Déconfinement : Comment gérer les nouveaux clusters et éviter une deuxième vague (et un reconfinement) ?

CORONAVIRUS Après l’apparition ces derniers jours de quatre clusters, la question de la gestion des nouveaux foyers de contamination se pose alors que la France est déconfinée

Anissa Boumediene
Le dépistage précoce reste un élément déterminant pour éviter une deuxième vague de coronavirus.
Le dépistage précoce reste un élément déterminant pour éviter une deuxième vague de coronavirus. — Angela Weiss / AFP
  • La semaine dernière, quatre nouveaux clusters ont été identifiés.
  • Tous sont apparus avant le déconfinement, et trois d’entre eux sont dans des départements classés verts, où le coronavirus circule peu.
  • Ces nouveaux foyers épidémiques font craindre une deuxième vague et un possible reconfinement.

On y est. Depuis ce lundi, la France est enfin déconfinée. Les usagers ont repris les transports en commun pour retourner au travail. Les commerces ont rouvert leurs portes, et instituteurs et enfants ont pour partie fait leur rentrée ce mardi. Les chanceux des départements classés verts, eux, ont redécouvert les joies des balades dans les parcs et forêts, et les Parisiens ont regoûté aux joies des apéros sur les bords du canal Saint-Martin (avant de s’en faire déloger par la police). Mais l’heure n’est pas pour autant à l’insouciance dans ce « monde d’après », et quelques indices nous rappellent à la réalité. Visages masqués, bars, restaurants et cinémas fermés et rues commerçantes encore bien clairsemées sont là pour nous signaler que l’épidémie de coronavirus est loin d’être derrière nous.

La semaine dernière, avant même le début du déconfinement, quatre nouveaux clusters, ou foyers de contamination, ont été identifiés. Deux en Nouvelle-Aquitaine et un en Vendée, en zone verte, et un à Clamart, en Ile-de-France, classée en rouge. Plusieurs personnes, dont certaines asymptomatiques, ont ainsi été testées positives au Covid-19. La France suit-elle le même chemin que l’Allemagne et la Corée du Sud, qui recensent aujourd’hui une augmentation inquiétante du nombre de nouveaux cas de Covid-19 ? Comment les autorités sanitaires vont-elles gérer l’émergence de nouveaux clusters ? Une deuxième vague et un reconfinement sont-ils possibles ?

Attention au « relâchement »

En Dordogne après des obsèques, dans un collège de la Vienne après une réunion préparatoire de rentrée, ou en Vendée dans un abattoir, ces trois nouveaux clusters sont apparus dans des territoires où le virus circule peu. Ce qui fait craindre une forte augmentation des nouvelles contaminations, alors que les Françaises et Français peuvent de nouveau circuler plus librement. Les autorités sanitaires le rappellent : personne ne doit oublier la menace que représente le coronavirus. « Il ne faudrait surtout pas que dans la tête de certaines personnes, ce déconfinement amène à un relâchement », a insisté le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, Michel Laforcade, qui pointe « une forme de relâchement dans l’univers familial et dans l’univers professionnel, qui fait que les mesures barrières n’ont pas été respectées ».

Même constat au ministère de la Santé. « Le virus continue de circuler, il peut y avoir un réflexe de gens qui aspirent à retrouver une forme de liberté et la vie la plus normale possible, et c’est un piège, pour elles et pour les personnes autour d’elles, a averti ce mardi le ministre de la Santé, Olivier Véran. Si nous ne respectons pas correctement les mesures de distanciation, les gestes barrières, alors le virus repartira (…). Et si le virus doit repartir, nous serons obligés de mettre en place de nouvelles contraintes pour protéger les Français ».

« Un reconfinement en urgence doit être anticipé »

En pratique, « un reconfinement en urgence doit être anticipé », prévient dans son rapport sur le déconfinement, publié ce lundi, le haut fonctionnaire Jean Castex, rappelant qu’à ce jour, « en l’absence, à brève échéance, de vaccin ou de solution curative, la population française demeure vulnérable à une reprise de l’épidémie », souligne-t-il.

