Profil des patients, type de médicaments… Que sait-on de l’expérimentation du cannabis à usage médical qui va démarrer ?
INNOVATION THERAPEUTIQUE L’expérimentation du cannabis à usage médical en France, qui concernera 3.000 patients, démarrera le 31 mars et durera vingt-quatre mois
- Reportée en raison de la crise sanitaire du coronavirus, l’expérimentation française du cannabis à usage médical va être lancée le 31 mars.
- Elle inclura 3.000 patients et durera vingt-quatre mois.
- A l’issue de cet essai grandeur nature, les parlementaires pourraient décider de généraliser l’utilisation du cannabis à usage médical en France.
Lancement imminent. Approuvée par l’Assemblée nationale en 2019, longuement attendue, plusieurs fois reportée à cause de la crise du coronavirus, l’expérimentation en France du cannabis à usage médical débutera finalement le 31 mars. Une expérimentation pilotée et contrôlée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui inclura 3.000 patients et durera vingt-quatre mois.
« L’objectif n’est pas de définir la balance bénéfices/risques du cannabis à usage médical [déjà établie]. Il s’agit d’évaluer la faisabilité du circuit et de recueillir les premières données françaises en vie réelle sur l’efficacité et la sécurité du cannabis dans un cadre médical ». Et de poser les bases « du parcours patient » et, à terme, « de déterminer si et comment l’utilisation du cannabis dans un cadre médical pourra être généralisée », a expliqué Christelle Ratinier Carbonneil, directrice générale de l’ANSM, lors d’un point presse ce jeudi. Le cannabis médical « est quelque chose de nouveau », a-t-elle souligné, insistant sur le caractère « encadré et sécurisé » de cette expérimentation d’un produit stupéfiant par ailleurs illégal en France. Qui pourra participer à cette expérimentation ? Comment sera-t-elle encadrée et quels types de produits à base de cannabis seront prescrits aux participants ? 20 Minutes dévoile les contours de cet essai.
Comment l’expérimentation va-t-elle être encadrée ?
Elle sera menée sous le contrôle de L’ANSM. Les premières consultations pour inclure des patients dans l’expérimentation auront lieu dans les prochains jours, et se dérouleront dans l’un des 200 centres de référence sélectionnés, dont la liste sera prochainement publiée. Il s’agira d’inclure des patients déjà suivis dans ces services hospitaliers spécialisés, ou adressés par leur médecin traitant à l’un de ces centres.
L’ANSM a élaboré une formation destinée aux médecins et pharmaciens y participant, « avec le concours de médecins et pharmaciens étrangers habitués à la prescription de cannabis médical, a expliqué Christelle Ratignier-Carbonneil. C’est une formation à distance de deux heures et demi, avec validation obligatoire ».
Par la suite, le médecin pourra délivrer une ordonnance, de 28 jours maximum, pouvant être renouvelée par un médecin généraliste désigné par son patient, à la condition qu’il soit formé et volontaire pour participer au projet.
Qui pourra être inclus ?
Les patients seront éligibles s’ils souffrent de maladies graves. « Nous avons dégagé cinq indications thérapeutiques : les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques accessibles, certaines formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistances, certains symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou à ses traitements, certaines situations paliatives, et dans la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central », a énuméré Nathalie Richard, directrice du projet à l’ANSM. Et seulement « en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance » avec les traitements déjà existants.
Autre précision : « il n’y a pas de critère d’âge, les enfants seront possiblement inclus dans cette expérimentation, a ajouté Nathalie Richard. Dans certaines situations cliniques, et toujours en évaluant les bénéfices et les risques, l’utilisation du cannabis médical peut être utile » chez les mineurs, a-t-elle indiqué, citant l’exemple « d’enfants souffrant d’épilepsie résistante aux traitements ».
L’objectif étant de collecter des données complètes sur 3.000 participants ayant testé le cannabis à usage médical sur au moins six mois, « si l’un d’eux interrompt le traitement, en raison d’une mauvaise tolérance ou d’une mauvaise efficacité, il pourra être remplacé par un autre, a expliqué la directrice du projet. Il ne pourra pas arrêter seul son traitement, mais sera libre à tout moment de se retirer de l’expérimentation. En outre, à partir du moment où le patient est inclus, qu’il tolère bien son traitement et que c’est efficace, il pourra recevoir du cannabis à usage médical pendant toute la durée de l’essai ».
Sous quelle forme le cannabis à usage médical sera-t-il prescrit ?
« Les traitements seront issus de la variété de cannabis Sativa, inscrite à la pharmacopée, et délivrés sous la forme d’huiles, de fleurs séchées à inhaler avec un dispositif de vaporisation et, en dernière intention, des comprimés », a détaillé Françoise Duperray, directrice de la direction des contrôles à l’ANSM. Pour ce qui est de la composition de ces traitements, « le ratio THC/CBD [tétrahydrocannabinol et cannabidiol] – les deux pricipes actifs de la plante de cannabis – sera établi en fonction des indications thérapeutiques par le médecin prescripteur. Par exemple, pour les pathologies plus lourdes, le ratio en THC sera supérieur ».
« Les schémas de posologie sont bien détaillés dans la formation des professionnels de santé participant à cette expérimentation, a complété Nathalie Richard. On a trois types de produits : à ratio équilibré en THC et CBD, à THC dominant ou à CBD dominant. Pour l’épilepsie : le traitement sera à base dominante de CBD ».
Qui va fournir les produits médicaux à base de cannabis ?
« Nous sommes en train d’importer les médicaments » fournis gracieusement par les fabricants sélectionnés en janvier par l’ANSM, « sans aucune contrepartie promise à l’égard des fournisseurs si l’expérimentation était généralisée », a insisté Christelle Ratignier-Carbonneil. « Il s’agit de fournisseurs étrangers, puisque la production de cannabis est à ce jour interdite en France, a précisé Nathalie Richard. La priorité était d’avoir accès à des médicaments qui soient directement utilisables et les plus sûrs possible ».
« Ces traitements seront délivrés gratuitement aux participants, selon le principe de la solidarité nationale, a précisé la directrice de l’ANSM. Et un registre qui permettra le suivi des patients est en train d’être mis en place ».
A l’issue de cet essai clinique grandeur nature de deux ans, un rapport de synthèse sera remis aux parlementaires, en vue d’une possible généralisation en France.