VIDEO. Coronavirus : La crise sanitaire peut-elle rendre plus visible la colère des hospitaliers ?
POLITIQUE A l'occasion de la visite surprise ce jeudi matin d'Emmanuel Macron à l'hôpital La Pitié-Salpétrière, des médecins l'ont interpellé sur la crise à l'hôpital
- Jeudi matin, Emmanuel Macron et Olivier Véran, ministre de la Santé, ont rencontré des soignants de l’hôpital de La Pitié, où est morte la première victime du coronavirus.
- Venant saluer le travail des soignants, le président a été interpellé sur le manque de moyens de l’hôpital public alors que des paramédicaux et médecins sont en grève depuis presque un an.
- Le président s’est engagé à recevoir le collectif Inter-Hôpitaux avant la fin mars et a assuré qu’il avait entendu le malaise.
« Je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi », a assuré Emmanuel Macron ce jeudi matin, lors d’une visite à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Hôpital parisien où le premier Français est décédé du coronavirus dans la nuit de mardi à mercredi. Le président, accompagné de son nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, a longuement échangé avec des soignants du service mobilisés pour lutter contre ce nouveau virus. Mais lors de cette rencontre, il a aussi été question des moyens insuffisants de l’hôpital public.
Suivez avec nous les événements de ce jeudi 27 février sur le front du coronavirus…
En effet, depuis presque un an, certains paramédicaux, rejoints par des médecins de touts les services des hôpitaux poursuivent une grève. Après deux manifestations, la dernière le 14 février, la colère n’est pas totalement retombée. La preuve en est, cet échange un peu brusque entre Emmanuel Macron et François Salachas, neurologue mais également membre du collectif Inter-Hôpitaux, qui s’est monté à l’occasion de cette mobilisation. Ce médecin l’a interpellé : « sans injection de moyens rapides, nous ne pourrons pas faire face à ce type de crise », assurant que c’est « le moment opportun pour le président de la République d’agir ». « Je ne suis pas dans le déni (…) Je sais que vous avez le sentiment que ça ne va pas assez vite (…) et ce que vous vivez justifie qu’on continue à aller plus vite et plus fort, donc je serai au rendez-vous », a répondu le président.
« Un hôpital fragilisé » face à un nouveau coup de boutoir
« Il y a des mesures d’urgence qui ont été prises à plusieurs reprises », a poursuivi Emmanuel Macron, rappelant que son gouvernement a dévoilé en 2019 trois plans pour les urgences, puis l’hôpital public. « Elles ne sont, je vous entends, sans doute pas à la hauteur de la crise et de la pression qui est sur l’hôpital public, en particulier sur l’AP-HP ». François Salachas, joint par 20 Minutes, va plus loin dans ce constat inquiétant. « Les moyens nécessaires à un changement rapide et perceptible de la situation n’ont pas été mis en œuvre. Nous n’avions déjà pas le temps d’attendre, mais encore moins à la lumière de la crise sanitaire qui s’annonce. » Et ce porte-parole du collectif ose un parallèle nuancé : « de la même façon qu’on décède plus facilement du coronavirus quand on est un patient fragilisé par une autre maladie, pour un l’hôpital public, fragilisé par le manque de financement depuis dix ans, le risque est plus grand de ne pas pouvoir faire face à un nouveau coup de boutoir comme cette épidémie ».
En effet, les hôpitaux publics sont déjà et seront encore davantage en première ligne si le coronavirus devient une épidémie d’ampleur. « J’étais de garde cette nuit, à 22h, il faut évacuer la réanimation de l’hôpital de Creil, le service public est debout pour trouver de la place pour hospitaliser les patients, un à la Pitié et deux à Bichat, c’est ça la grandeur de la France », témoigne Patrick Pelloux, urgentiste et président de l 'Association des médecins urgentistes de France (AMUF).
Cette visite a en tout cas donné l’opportunité à une poignée de soignants d’attirer l’attention du président sur un hôpital public à bout de souffle. « Je l’ai mis en position de décideur et lui ai parlé de Kairos, du moment opportun, raconte le neurologue. Quand il nous a expliqué qu’il n’était pas responsable de l’ensemble de la situation, j’ai répondu par une analogie : « quand il y a le feu, il faut l’éteindre et pas dire que ça couvait depuis longtemps ». »
Une rencontre avec le Président d’ici la fin mars
Signe qu’Emmanuel Macron prend au sérieux ces appels à l’aide, il a accepté, aux côtés de son ministre de la Santé, de recevoir le collectif, une opportunité que ces médecins mobilisés depuis cinq mois espéraient de longue date… « Rendez-vous est pris pour fin mars au plus tard », confirme Français Salachas, qui voit ce rendez-vous avec le chef de l’Etat comme une « première étape ». Le président a en effet adoubé en direct devant les caméras le collectif. Alors que ce mouvement de colère reste peu visible du grand public, étant donné que ces soignants sont assignés et continuent à recevoir et traiter les patients.
Que demande précisément le collectif Inter-Hôpitaux ? « Il faut que les moyens financiers pour embaucher soient disponibles immédiatement pour répondre à la première urgence de l’hôpital public : embaucher des paramédicaux pour inverser la spirale actuelle de fermeture de lits. Et pouvoir être en ordre de bataille si l’épidémie de coronavirus prend de l’ampleur avec le degré d’incertitude qui existe aujourd’hui. Pour l’instant, dans ce qui nous a été dit, rien n’est opérationnel. » En effet, depuis plusieurs mois, certains paramédicaux et médecins quittent le public, demandant une hausse de salaire sans succès. « Un collectif de médecins qui se bat pour l’augmentation de la rémunération des paramédicaux, c’est inédit, et cela prouve qu’il y a le feu », résume le neurologue.
Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), se montre plus sceptique. « Certes, cette crise sanitaire va rendre visible la situation de l’hôpital public. Il y a une épidémie qui va traverser la France, le président l’a dit et tout le monde salue l’hôpital public. Mais il faut peut-être nous donner les moyens de travailler ! Cette visite ne changera rien. Le président est venu pour rassurer les Français et pour les photos. Est-ce que pour autant il parle d’augmenter les salaires ? »
De son côté, Mireille Stivala secrétaire générale de la CGT-santé, attend «l'ouverture de négociations concrètes» et que les représentants des salariés élus soient conviés à cette rencontre. Ce jeudi, à 16 h 30, le syndicat Sud Santé s’est félicité dans un communiqué que le Conseil de Surveillance de l’AP-HP soit convoqué vendredi à 16 h. Une séance « exclusivement dédiée à la crise traversée par l’institution ». Un signe supplémentaire que le vent tourne depuis le coronavirus ?