Vaccination obligatoire : Pour les personnels soignants, c’est la « méthode du gouvernement » qui crée des tensions
TEMOIGNAGES L’obligation vaccinale pour les soignants a été validée ce jeudi 5 août par le Conseil constitutionnel
- Le Conseil constitutionnel a validé le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire ce jeudi 5 août.
- La vaccination devient donc obligatoire pour les personnels soignants et d’autres professions en contact avec des publics fragiles. À compter du 15 septembre, ils devront justifier d’au moins une dose de vaccin et auront jusqu’au 15 octobre pour obtenir un schéma complet de vaccination.
- Cette vaccination obligatoire perturbe-t-elle le quotidien des soignants ? 20 Minutes a recueilli le témoignage de plusieurs d’entre eux.
C’est désormais acté. À partir du 15 septembre, les personnels soignants des hôpitaux, cliniques, Ehpad et maisons de retraite auront l’obligation d’être vaccinés contre le Covid-19 pour travailler. Cette disposition, validée le 5 août par le Conseil constitutionnel, suscite toutefois colère et inquiétudes chez certains professionnels de santé et représentants du personnel.
À Poitiers par exemple, la CGT du CHU a fait part de son inquiétude dans un communiqué diffusé en début de semaine, pointant une « ambiance de travail très tendue » dans certains services. « Des collègues qui ne sont pas vaccinés sont montrés du doigt et subissent des remarques inadmissibles », explique le syndicat. Sujet de controverse et de mobilisation au sein de la société, la vaccination obligatoire perturbe-t-elle le quotidien des soignants ? 20 Minutes a recueilli le témoignage de plusieurs d’entre eux.
Une large vaccination avant l’obligation
Selon le dernier bulletin national publié le 29 juillet par Santé publique France, la couverture vaccinale pour au moins une dose était de 71,2 % pour les professionnels exerçant en Ehpad ou USLD (Unités de soins longue durée) et de 85,9 % pour les professionnels libéraux. Pour l’ensemble des professionnels de santé, difficile toutefois d’évaluer l’étendue de cette vaccination. « Un précédent bulletin de Santé publique France daté du 20 mai mentionnait un taux de couverture vaccinale à 91 %, mais ce chiffre est probablement surestimé car certains professionnels n’exerçant plus ont pu se déclarer comme tels au moment de la vaccination », explique Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels Infirmiers (SNPI).
Pour autant, ce soignant souligne qu’une grande majorité de ses collègues sont déjà vaccinés : « De fait, l’obligation vaccinale a assez peu d’impact et nous n’avons pas eu de remontées d’incidents particuliers », indique-t-il. Un constat que partage Sophie, 29 ans, interne dans un service de réanimation : « L’annonce de la vaccination obligatoire n’a créé aucune tension dans le service. L’ensemble de l’équipe a tellement été confronté aux complications du Covid-19 qu’une grande partie des soignants étaient vaccinés avant les annonces gouvernementales, et les autres vont bientôt le faire », écrit-elle à 20 Minutes.
Un sentiment de « mépris »
Mais la situation peut parfois être plus difficile à vivre, notamment pour celles et ceux qui hésitent encore à se faire vacciner. C’est le cas de Céline et Mélanie, toutes deux aides-soignantes. À 36 et 35 ans, les deux jeunes femmes se disent « affectées » par l’obligation vaccinale. « J’ai remarqué un climat plus ou moins froid entre collègues vaccinés et non. Je commence à être dégoûtée (…) et je trouve injuste et inhumain la manière dont le gouvernement traite les soignants ne souhaitant pas se vacciner », explique Céline.
Mélanie, elle, dit se sentir « méprisée » : « Cette obligation entraîne des tensions dans des équipes déjà bien fragilisées par ces derniers mois qui ont été pénibles pour tout le monde (…) J’adore mon métier mais être traitée ainsi, non merci ». Pour Olivier Cammas, responsable CGT à l’AP-HP, c’est avant tout la méthode employée par le gouvernement qui crée de la colère dans les services. « Les autorités ont mis les personnels soignants sur le banc des accusés alors qu’ils sont massivement vaccinés. La pression mise sur les salariés pour justifier de leur vaccination, les ultimatums et l’autoritarisme avec lequel l’obligation vaccinale est mise en place, c’est ça qui génère des tensions ».
Tristesse et « deux poids deux mesures »
D’autres professionnels, eux aussi concernés par l’obligation vaccinale, disent souffrir de cette mesure. C’est le cas d’Anne-Sophie, 31 ans. « Je suis secrétaire médicale et mes collègues infirmiers, aides-soignants ou médecins ne comprennent pas mon choix de ne pas me faire vacciner (…) Je suis sans cesse obligée de me justifier. On me traite d’égoïste, de complotiste sans se soucier de ce que je ressens. Il m’est même arrivé d’aller dans les toilettes pour pleurer », confie-t-elle à 20 Minutes.
Léo, 28 ans, cuisinier en Ehpad et non vacciné, dénonce le « deux poids, deux mesures » du gouvernement : « Tout au long de la pandémie, j’étais l’un des seuls à assurer la restauration pour nourrir les résidents (…) Quand le personnel soignant a touché une prime pour le travail effectué pendant la crise, moi je n’étais pas considéré comme tel. Et aujourd’hui, je suis considéré comme soignant et je dois me faire vacciner si je ne veux pas perdre mon salaire ? », interroge-t-il.
La mesure prévoit que les soignants ont jusqu’au 15 septembre 2021 pour justifier « de l’administration d’au moins une des doses sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 ». Ils auront jusqu’au 15 octobre pour présenter un schéma vaccinal complet.