Coronavirus : Du nouveau sur le front des traitements pour cet automne ?
EPIDEMIE Des traitements par injection ou par voie orale sont entrés en phase 3 des essais cliniques, ce qui donne l'espoir d'un arsenal thérapeutique plus riche d'ici quelques mois
- Plusieurs essais cliniques pour des traitements par injection contre le Covid-19, mais aussi des médicaments par voie orale devraient donner des réponses à l’automne.
- Si les corticoïdes ont fait leur preuve pour faire baisser la mortalité et les vaccins pour protéger d’une infection grave, il n’y a pas aujourd’hui de traitement qui soigne ou évite l’hospitalisation.
- Dans un contexte d’émergence de nouveaux variants et de nombreux pays qui souffrent d’un système de santé dépassé par la pandémie, ces résultats sont attendus avec impatience.
Ronapreve, molnupiravir, tocilizumab… Ces noms barbares ne vous disent sans doute rien. Pourtant, ils pourraient représenter un tournant important dans la lutte contre le coronavirus. Surtout avec l'émergence de nouveaux variants (parmi lesquels le variant Mu qui pourrait contrer l’action des vaccins) et le fait que certains pays riches atteignent un plafond de verre côté vaccination… D'autant plus que l'Organisation mondiale de la santé craint que la vaccination ne suffise pas pour venir à bout de la pandémie. Bonne nouvelle, quantité de chercheurs planchent sur l’autre bras nécessaire pour contrer la pandémie : les traitements.
Si aujourd’hui, les corticoïdes ont fait leur preuve, faisant baisser la mortalité de 21 %, d’autres traitements, par injection ou pas voie orale, pourraient faire leur apparition ces prochains mois. Quels sont ceux qui soulèvent le plus d’intérêt ?
Le Ronapreve étendu à certains patients hospitalisés
Il y a du nouveau en cette rentrée. Tout d’abord, du côté du Ronapreve. C’est un traitement combinant deux anticorps monoclonaux (casirivimab et imdevimab), injecté avec une seringue. Dont Donald Trump avait bénéficié dès octobre 2020. « Il a été conçu directement pour cibler et se fixer à une partie de la protéïne Spike et éviter que le virus n'entre dans les cellules humaines », explique Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue à l’ hôpital Bichat (AP-HP). Et donc que le patient, fragile et hospitalisé, se retrouve en réanimation.
Ce traitement, développé par la biotech américaine Regeneron et le laboratoire suisse Roche, est déjà disponible en France. « Depuis fin mars 2021, il est prescrit uniquement pour les personnes avec des risques d’évolution vers une forme sévère et dans les cinq premiers jours après le début des symptômes », précise Yazdan Yazdanpanah, infectiologue, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) et membre du Conseil scientifique sur le Covid-19. En août, l’accès a été étendu aux personnes qui n’ont pas développé d’anticorps [pas de vaccin ou mauvaise réponse au vaccin], dès qu’elles sont en contact avec une personne infectée. »
Cet accès a été une nouvelle fois élargi. Depuis le 3 septembre, les patients hospitalisés peuvent en bénéficier, à condition qu’ils soient sous oxygène, qu’ils n’aient pas d’anticorps (pas de vaccin ou mauvaise réponse au vaccin) et qu’ils aient un risque de faire une forme grave. Concrètement, il s’agit des personnes immunodéprimées, atteintes d’un diabète, d’obésité, d’une BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), d’une insuffisance cardiaque ou rénale et les plus de 80 ans.
Pourquoi cet élargissement ? « Peu avant l’été, des résultats positifs ont été enregistrés pour des patients déjà hospitalisés, dans le cadre du vaste essai clinique européen Recovery », explique Yazdan Yazdanpanah. Autre raison : un autre traitement par anticorps monoclonaux, celui d’Eli Lilly, également donné aux personnes très vulnérables, n’est plus efficace contre le variant Delta. « Alors que le Ronapreve l’est », précise l’infectiologue. C’est donc une protection supplémentaire pour les plus vulnérables, notammnent les personnes greffées ou en traitement pour un cancer.
Deux autres traitements par injection prometteurs
Autre traitement par injection qui intéresse les autorités sanitaires : le tocilizumab. C’est à nouveau Roche qui est à la manœuvre pour ce traitement appelé Roactemra et déjà utilisé pour lutter contre la polyarthrite rhumatoïde. L' Agence européenne du médicament (EMA) a annoncé mi-août qu’elle allait évaluer l'efficacité du tocilizumab pour traiter les formes graves du Covid-19. Et rendre ses résultats en octobre 2021.
Enfin, il y a un petit français qui pourrait arriver prochainement sur le marché. Le laboratoire nantais Xenothera a mis au point un traitement par injection à base d'anticorps polyclonaux, baptisé Xav-19. Lui aussi est attendu avec impatience : pour preuve la France a précommandé 30.000 doses. Selon Le Monde, il pourrait être disponible dès cet automne.
« Mais il s’agit de traitements par voie intraveineuse, nuance le directeur de l’ANRS. L’étape d’après, c’est d’avoir des traitments oraux, faciles à prendre. Or, différents médicaments sont en cours d’évaluation, on en saura plus au mois d’octobre. »
Des résultats attendus pour des traitements oraux
Quels sont les traitements sur les rails ? Le Molnupiravir a fait couler beaucoup d’encre. Le laboratoire Merck est en train de réaliser les essais cliniques de phase 3 pour cette pilule qui permettrait d’empêcher la multiplication du virus dans nos cellules. Des résultats prometteurs montraient que la charge virale avait disparu chez les patients infectés au bout de cinq jours. « Mais cet été, les essais chez les patients hospitalisés n’ont montré aucune efficacité », nuance Nathan Peiffer-Smadja.
Evidemment, d’autres laboratoires se positionnent sur ce créneau. Notamment Pfizer, grand gagnant de la course aux vaccins. Le laboratoire américain teste depuis mars 2021 une pilule, le PF-07321332, qui va contrer l’action de la protéase, une enzyme primordiale dans la multiplication du coronavirus. Le 2 septembre, Pfizer a annoncé lancer les phases 2 et 3 (menées en parallèle pour gagner du temps) de l’essai clinique sur 1.140 personnes. Avec une spécificité : on cherche à voir l’efficacité et les éventuels effets indésirables chez des patients non hospitalisés et présentant un faible risque de progression vers une maladie grave. Si l’essai se révélait concluant, on pourrait donc imaginer, dans quelques mois, avoir un médicament utile pour toute la population, dès les premiers signes du Covid-19. Plus de risque alors de voir nos hôpitaux embolisés...
« On n’a jamais trouvé de traitement pour la grippe »
De la science-fiction ? Pas forcément, même si les chercheurs restent prudents. « On espère qu’enfin on va avoir un traitement qui marche sur le virus, souffle Yazdan Yazdanpanah. Il y a des recherches très importantes en ce moment pour élargir l’arsenal thérapeutique. » Sans cacher que le défi reste immense. « C’est très complexe d’avoir un traitement efficace contre les virus, reprend-il. On n’en a d’ailleurs jamais trouvé pour la grippe... » « Ni pour la dengue ou le chikungunya, complète Nathan Peiffer-Smadja. On traite bien les bactéries, les parasites, les champignons. Mais comme le virus utilise nos cellules pour se reproduire, il faut le détruire sans abîmer nos cellules. »