Coronavirus dans les Hautes-Alpes : Comment ce département rural est devenu un foyer actif de l’épidémie

EPIDEMIE Proche de l’épicentre de l’épidémie, le département des Hautes-Alpes, qui compte tout juste 140.000 habitants, enregistre des records de contaminations

Clara Martot
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Un village du massif des Ecrins, dans les Hautes-Alpes.
Un village du massif des Ecrins, dans les Hautes-Alpes. — Philippe Desmazes
  • Le département des Hautes-Alpes ne compte initialement que 8 lits de réanimation pour 140.000 habitants.
  • Ces dernières semaines, les hôpitaux publics ont été contraints d’élargir leurs capacités d’accueil.
  • Pour le moment, les autorités sanitaires et les collectivités n’expliquent pas cette hausse record de contaminations.

Lors de l’annonce du couvre-feu le 22 octobre dernier, le président du département des Hautes-Alpes confiait à 20 Minutes considérer cette mesure comme « indispensable ». Dès cette période, l’élu (DVD) Jean-Marie Bernard expliquait « suivre attentivement l’évolution de l'épidémie » qui était alors « mauvaise ». Trois semaines et un confinement national plus tard, tous les indicateurs se sont encore dégradés, et les chiffres communiqués par les autorités dépassent chaque jour de nouveaux records sur un territoire pourtant peu densément peuplé.

Dans le point hebdomadaire du 10 novembre de l’ARS (agence régionale de santé) Paca, les Hautes-Alpes enregistrent le taux d’incidence le plus important de la région. Pour 100.000 habitants de Gap, Briançon, Embrun ou des villages alentour, on compte aujourd’hui 674 nouvelles contaminations par semaine. Dans les Bouches-du-Rhône, ce chiffre est proche de la moyenne nationale avec 486 contaminations pour 100.000 habitants. Mais à la différence du département qui abrite la métropole marseillaise, les Hautes-Alpes ne comptent pas plus de 25 habitants par kilomètre carré, répartis sur des petites et moyennes communes de montagne.

Tripler les places en réanimation

Dès mi-octobre, la situation a contraint les services hospitaliers à augmenter rapidement et drastiquement leurs capacités d’accueil. « Durant la première vague, les hôpitaux publics ont comptabilisé 55 hospitalisations. Depuis mi-octobre, nous sommes déjà à 125 entrées. La situation continue à se dégrader et n’a plus rien à voir avec ce que nous avons connu au printemps » analyse Jean-Michel Orsatelli, directeur adjoint du Chicas (Centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud).

Afin d’accueillir les malades du Covid-19, les différents établissements ont réellement dû pousser les murs : de 8 lits de réanimation, tous regroupés à Gap, le département a élargi ses capacités à 29 places. Une manœuvre urgente et « nécessaire » à en croire Jean-Michel Orsatelli, puisque 21 lits sont déjà occupés. Et puisqu’il est vital de conserver toujours une marge de lits disponibles, plusieurs patients ont été transférés ces derniers jours vers les Alpes-Maritimes, soumises à une pression hospitalière légèrement inférieure. Parallèlement à ces transferts, toutes les opérations non urgentes ont été déprogrammées.

Région frontalière et clusters

La progression de l’épidémie dans les Hautes-Alpes est-elle due à la flambée qui touche la Savoie, département voisin et aujourd’hui foyer de l’épidémie ? « On pense aussi que nous avons eu une multiplication de clusters, notamment dans des établissements médicalisés mais aussi dans des entreprises, des salles de sport, des abattoirs… En réalité, on ne connaît pas la raison précise ayant mené à la situation actuelle » conclut Jean-Michel Orsatelli. Selon l’ARS Paca, 43 clusters sont identifiés dans le département. Contactée, la préfète des Hautes-Alpes Martine Clavel explique quant à elle que « la plupart des contaminations naissent dans l’univers familial, amical voire professionnel », sans pouvoir livrer davantage d’explications.

Au nord du département à Briançon, le maire (LR) Arnaud Murgia décrit, lui, un « paradoxe ». Souvent questionné ces derniers jours sur différentes hypothèses, il explique ne pas savoir quoi répondre : « ce qui reste étonnant, c’est que nous avons été moins touchés par la première vague alors qu’elle était advenue juste après la saison de ski, et que nous étions à 12 kilomètres du pays le plus touché en Europe, l’Italie. »

Jusqu’au village

Les chiffres concernant cette commune de 20.000 habitants sont aujourd’hui sans commune mesure avec ceux du printemps. Entre mars et juin, on y enregistrait 20 décès toutes causes confondues. Sur les trois dernières semaines, les pompes funèbres en comptabilisent 35. L’épidémie n’épargne pas non plus les villages, comme le rapporte La Provence depuis la petite localité de Sorbiers près de la Drôme, qui compte 14 malades sur ses 50 habitants….

Du nord au sud du département des Hautes-Alpes, la flambée de l’épidémie pose la question de la capacité d’accueil hospitalière. Aujourd’hui poussée dans ses retranchements, pourra-t-elle être maintenue à ce niveau sur le long terme ? L’exemple de Briançon est particulièrement criant : en 2016, le service réanimation de la ville avait totalement fermé, non sans protestations du personnel. Ces dernières semaines, 8 lits y ont été rouverts.