Coronavirus : Quelle est la situation dans les hôpitaux en pleine quatrième vague ?
EPIDEMIE Le nombre de patients Covid hospitalisés augmente et accentue la pression sur les équipes hospitalières en plein cœur de l’été
- Deux régions de France ont déclenché le « plan blanc » dans les hôpitaux afin de rappeler les soignants en vacances et augmenter les effectifs dans les hôpitaux face à l’augmentation des hospitalisations Covid.
- Plusieurs syndicats pointent du doigt le manque de moyens dont dispose le personnel soignant qui se trouve en sous-effectif.
- Plus que cette quatrième vague, le contexte global du secteur impacte fortement l’état psychologique des professionnels de santé.
Ce mercredi, la région Paca a été contrainte de déclencher le «plan blanc» dans ses hôpitaux face à la reprise de l’épidémie de coronavirus. La veille, la Corse prenait la même décision, permettant ainsi à ses établissements de santé de déprogrammer certaines interventions jugées non-urgentes ou de rappeler des soignants en vacances afin de garantir la continuité des soins dans les services.
D’autres régions pourraient prochainement leur emboîter le pas en raison de l’augmentation du nombre de patients Covid hospitalisés ces derniers jours, mais aussi en raison de la situation actuelle particulièrement tendue dans les hôpitaux selon plusieurs syndicats qui tirent la sonnette d’alarme. « 20 Minutes » fait le point sur la situation.
Combien de personnes atteintes du Covid se trouvent actuellement hospitalisées ?
Au niveau national, selon les chiffres de Santé publique France, les services de soins critiques comptaient mardi 1.331 patients (dont 218 admissions en 24 heures) contre 1.232 malades lundi et 978 il y a une semaine. Une augmentation liée à la flambée du variant Delta et qui s’observe aussi de façon générale dans les hospitalisations puisque le nombre de malades du Covid à l’hôpital est désormais de 7.974, soit 134 de plus que lundi et 837 de plus qu’il y a une semaine. 818 patients ont été admis ces dernières 24 heures, soit le chiffre le plus haut depuis la fin mai.
L’Agence régionale de santé observe par ailleurs des disparités selon les régions de France. Ainsi en région Paca, les hospitalisations Covid ont augmenté de 56 % en une semaine et les soins en réanimation de 46 %. Mardi, en Corse, la part des patients Covid en réanimation était de 77,8 %.
Y a-t-il assez de lits pour accueillir ce nouvel afflux de patients ?
Selon le niveau de personnes hospitalisées, certaines régions pourraient manquer de places à l’hôpital dans les jours à venir. L’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) indique par exemple que ses 32 lits de réanimation sont déjà tous occupés. Et les vacances d’été ne viennent pas arranger la situation. « En août, entre 10 et 30 % des lits sont fermés pour permettre aux agents de partir en vacances », explique Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI).
Ce dernier pointe aussi du doigt la loi de financement de la Sécurité sociale votée en décembre dernier « qui prévoit 1,4 milliard d’économie sur les hôpitaux en 2021 », qui selon lui entraîne inévitablement des suppressions de lits et de postes. Pas plus tard que ce mardi, plusieurs syndicats ont lancé un appel à la grève illimitée à l’hôpital Nord Franche-Comté pour notamment dénoncer les fermetures de lits.
Y aura-t-il assez de personnel soignant pour gérer cette quatrième vague ?
Les départs en vacances des agents d’hôpitaux réduisent les effectifs l’été, mais une autre vague de départ pourrait les affecter à bien plus long terme. « Les professionnels infirmiers et aides-soignants quittent les hôpitaux car ils n’en peuvent plus de la dégradation des conditions de travail mois après mois, résume Thierry Amouroux. C’est partout pareil : dans le privé, le public, quelle que soit la taille d’établissement et dans toutes les régions. » Si pour l’instant aucun chiffre n’a été communiqué à ce sujet par les directions d’établissements, le porte-parole du SNPI rappelle que déjà « en juin 2020, on était passé de 7.500 postes infirmiers vacants à 34.000 en septembre ».
Même sans données, plusieurs indices laissent penser que les hôpitaux font face cette année encore, à une vague de démissions. « Tout le monde fait de la pub pour essayer d’attirer les infirmières et aides-soignantes qui manquent un peu partout », remarque Thierry Amouroux. Fin juin, l’APHP a ainsi lancé une grande campagne de recrutement bien plus retentissante que les années précédentes.
Que risque d’engendrer ce manque d’effectif ?
« Quand le chef de la réa de Lariboisière à Paris annonce que 40 % des infirmiers de son service quittent l’hôpital, on comprend bien le problème qui va se poser », lance Thierry Amouroux rappelant que pour un service aussi spécialisé que la réanimation, particulièrement mobilisé en temps de Covid, il faut entre six mois et un an pour être opérationnel. Le manque d’effectifs pourrait donc affecter la qualité de prise en charge des patients dans certains services.
« Dans les soins intensifs, lors de la première vague, il y avait six patients Covid par infirmière, ces derniers mois, on est passé à huit patients Covid par infirmière en moyenne, soit 30 % de charge de travail en plus », donne comme exemple Thierry Amouroux.
Dans quel état se trouvent les équipes soignantes ?
Si les vagues Covid représentent un pic d’activité pour tout le personnel soignant en CHU, sur le restant de l’année, les équipes font face à une surcharge de travail liée à tous les patients chroniques déprogrammés lors d’une vague par manque de place. « Ça fait donc un an et demi que les équipes sont en surrégime et qu’elles n’en peuvent plus », résume Thierry Amouroux.
« Parallèlement, on voit le gouvernement prendre des décisions allant à l’encontre du bon sens », poursuit-il évoquant par exemple le fait que les personnes munies d’un pass sanitaire puissent retirer leur masque en boîtes de nuit. « C’est une aberration d’un point de vue sanitaire et ça nous choque », lance-t-il. Enfin la vaccination contre le Covid-19 rendue obligatoire pour les soignants par le gouvernement ne fait pas l'unanimité auprès des soignants. Le risque de voir des salariés non vaccinés suspendus à la rentrée pourrait porter un nouveau coup au moral des troupes, et engendrer davantage encore de sous-effectif.