Coronavirus : Le conseil scientifique dresse un « constat d’échec » du dispositif actuel de « quatorzaine »
EPIDEMIE Actuellement, la période d’isolement des personnes contaminées par le coronavirus ou ayant été en contact prolongé avec une personne infectée est de 14 jours
Trop peu respecté, trop long… Le conseil scientifique a dressé, ce mercredi, un « constat d’échec » du dispositif de « quatorzaine » pour lutter contre le coronavirus, recommandant de « réviser la stratégie française ».
« Aujourd’hui peu de gens s’isolent » et cela « fragilise notre capacité à maîtriser les chaînes de contamination » du coronavirus, a regretté Laëtitia Atlani, anthropologue et membre du conseil scientifique.
Raccourcir pour mieux la faire accepter
Cette instance chargée de conseiller l’exécutif dans sa gestion de l’épidémie a remis la semaine dernière au gouvernement un avis favorable pour écourter à sept jours, contre 14 actuellement, la période d’isolement des personnes contaminées par le nouveau coronavirus ou ayant été en contact prolongé avec une personne infectée. Le ministre de la Santé Olivier Véran avait sollicité l’avis du conseil scientifique, considérant que la période de 14 jours était « trop longue » au vu des connaissances actuelles sur les modalités de contamination, et qu’une durée plus courte serait davantage appliquée par la population.
La décision doit être entérinée vendredi au cours d’un conseil de défense. Dans son avis, mis en ligne mercredi après-midi, l’organe consultatif estime toutefois qu’il faudra plus que le simple raccourcissement de la « quatorzaine » pour mieux la faire accepter. « On peut faire plusieurs constats d’échecs » dans le dispositif actuel, a déclaré Laëtitia Atlani, évoquant en premier lieu « une augmentation du refus et du non-respect des mesures d’isolement ».
« Il faut s’isoler dès les signes de suspicion clinique »
S’il n’existe pas de « données disponibles précises sur les conditions et le suivi de l’isolement des cas », une enquête récente de la direction générale de la Santé (DGS) auprès des agences régionales de santé (ARS) « montre très clairement » ce manque d’adhésion de la population, selon la directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Les raisons invoquées : « La méconnaissance ou le refus du principe de l’isolement, en particulier chez les patients asymptomatiques », « les pressions liées à l’emploi », « le refus d’un dispositif contraignant » ou encore la « crainte d’une ingérence des services de l’Etat dans la vie privée ».
Le conseil scientifique déplore aussi un manque de communication auprès du grand public sur les critères exacts de l’isolement et sur ses modalités. « Nos concitoyens ont (…) l’idée qu’ils s’isolent quand ils ont un test positif. C’est presque trop tard : il faut s’isoler (…) dès les signes de suspicion clinique, (…) il ne faut pas attendre le résultat du test. » Le conseil constate aussi que la mise en œuvre de la stratégie d’isolement n’a pas bénéficié d’un cahier des charges précis ou d’un budget dédié à l’échelle nationale, faisant reposer l’organisation et le financement sur les collectivités locales. Ce qui s’est traduit par « une très forte hétérogénéité de la réponse selon les territoires », observe Laëtitia Atlani.
Des compensations pour les salariés
C’est notamment une raison de l'« échec relatif » des résidences dédiées où étaient censées être mises en « quatorzaine » les personnes ne pouvant s’isoler dans leur logement (pas de chambre individuelle, etc.) Aussi, le conseil scientifique recommande de faire désormais des résidences dédiées l’exception, et de privilégier la mise à l’abri au domicile, « même si cela implique l’isolement de toute la famille ». Mais dans le même temps, il estime qu’il faudrait supprimer le « délai de carence » pour les salariés en arrêt de travail pour ce motif, « une prime de compensation de perte de revenus pour les professions indépendantes » et « un service de prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales, etc.) si nécessaire ».
« L’isolement n’empêche pas, quand l’activité le permet, de télétravailler en l’absence de symptômes », a aussi précisé Laëtitia Atlani. Dans un premier temps, le conseil scientifique privilégie de « s’appuyer sur l’adhésion citoyenne », en renforçant l’information sur le protocole à suivre mais sans mesures coercitives pour faire respecter cette période de mise à l’écart. Mais « sans exclure que si la situation sanitaire le nécessitait, en particulier dans certaines régions, on puisse passer (…) à une situation de contrainte », a averti Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique.