Coronavirus : L’objectif de passer sous les 5.000 contaminations par jour au 15 décembre est-il tenable ?
OBJECTIF DECONFINEMENT Le chef de l'Etat a posé cette condition comme préalable au déconfinement, envisagé le 15 décembre
- Après avoir annoncé la réouverture des commerces pour le 28 novembre, Emmanuel Macron s'est fixé la date du 15 décembre pour déconfiner.
- Un déconfinement conditionné à un net recul de l’épidémie de coronavirus dans l’hexagone.
- Pour le chef de l’Etat, déconfiner la France mi-décembre ne sera possible que si l’on passe sous la barre des 5.000 nouvelles contaminations quotidiennes et qu’il n’y a pas plus de 2.500 à 3.000 patients Covid en réanimation.
Une lumière au bout du tunnel ? Depuis le 28 novembre, le confinement s’est allégé dans l’hexagone avec la réouverture des commerces et la possibilité de se promener plus loin et plus longtemps que ce qui était autorisé jusqu’alors. Le « vrai » déconfinement, lui, est prévu pour le 15 décembre, si l’évolution de la situation sanitaire le permet. « Le 15 décembre, si nous sommes bien arrivés autour des 5.000 contaminations par jour et environ 2.500 à 3.000 personnes en réanimation, nous pourrons alors franchir un nouveau cap », annonçait le président de la République, lors de son allocution télévisée, le 24 novembre. Un nouveau cap qui prévoit la levée des restrictions de circulation et la réouverture des cinémas, musées et théâtres.
Mais cet objectif est-il atteignable d’ici moins de deux semaines ? Et pourquoi l’exécutif a-t-il choisi précisément ces objectifs chiffrés comme conditions pour le déconfinement ?
Pourquoi ce plafond de 5.000 contaminations quotidiennes a-t-il été fixé par l’exécutif ?
En posant ces chiffres comme objectif à atteindre en préambule à un déconfinement, il s’agit pour l’exécutif de faire baisser la circulation du virus à un niveau suffisamment faible pour que la stratégie du gouvernement « tester, tracer, isoler », aujourd’hui rebaptisée « tester, alerter, protéger », puisse être menée efficacement une fois le confinement levé. Le chef de l’Etat a suivi les préconisations du Conseil scientifique. Jean-François Delfraissy, son président, expliquait ainsi dès le mois d’octobre que ce chiffre de 5.000, était « la quantité de personnes contaminées chaque jour [qui rend atteignable] la seule stratégie que nous avons, qui est de tester, tracer, isoler ».
En clair, le traçage des cas contact, ou contact tracing, ne peut être efficace que lorsque le nombre de personnes à contacter est suffisamment faible pour que les « traceurs » de l’Assurance maladie ne soient pas dépassés. Et que ce contact tracing puisse permettre un dépistage le plus rapide possible, pour casser en amont les chaînes de transmission. Une rapidité compromise avant le confinement par l’engorgement des laboratoires et retrouvée avec la baisse de circulation du virus. « Avant on courait derrière l’épidémie, maintenant on a de l’avance », se réjouit Christian Collard, directeur général de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Au niveau national, 95 % des cas sont aujourd’hui investigués, contre seulement 78 % début novembre. Le trop faible nombre de cas contactés, associé à des délais de rendu des tests trop longs, avait contribué à rendre inefficace la stratégie « tester-tracer-isoler ».
Où en sont les nouvelles contaminations à ce jour ?
Le nombre de nouvelles contaminations a atteint son pic fin octobre, avec en moyenne près de 50.000 cas quotidiens. Le pic de patients Covid-19 hospitalisés en réanimation, lui, a été atteint mi-novembre avec plus de 4.900 patients. Logiquement, et c’était son but, le reconfinement a entraîné une baisse de circulation de la population, donc une baisse de la circulation du virus. Selon les chiffres publiés lundi soir par Santé publique France, 4.005 nouveaux cas de contamination avaient été enregistrés au cours des dernières 24 heures, dont 2.483 par test virologique RT-PCR et 1.522 par test antigénique. Toutefois, les données de début de semaine sont à tempérer puisqu’elles marquent toujours un creux, en raison d’un nombre inférieur de tests réalisés le dimanche. Mais « on se retrouve à une période où la maladie est fort heureusement en train de décroître sur le territoire », se réjouit le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses de l’Hôpital Henri-Mondor et expert à la Haute Autorité de santé (HAS). Ainsi, mardi, Santé publique France confirmait la baisse des nouvelles contaminations avec « 6.201 cas confirmés par RT-PCR ». Une baisse des chiffres qui s’observe également dans les services de réanimation, avec 3.594 malades du Covid-19 en réanimation ce mardi, contre 3.739 la veille.
Autre indicateur encourageant : l’épidémie est en net recul dans les régions où le virus circulait le plus au cœur cette deuxième vague. Ainsi, depuis le reconfinement fin octobre, le taux d’incidence du coronavirus – le nombre de cas pour 100.000 habitants – a chuté de plus de 90 % à Paris, indique Santé Publique France. Même recul épidémique observé dans les Alpes-Maritimes, alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes était l’une des plus touchées par le virus, il y a quelques semaines. Le taux de reproduction du virus, le « R », y est désormais de 0,56, confirmant la baisse des nouvelles contaminations.
Les objectifs fixés par le président sont-ils atteignables pour déconfiner mi-décembre ?
Selon une étude de modélisation dévoilée ce mardi par l’Institut Pasteur, l’objectif devrait être atteint au 15 décembre. « A partir des différents scénarios que nous considérons, on s’attend à ce que le nombre de lits de soins critiques occupés par des patients Covid-19 se situe entre 1.600 et 2.600 lits le 15 décembre », résume cette étude de modélisation. Les « soins critiques » regroupent l’ensemble des patients en service de réanimation au sens strict, en soins intensifs et en unité de surveillance continue. Dans l’hypothèse basse (1.600 patients), le nombre de contaminations continue à diminuer, avec un taux de reproduction (R) proche de son niveau actuel (0,8), et la durée des séjours en réanimation diminue, contribuant à « vider » plus vite ces services qui accueillent les patients les plus gravement atteints. A l’inverse, le haut de la fourchette (2.600 patients) se produirait si le taux de reproduction remontait à 1,1 à la suite de l’allégement du confinement depuis samedi et si la durée moyenne des séjours des patients augmentait à 17 jours (contre 14 actuellement), selon ces modélisations, utilisées par le Conseil scientifique, qui conseille le gouvernement sur la gestion de la crise sanitaire.
Concernant le critère du nombre de contaminations, « si on regarde le rythme de décroissance du nombre de personnes testées positives par RT-PCR, on s’attend à ce qu’on passe en dessous de la barre des 5.000 (…) dans la première moitié de décembre, sans doute plutôt entre le 9 et le 15 décembre », a indiqué Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur et coauteur de l’étude.