Cancer : On sait désormais par où passent les lymphocytes T pour accéder aux tumeurs et les détruire
RECHERCHE Des chercheurs toulousains ont identifié (et filmé) les vaisseaux sanguins qui permettent aux lymphocytes tueurs d’accéder aux tumeurs et de les détruire. Une découverte prometteuse pour les traitements des cancers par immunothérapie
- Des chercheurs toulousains ont identifié et filmé les vaisseaux sanguins HEV utilisés par les lymphocytes T pour rentrer dans la tumeur et détruire les cellules cancéreuses.
- Ils ont démontré lors d’un essai clinique auprès de 100 patients que plus ces vaisseaux étaient nombreux, plus la réponse à l’immunothérapie était importante.
- En laboratoire, ils ont mis au point un traitement permettant de démultiplier ces vaisseaux.
Au départ, c’était une intuition, avant de devenir une hypothèse et depuis peu une réalité. Des chercheurs toulousains viennent en effet de prouver que des vaisseaux sanguins un peu particuliers, baptisés HEV, sont les autoroutes du sang qui permettent aux lymphocytes tueurs de cellules cancéreuses d’accéder jusqu’à la tumeur.
Ces globules blancs sont un peu comme des agents de sécurité qui patrouillent dans notre organisme pour nous protéger des cellules cancéreuses qu’ils détectent. Depuis quelques années, l’immunothérapie est utilisée pour activer le système immunitaire de ces lymphocytes T. Un traitement qui a permis à de nombreux patients condamnés par un cancer de stade 3 ou 4 de pouvoir survivre. Mais jusqu’à présent on ne savait pas vraiment comment ces tueurs de cellules cancéreuses se frayaient un chemin jusqu’aux tumeurs.
Plus il y a de vaisseaux, plus le traitement marche
« Nous avons identifié ces vaisseaux HEV comme étant les portes d’entrée pour les lymphocytes dans les tumeurs pendant le traitement d’immunothérapie, et même avant le traitement. Nous avons réussi à filmer, avec des techniques très sophistiquées de microscopie, ces lymphocytes qui roulent, qui s’arrêtent et se faufilent au niveau du vaisseau pour entrer dans la tumeur cancéreuse », explique Jean-Philippe Girard, directeur de recherches Inserm à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/université Toulouse III – Paul-Sabatier) qui vient de publier les résultats de ses recherches dans la revue Cancer Cell.
Une fois qu’ils ont eu compris quelle route ces globules blancs « tueurs » empruntaient, ils ont cherché à savoir quel était leur rôle dans l’efficacité du traitement par immunothérapie. Ils ont donc mené une étude clinique auprès d’une centaine de patients atteints d’un mélanome et suivi par le professeur Caroline Robert, chef du service de dermatologie au centre de traitement contre le cancer Gustave-Roussy, à Villejuif.
Un biomarqueur pour prédire
Ils ont scruté les coupes de tumeurs réalisées grâce aux biopsies et ils ont compté le nombre de petits vaisseaux HEV qui s’y trouvaient. « Nous avons observé que quand il y avait beaucoup de vaisseaux HEV dans les métastases, les patients répondaient mieux à l’immunothérapie et ils avaient une survie plus longue. C’est très net. Les vaisseaux HEV sont vraiment associés à la réponse à l’immunothérapie », poursuit le chercheur.
Véritables biomarqueurs, ces vaisseaux sont un moyen pour les oncologues de prédire si leurs patients vont bien répondre à l’immunothérapie combinée. Car ce traitement, s’il est très efficace et permet d’offrir 50 % de survie à ceux qui en bénéficient, il est aussi très toxique et à de nombreux effets secondaires qui peuvent être fatals.
Un moyen de doper le nombre de vaisseaux HEV trouvé
Une avancée importante donc pour les choix thérapeutiques des oncologues. Qui pourraient d’ici quelques années doper aussi leur chance de succès grâce à une autre découverte de l’équipe de Jean-Philippe Girard. Celle-ci a en effet réussi en laboratoire à trouver un moyen de doper le nombre de vaisseaux HEV, et ainsi démultiplier les portes d’entrées pour que les lymphocytes T aillent détruire les tumeurs.
« Nous avons mis au point un traitement à base d’anticorps, c’est une preuve de concept, pas encore testé chez les patients. Mais nous sommes arrivés à modifier la proportion, nous avons augmenté de 50 % le nombre de vaisseaux, mais cela a suffi à augmenter l’efficacité de l’immunothérapie et cela a fait régresser les tumeurs qui normalement ne régressaient pas », indique le chercheur qui l’a testé sur des cancers du sein, du colon et fibrosarcome. Une nouvelle découverte qui donne l’espoir d’améliorer encore la prise en charge des patients atteints d’un cancer, qui touche chaque année 382.000 nouvelles personnes et est à l’origine du décès de 157.400 patients, première cause de mortalité en France.