Coronavirus : Jusqu’à quand les chiffres records des contaminations vont-ils s’emballer ?
EPIDEMIE Mardi, le cap des 500.000 nouveaux cas en 24 h a été franchi pour la première fois dans l’Hexagone
- Sous l’effet du très contagieux variant Omicron, les chiffres des contaminations quotidiennes s’emballent depuis le début de l’année.
- Serait-ce le signe que le pic épidémique sera atteint dans les prochains jours ?
- Problème, BA.2, le sous-variant d’Omicron, pourrait venir jouer les trouble-fêtes.
C’est un chiffre record : 501.635 nouveaux cas enregistrés en vingt-quatre heures, selon Santé publique France. Ce mardi, le seuil du demi-million de contaminations a donc été franchi pour la première fois en France. Sous l’effet du très contagieux variant Omicron, la vague épidémique de Covid-19 n’en finit plus de gonfler dans l’Hexagone et atteint des chiffres vertigineux, faisant de la France l’un des pays où le virus circule le plus en Europe.
Mais avec de tels chiffres, jusqu’à quand ces contaminations records vont-elles durer ? Aura-t-on tous contracté le virus et développé une immunité protectrice contre lui dans les prochains jours ? Le pic épidémique est-il enfin en vue ? Ou le sous-variant BA.2 d’Omicron pourrait-il remettre une pièce dans la machine ?
L’escalade des chiffres
Le 23 novembre dernier, alors que la planète découvre ce nouveau variant mis au jour en Afrique du Sud, la souche Delta domine en France, qui enregistre environ 30.000 contaminations en vingt-quatre heures. Le jour de la Saint-Sylvestre, alors que Delta a été remplacé par Omicron, plus de 232.000 cas sont recensés. Le 5 janvier, c’est 100.000 de plus. Et depuis, l’escalade de chiffres records n’en finit plus. Depuis le 1er janvier, une personne testée sur dix est positive, selon Santé publique France. Et après 500.000 cas et 30.000 hospitalisations comptabilisés mardi, plus de 428.000 contaminations ont été détectées ce mercredi.
Et « c’est sans compter les contaminations qui passent sous les radars : pour avoir une idée du chiffre réel, il faut multiplier les données quotidiennes par deux, souligne Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier. Soit environ un million de contaminations chaque jour » dans l’Hexagone. En quelques semaines, « Omicron a changé le visage de l’épidémie : on n’est même plus dans un univers qui ressemble à la grippe saisonnière, qui touche 5 à 10 % de la population en France lors de grosses épidémies. Là, on va s’approcher de 50 % de contaminations au sein de la population française, relève Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale à Genève. A une telle échelle, les conséquences sont démultipliées, comme on a pu le voir il y a quelques années durant l’épidémie de chikungunya qui a sévi à la Réunion et qui avait touché 40 % de la population. Cela a entraîné une désorganisation importante, le PIB a été impacté et une surmortalité a été enregistrée. Alors que, là aussi, on était face à un virus qui peut être bénin et entraîner de rares décès ».
« Il est de plus en plus difficile d’établir des trajectoires épidémiques »
Avec une souche beaucoup plus transmissible et des chiffres qui s’emballent, peut-on avoir une estimation fiable de la suite de cette vague Omicron ? « Plus on avance, plus c’est méthodologiquement difficile de faire des projections. Elles ne sont pas moins fiables, mais intègrent de plus en plus de paramètres qui rendent les modélisations plus complexes à établir : nombre de doses reçues, nombre d’infections, par quel variant, à quel moment… Ainsi, on ne peut faire qu’explorer des scénarios à court terme, prévient Mircea Sofonea. Ensuite, il est beaucoup plus aisé de modéliser des trajectoires épidémiques, à la fois du point de vue des contaminations et des hospitalisations, quand le taux de reproduction, le fameux R, est stable sur plusieurs jours, expose-t-il. Ces paramètres permettent d’estimer le pic, et de donner une visibilité sur les besoins de lits en soins critiques, ce qui est important pour que les hôpitaux puissent anticiper et s’organiser ».
