Coronavirus : Comment convaincre les personnes diabétiques qui ne sont pas encore vaccinées ?
VACCINATION Alors que la vaccination stagne, la Fédération Française des Diabétiques s’est intéressée à ces patients, particulièrement vulnérables face au Covid-19
- Si la moitié des Français a reçu une dose de vaccin, il serait intéressant de savoir qui sont les non vaccinés.
- Alors que le variant Delta s’installe peu à peu en France, laissant craindre une remontée des cas, seulement 62 % des diabétiques, particulièrement à risque, ont reçu deux injections.
- La Fédération française des diabétiques s’est penchée sur les non vaccinés, et sur leurs inquiétudes.
Si nombre de médecins et de ministres évoquent une éventuelle quatrième vague et que la vaccination semble marquer le pas, le profil des non-vaccinés, lui, semble essentiel. Si l’on parle de jeunes en bonne santé, infectés par le Covid-19 récemment et donc immunisés, le risque de se retrouver avec des services de réanimation débordés reste faible. En revanche, s’il s’agit de Français avec des facteurs de fragilité, la donne change. Sur France Info lundi matin, Alain Fischer, le « Monsieur vaccin » du gouvernement, prévenait : « il y a encore beaucoup de personnes vulnérables qui ne sont pas vaccinées ».
C’est bien l’enjeu de ces prochaines semaines : alors que le variant Delta, plus contagieux, colonise la France, il faut convaincre en priorité les plus fragiles de se faire vacciner. Parmi eux, les personnes diabétiques sont en première ligne.
Un tiers des patients morts du Covid-19 étaient diabétiques
« Face au Covid-19, ces patients ont payé un lourd tribut : 30 % des morts étaient diabétiques, souligne Jean-François Thébaut, vice-président de la Fédération Française des Diabétiques. Or, toutes les données montrent que les vaccins diminuent le risque d’avoir une forme grave. » Surtout quand au diabète (qui touche au moins 3,5 millions de Français) s’ajoutent d’autres facteurs de comorbidité comme l’obésité, l’hypertension ou les maladies cardiaques. Sachant que les trois quarts des diabétiques de type 2 (90 % des patients) souffrent aussi d’obésité.
Autre paramètre inquiétant : « Face à l’évolution préoccupante des variants, on constate un changement de la distribution des formes graves : les patients sont plus jeunes », prévient Charles Thivolet, président de la Société francophone du diabète. Et plusieurs études confirment que face au variant Delta, deux injections sont efficaces pour protéger contre les formes graves.
Pourtant, une part non négligeable de ces Français ne sont pas vaccinés. Combien précisément ? « Au 27 juin, 75 % des personnes diabétiques avaient reçu une première injection et 63 % les deux, explique Marguerite Cazeneuve, de l’Assurance Maladie. Ces taux sont plus élevés que la population générale (50 % et 32 % respectivement). Mais ces résultats sont jugés insuffisants. Il reste 900.000 personnes diabétiques qui ne sont pas vaccinées ! » C’est pourquoi comprendre les raisons de ce refus apparaît essentiel pour mieux les convaincre. Une enquête, réalisée par la Fédération Française des Diabétiques et dévoilée ce lundi, apporte quelques réponses.
Environ 15 % de récalcitrants
Menée en avril et mai auprès de plus de 3.500 personnes souffrant de diabète, elle s’intéresse au vécu et aux croyances de ces patients, dont 44 % souffrent aussi d’hypertension, 27 % d’obésité et 16 % de problèmes cardiaques. Autre précision, 30 % déclarent avoir un diabète mal équilibré, autre facteur défavorable face au Covid-19. Enfin, détail intéressant, 79 % des répondants n’ont pas eu le Covid-19, quand 10 % ont été testés positifs ou eu des symptômes. « Sur ces répondants, 63 % étaient vaccinés, 25 % en attente de leurs injections et 11 % ne souhaitaient pas être vaccinés », précise Nicolas Naïditch, sociologue et responsable du Diabète LAB, qui conçoit et réalise des études sur la vie quotidienne des diabétiques.
