen. Un constat partagé par tous, soignants, patients, parents… Et même Farida Adlani, vice-présidente de la région Île-de-France, chargée de la Santé, qui s’est rendue dans ce service ce mercredi midi. « Nous avons tous été hospitalisés un jour, pour un heureux événement ou pas et on sait que dans l’imaginaire commun, la nourriture n’est pas bonne à l’hôpital », reconnaît cette infirmière.
C’est une autre histoire quand elle plante sa fourchette dans l’assiette concoctée par le chef Gregory Cohen pour les patients. Au menu : merlu au lait de coco et légumes du soleil. « Je suis Breton et très difficile sur la cuisson du poisson », prévient Nicolas Boissel, chef du service hématologie adolescents et jeunes adultes (AJA), entre deux bouchées. « Et moi, je suis méditerranéenne, donc difficile sur les légumes. Là, ils sont bien pimentés !, complète Farida Adlani. C’est ça pour tous les patients ? ». « Oui, on n’a pas triché ! », s’amuse Romain Duvernois, directeur des achats logistique de l’ AP-HP Nord.
Il n’y a pas que ces deux gourmands qui se régalent. Le succès auprès des patients est palpable. « La proportion s’est inversée : avant, 80 % du plat n’était pas touché, maintenant c’est 80 % de consommé », se félicite Grégory Cohen. Un énorme coup de pouce pour éviter le gaspillage alimentaire, mais surtout l’amélioration du bien-être des patients. « On a retrouvé le sens étymologique de restauration : restaurer ses forces, insiste le chef. Ensuite, il y a le plaisir qui libère les endorphines. »
« Un bon repas, bien dressé va aider les patients à aller au-delà de leur dégoût »
Redonner un peu de plaisir et de raisons de se battre aux enfants malades, c’est un sujet qui tient à cœur à Muriel Hattab, l’énergique présidente de l’ association Princesse Margot, qui accompagne les enfants atteints de cancer. « Un jour, je suis allée voir le directeur de l’hôpital pour lui dire que ce n’était pas terrible ce qu’on servait aux enfants et adolescents hospitalisés, raconte-t-elle. Pour eux, c’est la double peine : ils restent souvent longtemps à l’hôpital, ils ont des nausées à cause des traitements et en plus, les parents ne peuvent pas ramener à manger pour des raisons d’hygiène. »
« Un bon repas, bien dressé va aider les patients à aller au-delà de leur dégoût », renchérit Romain Duvernois. Un enjeu de taille pour des patients qui risquent de perdre très rapidement du muscle… et le moral. Et si ces assiettes bien disposées, correctement chauffées exigent un peu plus de temps aux aides-soignants, le sourire et l’appétit de leurs patients ne comptent pas pour du beurre.
Un travail collectif pour élaborer six recettes adaptées aux exigences
Pour arriver à accoucher de six menus délicieux, mais réalisables avec les contraintes d’un hôpital, il a fallu adapter. Et travailler main dans la main entre chef, diététiciennes de l’hôpital, cuisiniers, aides-soignants…
Pour commencer, ces menus trois étoiles ont été testés dès septembre 2018 dans le service de Nicolas Boissel, l’AJA, où sont hospitalisés des jeunes entre 15 et 25 ans. Celui avec le plus d’exigences sur les conditions d’hygiène.
« Le challenge a été monté dans un contexte très difficile, avoue Nicolas Boissel. Non seulement les patients sont immunodéprimés, mais en plus à l’adolescence est une période où l’on peut avoir des troubles alimentaires. »
Elargir cette offre de repas trois étoiles
« Les retours étaient très positifs, alors on a décidé d’élargir les "repas toqués" à l’ensemble des patients de l’hôpital Saint-Louis en janvier 2020 », reprend Muriel Hattab. « Et de proposer des menus de fête pour Noël, le Nouvel an, mais également des "repas toqués" pour les soignants pendant la première vague de Covid-19, particulièrement difficile », complète Romain Duvernois. Surtout, le cahier des charges exigeait que le budget n’explose pas. « Le coût moyen du plat habituel tourne autour de 1,30 euro, pour un plat de ce repas spécial c’est 1,50 euro », insiste-t-il. Une quasi-équivalence qui permet de rendre l’événement hebdomadaire.
Et qui laisse espérer que d’autres hôpitaux reprennent l’initiative… C’est bien l’objectif de l’association Princesse Margot : élargir les « repas toqués » à d’autres hôpitaux, les rendre plus réguliers et plus bio. « Tous les hôpitaux font une journée dans l’année avec un repas de chef, nous, c’est tous les jeudis, se targue Romain Duvernois. Dès le début on l’a conçu pour que ça dure et pour que les autres hôpitaux puissent adopter la même démarche. On n’est propriétaires de rien ! ».