Vaccination : Pourquoi les femmes sont-elles plus sceptiques que les hommes ?
CORONAVIRUS Les récentes études sur les non-vaccinés en France montrent un profil plus féminin que masculin
- En France, malgré une population nettement plus éligible, 21,3 % des femmes ne sont pas vaccinées, contre 20,9 % des hommes.
- Un léger écart confirmé par toutes les études et sondages sur la vaccination, qui montre des hommes beaucoup plus volontaires pour recevoir une injection.
- Cette différence de perception du vaccin s’explique par un rapport différent à la santé entre les hommes et les femmes.
« Les répondants qui refusent encore de se faire vacciner contre le Covid sont plus souvent des femmes, jeunes, se sentant proches de partis de la droite radicale et de la gauche radicale. » C’est par ses mots que se conclut l’enquête Slavaco Vague 3, réalisée en décembre 2021 et cherchant à dresser le profil type des non-vaccinés. Un épilogue qui rejoint ce que tous les sondages sur la vaccination depuis le début de la crise indiquaient : les femmes semblent plus réticentes à la vaccination contre le coronavirus que les hommes.
Un sondage Ifop montrait ainsi en janvier 2021 que 59 % des hommes avaient l’intention de se faire vacciner, contre 51 % des femmes. Plus les mois sont passés, plus l’adhésion de la population a augmenté, mais un écart a toujours subsisté entre les hommes et les femmes. Ainsi, l'enquête CoviPrev, réalisée en mai 2021, indiquait que 81 % des hommes souhaitaient se faire vacciner, contre seulement 71 % des femmes.
Des femmes moins vaccinées que les hommes en pourcentage
Cette réticence a mis du temps à se voir dans les chiffres concrets de la vaccination, car les femmes sont non seulement plus nombreuses, mais également plus âgées et plus présentes dans les métiers de soins : elles étaient donc prioritaires dans la vaccination, et plus vaccinés en nombre brut. Aujourd’hui encore, selon les données de Santé publique France, les femmes représentent 51,5 % des personnes totalement vaccinées en France. Seulement, elles représentent selon l’Insee 52,3 % de la population française de plus de 15 ans.
Selon Geodes, 78,7 % des femmes sont vaccinées en France, contre 79,1 % des hommes, alors que la population masculine contient bien plus de mineurs encore non éligibles ou peu vaccinés (seulement 0,29 % des 0-11 ans ont reçu une dose). Les femmes se vaccinent donc un peu moins que les hommes en France. Comment l’expliquer ?
Paradoxe féminin
Historiquement, les femmes ont toujours été plus impliquées que les hommes dans les mouvements antivaccination, rappelle la sociologue en santé et chargée de recherche à l’Inserm Marie Jauffret-Roustide. D’un autre côté, « les sciences sociales mettent en lumière que les femmes sont plus impliquées que les hommes dans l’éducation à la santé, la prévention et le soin et qu’elles ont beaucoup moins de conduites à risque », contrebalance l’experte.
Un paradoxe qui s’explique particulièrement bien dans un contexte d’incertitude comme la période actuelle, avec des vaccins très récents. « Les femmes vont s’interroger sur la vaccination et ses enjeux de santé, et elles vont être amenées à rechercher plus que les hommes des informations sur la vaccination, les risques et les effets indésirables », liste Marie Jauffret-Roustide. Et, avec l’essor d’Internet, « de nombreuses informations sont fausses ou non vérifiées, ce qui peut augmenter la défiance », conclut-elle.
C’est notamment ce qui ressort d'une étude sur la différence de genre dans les intentions vaccinales en France : alors que les hommes réticents à la vaccination évoquent en premier lieu la perception d’une maladie inoffensive pour eux, les femmes mettent plus en avant l’idée que le vaccin a été trop précipité ou qu’il est dangereux pour la santé.
La médecine douce contre les violences sanitaires
A cela s’ajoute un essor des médecines douces, particulièrement marqué chez les femmes. Marie Peltier, historienne et spécialiste du complotisme, note « toute une mouvance qui a pris de l’ampleur, avec l’idée du retour de la nature, de médecine alternative, de sorcières, en opposition avec la médecine classique et scientifique ». Une médecine « classique » qui s’est souvent montrée – et se montre encore – violente avec les femmes, souligne l’historienne, que ce soit les effets indésirables de la pilule, les violences gynécologiques, etc. Même sur les vaccins contre le coronavirus, les effets de dérèglement des cycles menstruels chez les femmes ont été passés sous silence pendant longtemps, jugés anecdotiques.
Au-delà de la violence que peut exercer la médecine classique pour les femmes, cette science reste « un bastion extrêmement gardé par les hommes avec un discours très viriliste pendant toute cette crise du coronavirus », poursuit Marie Peltier – et, oui, « Nous sommes en guerre », c’est de toi qu’on parle notamment. La médecine douce peut là aussi gagner du terrain en incarnant des valeurs prétendument plus féminines, comme la douceur, la nature, la simplicité et autres. Marie Peltier constate également un fort attrait pour le développement personnel, qui a peu ou prou les mêmes conséquences : défiance envers la science par rapport à son propre ressenti, isolement de l’être face à toute assistance extérieure, importance de se débrouiller seul, etc.
L’importance des enfants
Dernier point, et non des moindres, la charge mentale de la santé du foyer. L’enquête Slavaco Vague 3 montre que, chez les enfants de 5 à 11 ans, les mères sont davantage réticentes que les pères à vacciner les enfants, avec 76 % de mères défavorables dont 65 % de très défavorables (contre 54 % et 34 % respectivement chez les pères). Pour Marie Jauffret-Roustide, cet écart s’explique par le fait que « les femmes sont plus impliquées dans la prise en charge de la santé de leur famille que les hommes en général, notamment la vaccination des enfants ».
Marie Peltier rappelle que le complotisme antivax s’est souvent nourri de fantasme autour de la vaccination des enfants, et ce, bien avant l’épidémie de Covid-19. Elle termine : « Les femmes sont plus sensibles aux effets indésirables des vaccins pour leurs proches que les hommes, car elles savent que ce sont elles qui vont devoir les gérer ensuite. »