Cancers à Sainte-Pazanne : « Les enfants décédés ne ressusciteront pas, mais il faut que ça bouge pour les autres »

INTERVIEW Marie Thibaud, présidente du collectif Stop aux cancers de nos enfants, participera à la réunion publique prévue à Sainte-Pazanne ce lundi soir

Propos recueillis par Julie Urbach
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Marie Thibaud, présidente du collectif Stop aux cancers de nos enfants.
Marie Thibaud, présidente du collectif Stop aux cancers de nos enfants. — S.Salom-Gomis/AFP
  • L'étude épidémiologique portée par Santé Publique France n'a pas permis d'identifier de cause commune aux cas groupés de cancers détectés dans le secteur de Sainte-Pazanne.
  • Marie Thibaud déplore l'arrêt des recherches et demande que soient effectués des prélèvements environnementaux, une démarche que pourrait prochainement mener le collectif de parents qu'elle préside.

En mars, un collectif de familles de la commune de Sainte-Pazanne (Loire-Atlantique) s’inquiétait de la multiplication de cancers chez les enfants du secteur. Après le lancement d’une étude épidémiologique, Santé publique France n’a finalement trouvé « aucune cause commune » et a annoncé, il y a quelques jours, l’arrêt des investigations pour en comprendre les causes. Une annonce qui ne satisfait pas Marie Thibaud, maman d’un petit garçon en rémission et présidente du collectif Stop aux cancers de nos enfants. Elle se confie à 20 Minutes alors qu’une réunion publique doit se tenir ce lundi soir à 19h Sainte-Pazanne.

Comment recevez-vous les conclusions de l’étude ?

Il faut d’abord noter que Santé Publique France a bien validé qu’ici, et c’est désormais clair et net, il y a davantage de cas de cancers d’enfants qu’ailleurs. Cela a été confirmé alors que pour des raisons méthodologiques, l’étude n’a retenu que 11 enfants sur les 20 que nous avons comptabilisés (dont trois nouveaux cas ces derniers mois), vous imaginez ? On a donc une équation qui ne fonctionne pas : il y a bien un cluster de cancers… mais on arrête tout !

Vous dénoncez la méthodologie employée…

Nous avons été très déçus à la réception des questionnaires envoyés aux familles concernées : il s’agissait de questions très larges, sans évoquer l’alimentation, les perturbateurs endocriniens ou encore les produits cosmétiques que nous utilisons sur nous ou nos enfants, par exemple. Chaque famille a rajouté des tas de choses au sujet de son mode de vie, mais rien n’a été pris en compte.

En parallèle, l’ARS s’est intéressée au radon, aux lignes à haute tension près de l’école ou encore à l’ancienne usine de traitement du bois mais pour «lever des doutes» et non pour rechercher les causes des cancers. De nouvelles mesures doivent être effectuées dans les prochains mois, car certaines valeurs ont déjà été jugées élevées.

Que faudrait-il faire, selon vous ?

Il faut enfin aller sur le terrain et faire des prélèvements environnementaux. S’intéresser aux potentiels forages qui ont pu avoir lieu dans les carrières, regarder le type d’agriculture qui s’est pratiquée ces dernières années dans les champs qui entourent nos maisons, déterminer s’il y a eu d’éventuels déversements dans l’eau…

Aujourd’hui on nous dit qu’il n’y a pas assez de littérature scientifique pour expliquer ce qu’il se passe, mais si on ne cherche pas, on ne pourra jamais la créer et rien n’avancera ! Quand je vois la force des enfants malades que je croise au CHU de Nantes, je me dis que si les autorités avaient un soupçon du courage qu’ils ont, on n’en serait pas là aujourd’hui. Les [trois] enfants décédés ne ressusciteront pas. Mais il faut que la situation bouge pour les autres.

Le collectif va donc mener ses propres analyses…

Oui, nous avons lancé une cagnotte car Santé publique France nous avait prévenus que dans 99 % des cas, ils ne trouvent rien. Avec déjà 12.000 euros récoltés grâce à la solidarité des gens, nous souhaitons donc réaliser en décembre plusieurs prélèvements dans l’eau, le sol et l’air. Mais la démarche est coûteuse et on espère que l’État, après la réunion publique de ce soir, va comprendre qu’il faut que ça bouge, ici et dans les autres clusters de cancers pédiatriques en France.

On entend parler de la Normandie et du Haut-Jura, mais il y en a d’autres ailleurs en France, avec qui nous sommes en lien. Si on étudiait mieux tous ces territoires, en croisant les données, peut être que l’on s’apercevrait de choses communes. Je ne dis pas ça pour faire peur mais pour que ça avance.