Début janvier, les modélisations de l’Institut Pasteur tablent sur un pic pour la mi-janvier. « Les chiffres ont collé avec les projections, puis les contaminations ont explosé et on ne sait pas pourquoi, indique l’épidémiologiste. Pourtant, on adapte nos projections à la virulence intrinsèque des variants, mais la reprise épidémique qui a suivi la rentrée début janvier est allée bien au-delà de ce à quoi qu’on pouvait s’attendre avec Omicron. Ce qui démontre que cela relève de facteurs comportementaux, avec un relâchement important des gestes barrières, difficiles à traduire en données mathématiques. Donc on ne peut pas faire de projections sur le pic de cette vague Omicron et sa décrue ».
Le sous-variant BA.2 d’Omicron en embuscade
Mais alors, avec environ un million de contaminations quotidiennes et 66 millions d’habitants, ce ne devrait plus être qu’une question de jour avant que le pic épidémique ne soit atteint ? « En théorie oui, dans deux semaines, selon un scénario optimiste », estiment de concert les deux épidémiologistes. « L’épidémie semble converger vers un R à 1, ce qui signifie une baisse du nombre des personnes contaminées par un seul malade. Donc le pic pourrait être atteint dans les prochains jours », rassure Antoine Flahault. Et « mathématiquement, si le relâchement des gestes barrières, lui a atteint son pic et considérant qu’on accumule une immunité post-infectieuse, cela devrait couper le carburant du virus », ajoute Mircea Sofonea.
Mais BA.2, le sous-variant d’Omicron, pourrait venir jouer les trouble-fêtes. « Au Danemark, où BA.2 est majoritaire, on s’attendait à atteindre un pic à la mi-janvier, or l’épidémie joue les prolongations et le pic n’est pas d’actualité, la flambée se poursuit. Et au Royaume-Uni, où il est également présent, la décrue rapide qui s’était amorcée a été stoppée, note Antoine Flahault. Il faudrait comprendre ces deux cas et voir si c’est transposable à la situation française ». Mais pour l’heure, « seuls quelques cas de BA.2 ont été détectés en France, ce qui est insuffisant pour estimer son avantage de transmission, renchérit Mircea Sofonea. Si on veut des projections solides, il faut des données françaises : comme chaque pays a ses propres mesures restrictives, ses propres chiffres de couverture vaccinale et un ensemble de paramètres qui lui sont spécifiques, on ne peut pas simplement regarder un pays voisin et se dire que l’épidémie française va suivre exactement la même trajectoire ».
L’immunité en question
Reste à savoir si les chiffres élevés des contaminations en France vont mener à une forme d’immunité et comment elle résistera ou non face au sous-variant. Or, « les Danois ont observé des cas de réinfections, mais on ignore s’ils sont anecdotiques et n’ont touché que quelques personnes immunodéprimées – ce qui ne serait pas étonnant – ou s’ils sont légion », soulève Antoine Flahault. « Si ces données allant dans le sens d’une réinfection possible par BA.2 après la souche originelle d’Omicron se confirmaient, là, on pourrait oublier une partie de l’immunité acquise par la vague actuelle d’Omicron, et ce serait reparti pour un tour, confirme Mircea Sofonea. Mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui, et nous savons que de nouveaux variants émergent fréquemment ».
« Dans tous les cas, il ne faudrait pas voir dans la vague actuelle la clé d’une immunité collective magique, tempère Antoine Flahault. Il y a en ce moment en France 400 morts par jour, des enfants hospitalisés sans facteurs de risques et des jeunes non vaccinés en soins intensifs. On peut redouter un effet de mortalité importante sur le premier trimestre ». Et ce, « pour une maladie évitable, complète Mircea Sofonea. L’heure est donc à l’optimisme prudent : on a les moyens thérapeutiques de rendre le poids de la mortalité de ce virus le plus faible possible, avec les vaccins et les nouveaux traitements. Et en conservant les gestes barrières le temps de cette vague, les risques d’être malades sont très faibles ».