Vaccination  : Comment le gouvernement compte-t-il accélérer la cadence ?

CORONAVIRUS Le gouvernement souhaite vacciner dix millions de personnes contre le Covid-19 d’ici à mi-avril et vingt millions d’ici à la mi-mai

Jean-Loup Delmas
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Seulement 3,2 millions de personnes en France ont été vacciné de décembre à mars.
Seulement 3,2 millions de personnes en France ont été vacciné de décembre à mars. — SYSPEO/SIPA
  • C’est le nouveau mot d’ordre du gouvernement : il faut « accélérer » la vaccination en France.
  • Pour atteindre les dix millions de personnes vaccinées en avril, la cadence de vaccination en France doit plus que doubler par rapport à cette semaine.
  • Quelles sont les mesures mises en place pour atteindre un tel objectif ?

Entre le dimanche 27 décembre, date de la première vaccination française contre le coronavirus, et ce vendredi 5 mars, 3,2 millions de personnes ont reçu au moins une première dose (aussi appelée primo-injection) de vaccin anti-Covid-19 en France. Ce jeudi soir, en conférence de presse, le Premier ministre Jean Castex s’est fixé comme objectif d’atteindre « au moins 20 millions de personnes » ayant reçu une primo-injection à la mi-mai, dont dix millions dès la mi-avril.

Pour atteindre les dix millions de vaccinés d’ici mi-avril, la moyenne d’ici là devra s’établir à 160.000 primo-injections par jour. Problème de taille, cette semaine, seulement 73.000 primo-injections par jour ont été réalisées. Il faudra donc plus que doubler la cadence. Le gouvernement compte bien prendre ce problème à bras-le-corps, puisque entre ce jeudi soir et ce vendredi matin, ce sont Jean Castex, le ministre de la Santé Olivier Véran et le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal qui ont tour à tour déclaré la volonté d'« accélérer la vaccination ». Oui, mais comment ? 20 Minutes fait le point sur les annonces de Jean Castex à ce sujet.

Ouvrir la vaccination le week-end

Le week-end était pour le moment le temps faible de la vaccination. Le dimanche 28 février par exemple, seulement 5.304 primo-injections ont été réalisées selon le site du gouvernement, contre plus de 60.000 lundi 1er mars et 93.000 mardi 2 mars. De quoi laisser songeur.

« Tout le monde doit être sur le pont, y compris le week-end, pour vacciner aussi vite que possible », a ainsi déclaré jeudi Jean Castex. Une opération qui prend effet dès ce week-end a-t-il précisé, en priorité dans les 23 départements placés sous surveillance renforcée. En Ile-de-France, 44.000 doses de Pfizer devront être administrées d’ici à dimanche soir, dont 11.000 à Paris. A Nice, 12.000 doses pourront être écoulées ce week-end. Pour Alice Desbiolles, médecin spécialiste en santé publique, « tout ce qui peut élargir l’amplitude de la vaccination va dans le bon sens. »

Insister auprès des soignants et des professionnels des Ehpad

« Seul un soignant sur trois est aujourd’hui vacciné. Ce n’est pas normal », a déclaré Jean Castex ce jeudi soir. Olivier Véran a de son côté appelé à « la responsabilité pour les soignants de se protéger et d’éviter d’exposer ceux dont on prend soin », et a fait part de son intention d’écrire à tous les soignants ce vendredi.

Selon plusieurs sources médiatiques, un débat agite l’exécutif pour savoir s’il faut rendre la vaccination obligatoire pour les soignants. Alice Desbiolle se montre très sceptique : « Je suis absolument favorable au vaccin, mais pas à son obligation. Le manque d’adhérence de la population au vaccin est un risque majeur, et il faut convaincre les gens – dont certains soignants –, pas les obliger. Une obligation est la meilleure façon d’augmenter la défiance et le refus de la vaccination. » Elle plaide pour de la pédagogie, rappelant également qu’au niveau légal, l’obligation serait complexe à mettre en place – et que le Conseil d’Etat s’y opposerait sûrement. ​« Il y a une importance éthique et juridique au consentement au soin qu’il me semble nécessaire de préserver en cette période », note-t-elle.

Autoriser les pharmaciens et les autres professionnels de santé à vacciner

La Haute Autorité de santé (HAS) a approuvé et recommandé la vaccination par les infirmiers et les pharmaciens. Ce jeudi, le gouvernement les a autorisés à vacciner (en plus des médecins déjà autorisés). Les personnes de plus de 50 ans atteintes d’une comorbidité pourront se faire vacciner par leur pharmacien et ce sans ordonnance, à partir du 15 mars – date d’une nouvelle réception de doses AstraZeneca. Une prise de rendez-vous sera possible auprès des pharmaciens ou depuis le site Internet Ordoclic.

Selon Alice Desbiolle, « il faut ouvrir la vaccination aux pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, car ce n’est pas un acte compliqué et cela permet un meilleur partage des tâches en santé », de nombreux médecins se plaignant de ne pas pouvoir gérer leurs patients en plus de la vaccination.

Ouvrir la vaccination à de nouvelles catégories de population

Depuis le mardi 2 mars, les personnes de 65 à 74 ans atteintes d’une comorbidité peuvent être vaccinées avec le vaccin AstraZeneca, soit deux millions et demi de personnes supplémentaires. Cette ouverture a permis une nette accélération cette semaine de la couverture vaccinale : le nombre de primo-injection par jour a augmenté de 80 % par rapport à la semaine précédente. A partir de mi-avril, ce sont l’ensemble des personnes âgées de 50 à 74 ans qui pourront être vaccinées. Pour l’instant, seules celles présentant des comorbidités au coronavirus sont éligibles.

Davantage de doses de vaccin

« Si on veut atteindre un rythme de croisière, il nous faudra surtout des doses suffisantes », rappelle Alice Desbiolle, pour qui toutes les mesures précédemment évoquées seront rendues caduque en cas de pénurie de doses.

Concernant les livraisons, les choses s’accélèrent. Vingt-deux millions de doses sont attendues en mars et avril, contre sept millions en janvier et février. Pour le seul mois de mai, vingt millions de doses supplémentaires devraient être livrées. A condition qu’il n’y ait pas de retard ou de baisse des doses, comme cela a pu être le cas ces dernières semaines. « Ce que la lenteur de la vaccination montre, c’est avant tout la dépendance de la France aux autres et la nécessité de développer une production de produit de santé publique propre au pays », plaide Alice Desbiolle.

Même si les doses ne font pas tout. Au 3 mars, seulement 21,2 % des doses d’AstraZeneca reçues par la France avaient été injectées. De quoi justifier les mesures précédentes.