Dans ce rapport de 68 pages, le M. déconfinement du gouvernement insiste sur le « niveau très élevé de vigilance » qui doit être observé dans cette première étape. Ainsi, en cas de résurgence de l’épidémie, « la possibilité d’une réversibilité des mesures doit ainsi toujours pouvoir être offerte et l’éventualité d’un reconfinement en urgence doit rester dans les esprits et être anticipée par les pouvoirs publics », exhorte-t-il.

« Recours massif au télétravail au moins jusqu’à fin du mois de juin », « désarmement » très « progressif » des lits de réanimation à l’hôpital, ou encore possibilité accordée aux préfets de « rétablir localement des limitations » de déplacement à tout moment et fermeture des frontières extérieures de l’espace Schengen comptent parmi les recommandations édictées dans ce rapport. Jean Castex insiste évidemment sur « l’implication » des Français qui « respecteront les gestes barrières et les mesures de distanciation, se mobiliseront pour fabriquer des masques et s’appliqueront à les porter le plus possible » pour éviter toute reprise de l’épidémie.

Vers une deuxième vague ?

Les nouveaux clusters vont-ils se multiplier ? Et nous mener vers une deuxième vague ? Pas forcément. La détection de ces nouveaux foyers de contamination est au contraire le signe d’une présence plus faible du virus sur le territoire, ce qui les rend plus faciles à détecter lorsqu’ils émergent. Le dernier cluster en date a ainsi été identifié en fin de semaine dernière dans un foyer de jeunes travailleurs à Clamart (Hauts-de-Seine), après qu’un agent a commencé à développer les symptômes du Covid-19.

« L’un des salariés de l’établissement, craignant de le contracter à son tour, m’a consulté, et comme je fais partie du centre Covid-19 de Clamart, un dépistage de l’ensemble des salariés, puis des résidents, a été organisé », explique à 20 Minutes le Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste à Clamart et président de la Fédération de médecins de France (FMF). Les résultats d’une partie des résidents testés sont encore attendus, mais déjà « neuf cas positifs ont été détectés, poursuit le Dr Hamon. Et tous les résidents testés positifs, qui sont de jeunes hommes d’une petite vingtaine d’années, ont la particularité d’être asymptomatique : aucun n’a développé les signes de la maladie. C’est d’ailleurs assez difficile à croire pour eux, mais tous ont été confinés en chambre pour éviter que le virus ne continue de circuler. Et une équipe de l’ARS d’Ile-de-France se rend sur place pour identifier les éventuels cas contacts ».

Identifier, dépister et isoler pour éviter une deuxième vague

Pour éviter d’en arriver au reconfinement, la rapidité de réaction doit être de mise. « Il faut identifier, dépister et isoler le plus rapidement possible tous les nouveaux cas, insiste le Dr Jean-Paul Hamon. C’est notre rôle à nous, les médecins généralistes, de participer à ce processus en trois étapes, et de déclarer les nouveaux cas sur le site du service médical de l’Assurance maladie, qui est soumis au respect du secret médical, et qui va ensuite piloter les enquêtes pour identifier les éventuels cas contacts et leur indiquer la marche à suivre pour endiguer la propagation du virus ». Ainsi, si pour le généraliste, « un plan de reconfinement est un scénario à ne pas exclure, cette capacité à identifier, tester et confiner rapidement les nouveaux clusters constitue la meilleure arme contre une deuxième vague et un reconfinement ».

C’est d’ailleurs cette détection précoce des foyers de contamination qui a protégé la Bretagne. La région, qui a pourtant connu deux « clusters » au tout début de l’épidémie française de Covid-19, est l’une des moins touchées par la mortalité. « Les leçons que l’on peut retenir concernant le contrôle rapide des quelques clusters qu’on a eus en Bretagne, c’est l’importance de la précocité de la détection », a commenté le Pr Pierre Tattevin, chef de service des maladies infectieuses au CHU de Rennes lors d’une conférence de presse.

Pour l’infectiologue, cette expérience pourra être utile en cas de reprise de l’épidémie dans l’Hexagone. Surtout « si on utilise largement les tests, on ne ratera pas des épidémies qui démarrent ». D’autant qu’à ce jour, « on connaît mieux la maladie et les gens sont plus alertés, rassure-t-il. Ce sera plus facile qu’en février ». Pour le Dr Jean-Paul Hamon, « il va falloir observer les quinze prochains jours avec une grande attention ».