Plus globalement, environ 15 % des répondants se sont dits opposés à la vaccination contre le Covid-19. Des chiffres que l’on retrouve du côté de l’Assurance Maladie. Des infirmiers appellent en effet certains patients diabétiques pour leur parler vaccination. Et si la plupart sont déjà convaincus, « 1 % des appels permettent de prendre rendez-vous ; ça paraît très faible mais chaque rendez-vous pris est une bataille gagnée, assure Maguerite Cazeneuve. On retrouve 16 % de refus de prise de rendez-vous. L’enjeu est de trouver des arguments pour ces personnes très à risque de développer une forme grave ».
Etonnant, les plus favorables à la vaccination seraient plutôt les hommes, avec un niveau d’études et une catégorie socioprofessionnelle élevés et peu de comorbidités. « La problématique est la suivante : les personnes pour lesquelles la vaccination propose une balance bénéfice/risque extrêmement favorable sont les moins disposées à se faire vacciner, c’est donc un enjeu de santé publique », résume le sociologue. Pourquoi cette méfiance ? 67 % des personnes interrogées pensent que les vaccins sont efficaces. Mais seulement 51 % pensent avoir assez d’informations sur les effets indésirables.
Quelles actions mettre en place ?
« Il y a peut-être quelque chose à faire pour mieux communiquer sur l’innocuité des vaccins », reprend celui qui a mené l’enquête. Mais également sur le fait que les vaccins ne sont pas contre-indiqués en cas de traitement contre le diabète. Il faut rendre l’information plus claire face à un public qui a suivi peu d’études. Et la diffuser sur les réseaux sociaux, où beaucoup de ces personnes s’informent.
Si la Caisse nationale d’Assurance Maladie (Cnam) a déjà mis en place des actions pour « aller vers » ce public récalcitrant, elle veut passer la seconde. En lançant dès cette semaine une information à destination des pharmaciens, pour que ces derniers trouvent des éléments de langage afin d’expliquer l’efficacité, l’innocuité des vaccins et la responsabilité collective en jeu. Un webinaire, toujours pour les pharmaciens, devrait par ailleurs être organisé la semaine prochaine, toujours dans cet objectif. « On pense que les pharmaciens sont les plus à même de convaincre : ce sont des professionnels de confiance, qui savent qui est diabétique, puisqu’ils délivrent les traitements », reprend Marguerite Cazeneuve. Parallèlement, la Cnam tente de délivrer aux médecins traitants la liste de leurs patients qui ne sont pas vaccinés. Mais pour le moment, la Cnil semble réticente.
Mais combien de ces patients diabétiques non vaccinés font partie des indécis et des antivax ? « On pense que dans ces 15 %, il y a des personnes qu’on peut convaincre, assure Marguerite Cazeneuve. Plus on avance, plus c’est dur. Mais ces efforts valent le coup. » Jean-François Thébaut veut également croire que ce travail de conviction, qui pourra aussi passer par les associations, portera ses fruits. « Contrairement à ce qu’on pensait, l’épidémie n’est pas finie, regrette-t-il. C’est extrêmement important de mobiliser pour éviter les croyances autour du vaccin. D’autant qu’on a vu que cela pouvait considérablement évoluer. La défiance en janvier vis-à-vis de l’ARN messager s’est transformée en engouement. S’acharner sur les 15 % qui restent, c’est aussi travailler sur les futurs rappels. »
Plus de 70 % des Français « à risque » ont reçu une première dose
L’Assurance Maladie publie, sur le site Data vaccin Covid, les taux de vaccination des Français par âge, mais également par pathologie. Au 27 juin, 71,4 % des personnes de 18 ans et plus souffrant d’au moins une pathologie grave et/ou chronique ont reçu une première dose de vaccin contre le Covid-19. Mais la Cnam a identifié deux pathologies pour lesquelles il faudra accélérer : l’obésité et les maladies psychiatriques.