Coronavirus : N’y a-t-il que les vaccins à ARN messager pour nous sortir de la pandémie ?

VACCINATION La technologie de l’ARN messager permet de proposer, dans des délais très brefs, des formulations adaptées contre les variants du coronavirus

Anissa Boumediene
Entre les risques de thromboses associés aux vaccins AstraZeneca et Janssen, et les nouveaux variants, tout le monde ou presque veut se faire vacciner avec des sérums à ARN messager.
Entre les risques de thromboses associés aux vaccins AstraZeneca et Janssen, et les nouveaux variants, tout le monde ou presque veut se faire vacciner avec des sérums à ARN messager. — Nicola Marfisi/AGF/SIPA
  • Susceptibles de causer de rares cas de thrombose, les vaccins AstraZeneca et Janssen n’ont pas les faveurs du grand public, qui leur préfèrent les sérums à ARN messager.
  • Aujourd’hui, tout le monde ou presque veut recevoir les vaccins de Pfizer-BioNTech ou Moderna, jugés plus sûrs et efficaces, et plus facilement adaptables aux variants brésilien et sud-africain.
  • Cela signifie-t-il que les vaccins reposant sur des technologies plus classiques n’ont plus leur place dans la stratégie vaccinale française ?

C’est quand le monde d’après ? A quand les terrasses, les voyages, la bise, les embrassades et la fin du masque ? « Patience » et « efforts », nous dit le gouvernement, qui promet un début de retour à la vie normale dès le mois de mai. La clé d’un quotidien sans Covid-19, les autorités sanitaires le martèlent, c’est la vaccination, dont l’ouverture généralisée aux plus de 18 ans est prévue cet été.

Mais avec quels vaccins et pour quelle efficacité ? Les risques de thrombose associés aux vaccins AstraZeneca et Janssen ont refroidi une partie des populations éligibles, qui aujourd’hui boudent ces sérums. Et face aux variants brésilien, sud-africain, indien et autres recombinants qui provoquent localement de nouvelles flambées épidémiques et peuvent affecter l’efficacité des vaccins, la lumière au bout du tunnel semble sans cesse s’éloigner.

Dans cette tempête virale, le « vaisseau ARN messager » lui, ne tangue pas. Et aujourd’hui, tout le monde ou presque veut se faire vacciner avec du Pfizer ou du Moderna, aux prouesses implacables. Mais n’y a-t-il que ces vaccins à ARN messager (ARNm) pour nous sortir de l’impasse, ou les autres sérums conservent-ils une place de choix (et une utilité) dans la stratégie vaccinale française ?

Des vaccins à ARN messager aux multiples atouts

Depuis le départ, l’approvisionnement français en vaccins passe par l’Europe. Après des options posées sur différents vaccins et quelques semaines de recul, au sommet de l’UE, on a eu le temps de se faire un avis et de réfléchir aux prochaines commandes. Retards de livraison (pour AstraZeneca), effets secondaires et défiance populaire (pour AstraZeneca et Janssen), risques d’échappement immunitaire (pour AstraZeneca) : en passant en revue les différents vaccins, mais aussi en anticipant une éventuelle propagation de variants – brésilien et sud-africain – plus contagieux, certains vaccins ont perdu de leur attractivité, AstraZeneca en tête.

Alors, « pour résolument vaincre le virus, nous devrons être prêts, à un certain moment, à faire des rappels pour renforcer et prolonger l’immunité. Et si des variants résistants apparaissent, nous devrons mettre au point des vaccins adaptés », a rappelé Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, le 13 avril. Pour la cheffe de l’exécutif communautaire, la solution est claire : il faut se fonder sur « les technologies qui ont fait leurs preuves, ce qui est le cas des vaccins à ARNm ». A savoir Pfizer-BioNTech et Moderna, les deux sérums à ARNm disponibles à ce jour, qui seront bientôt rejoints par l’Allemand Curevac. Ainsi, si « la décision n’est pas tranchée », « la plus grande probabilité » est que l’Europe ne fasse pas de nouvelles commandes d’AstraZeneca, a déclaré la ministre française de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, il y a quelques jours.

Dans le même temps, la crainte grandit autour des variants brésilien et sud-africain. « Ils posent souci parce qu’ils causent un échappement immunitaire, c’est-à-dire qu’ils réduisent la réponse immunitaire protectrice induite par la vaccination, explique Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations de la Haute autorité de santé (HAS). AstraZeneca se révèle ici moins protecteur. Et ce que l’on sait, c’est que les deux vaccins à ARNm gardent une bonne efficacité contre ces variants plus virulents. Probablement un peu moins bonne que sur le variant anglais et sur la souche initiale, mais tout de même très satisfaisante. Et ils ont l’avantage d’être plus rapidement adaptables face aux nouveaux variants : c’est beaucoup plus facile avec les vaccins à ARNm d’actualiser les formulations, poursuit le spécialiste de la vaccination. Les firmes travaillent déjà sur des vaccins à ARNm qui intègrent les nouveaux variants, que ce soit des sérums monovalents, qui ciblent uniquement ces variants, ou des sérums bivalents, à la fois contre les souches initiales et les nouveaux variants ».

Les autres vaccins restent « indispensables »

Résultat : les ARNm sont plébiscités par le grand public, qui veut recevoir du Pfizer et du Moderna. Pour autant, les vaccins anti-Covid élaborés selon des formulations plus classiques – à vecteur viral – ne doivent pas être mis au rebut. « Aujourd’hui en France, c’est le variant anglais qui est dominant, il représente plus de 85 % des infections. Et contre lui, Pfizer, Moderna, mais aussi AstraZeneca et Janssen sont efficaces », rappelle Daniel Floret, qui souligne qu’il est « également possible d’adapter aux nouveaux variants les formulations des vaccins à vecteur viral ».

A ce jour, « les variants sud- africain et brésilien représentent à peine 5 à 6 % des contaminations, rassure-t-il. Et d’ailleurs, le vaccin Janssen, à vecteur viral, montre une efficacité réelle face aux variants ». Mais s’ils circulent assez peu dans l’Hexagone, « il y a le cas particulier de l’Alsace – où le variant sud-africain représente plus de 20 % des contaminations - et des départements d’Outre-Mer », reconnaît Daniel Floret. Ainsi, « en Guyane [variant brésilien], à Mayotte et à La Réunion, où le variant sud-africain représente près de la moitié des cas et où la fourniture d’un seul type de vaccins est favorisée par les contraintes logistiques, la HAS recommande la poursuite de la stratégie déjà mise en place avec l’utilisation exclusive des vaccins à ARNm », prescrit la HAS.

En dehors de ces territoires, la HAS considère que « cela ne justifie pas d’y mettre en place, à ce stade, une stratégie différenciée de recours aux vaccins ». Pour ce qui est d’AstraZeneca, « si on devait ne pas utiliser les doses que l’on a, on aurait du mal à atteindre les objectifs en matière de population vaccinée, avance Daniel Floret. Pour l’instant, ils restent tout à fait nécessaires ». Les vaccins AstraZeneca et Janssen sont même jugés « indispensables » pour atteindre les objectifs de la campagne de vaccination, a indiqué mardi le ministère de la Santé, bien qu’il soit plus difficile aujourd’hui de trouver des volontaires pour en recevoir deux doses. En revanche, prévient Daniel Floret, si les variants brésilien et sud-africain « dépassaient 20 % des contaminations sur une certaine durée, il faudrait probablement généraliser l’administration de vaccin à ARNm ».