Octobre rose : Comment améliorer à l’avenir le dépistage du cancer du sein ?

MOBILISATION La Société française de sénologie et de pathologie mammaire liste certaines pistes qui pourraient révolutionner le dépistage du cancer du sein, alors que le programme de dépistage organisé ne convainc pas

Oihana Gabriel
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Lille, le 10 octobre 2017. A l'occasion d'octobre rose, journee de la lutte contre le cancer du sein, les commercants du centre ville et l'ecole ESMOD ont pare la deesse d'un soutien gorge rose.
Lille, le 10 octobre 2017. A l'occasion d'octobre rose, journee de la lutte contre le cancer du sein, les commercants du centre ville et l'ecole ESMOD ont pare la deesse d'un soutien gorge rose. — M.Libert/20 Minutes
  • Ce mardi débute Octobre rose, mois de sensibilisation sur le cancer du sein.
  • La Société française de sénologie et de pathologie mammaire va se pencher sur le dépistage, ses lacunes et les améliorations possibles.
  • Comment les progrès technologiques, un dépistage plus individualisé et les tests génétiques pourraient-ils transformer le dépistage du premier cancer féminin ? 20 Minutes fait le point.

En 2018, 58.459 Françaises ont découvert qu’elles souffraient d’un cancer du sein​. Et en 2030 ? La Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), réunie en congrès début novembre à Marseille, s’adonnera à un exercice de haute voltige : imaginer comment, d’ici à dix ans, la prévention et les traitements du cancer du sein auront évolué, à une époque où la révolution technologique et les réflexions éthiques bouleversent les repères. « Il n’y a pas de remède miracle ou de prédiction unique », prévient Brigitte Seradour, radiologue à l’hôpital Beauregard à Marseille. Qui assure que la France pourrait faire mieux sur le front du dépistage du premier cancer féminin. A l’occasion du lancement d'Octobre rose, campagne d’information sur cette pathologie touchant une femme sur huit en France, 20 Minutes se penche sur la question.

Depuis 2004, un programme de dépistage gratuit a été généralisé pour toutes les femmes de 50 à 74 ans. Mais en 2019, les résultats sont bien maigres : moins d’une femme sur deux de cette tranche d’âge seulement participe à ce programme. Méfiance, manque de temps ou mauvaise communication, les raisons en sont multiples. Autre grief :  ce programme automatique provoquerait des surdiagnostics, comprendre des pathologies qui, sans traitement, n’auraient pas provoqué le décès de la patiente. Pour améliorer ce dépistage, qui ne concerne pas les femmes jeunes, la Société française de sénologie et de pathologie mammaire décline plusieurs pistes.

Comment les progrès technologiques pourraient-ils changer la donne ?

« Il y a un travail de communication à mener auprès du grand public », introduit Brigitte Seradour. Mais ce préalable ne suffira pas. Il existe, selon cette experte du dépistage à la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, deux axes à privilégier dès cette année. Tout d’abord, la technologie pourrait révolutionner le dépistage. Notamment en s’appuyant   sur les progrès de l’intelligence artificielle. L’IA pourrait permettre d’avoir des clichés plus précis ou de mieux mesurer la densité du sein. Les femmes qui ont des seins « denses », où il y a plus de tissu glandulaire que de graisse, ont en effet davantage de risque de développer une tumeur, qui de surcroît sera plus difficile à détecter lors de la mammographie.

Autre possibilité, une aide à la lecture des radios. Car des algorithmes entraînés sur des millions de clichés pourraient sélectionner les mammographies suspectes. Et ainsi faire gagner du temps aux radiologues. « Au point d’imaginer qu’un jour, une seule lecture de la radio serait suffisante, contre deux aujourd’hui », avance Brigitte Seradour. Le congrès se penchera sur une autre piste : la possibilité, à l’avenir, de rechercher par une simple prise de sang les mutations de l’ADN. Le but : éviter aux patientes de passer des mammographies, dont les irradiations peuvent être dangereuses pour la santé. « C’est une voie très prometteuse, car on peut reproduire ce dépistage par prise de sang facilement », reprend la radiologue.

Faut-il individualiser le dépistage ?

Deuxième axe, individualiser le dépistage. Une solution que beaucoup de spécialistes du cancer du sang prônent. Aujourd’hui, le programme organisé s’adresse à toutes les femmes de 50 à 74 ans sans distinction. Les femmes jeunes, qui ne sont pas épargnées par ce cancer, ne sont pas totalement oubliées. Depuis le 1er janvier 2018, une consultation est proposée aux femmes de 25 ans pour évoquer avec elles les risques de cancers du sein et du col de l’utérus. Mais on peut imaginer qu’un dépistage plus ciblé sur le risque individuel serait plus efficace.

Ainsi, une femme de 40 ans ayant de nombreux antécédents familiaux se verrait prescrire une mammographie chaque année, quand une autre de 65 ans, qui présente peu de risques, n’en ferait que tous les quatre ans. Une étude européenne pilotée par la cancérologue à Gustave Roussy Suzette Delaloge va suivre 85.000 patientes pour comparer le programme de dépistage actuel à un autre dispositif s’appuyant sur des données génétiques individuelles. Ce projet devrait dire si ce dépistage est meilleur en termes d’efficacité, d’impact psychologique et économique que celui organisé actuellement. Mais il faudra attendre sept ou huit ans avant d’avoir les résultats. Et il faudrait alors que les patientes soient particulièrement bien informées. « Car si on fait un dépistage à la carte, cela peut être compliqué pour le grand public de savoir quand faire la mammographie », avertit Brigitte Seradour.

Faut-il élargir les tests génétiques ?

Un troisième élément se mêle à la question du dépistage : l’engouement pour les tests génétiques. Aujourd’hui, en France, certaines patientes qui souffrent d’un cancer du sein peuvent faire un test qui explorera en tout treize gènes. Des pratiques qui ne visent pour le moment que les familles à très haut risque de cancer. Or, élargir ces tests génétiques mérite un débat et quelques précautions.

En effet, n’importe qui peut aujourd’hui se procurer des tests génétiques sur Internet, qui promettent pour certains des révélations étonnantes. « On parle beaucoup des tests récréatifs, par exemple pour avoir accès à ses origines. Mais certains mélangent le récréatif et le médical, regrette Catherine Nogues, onco-généticienne à l’Institut Paoli-Calmettes, à Marseille. On commence à voir arriver en consultation des patients qui ont fait des tests génétiques sur des pathologies, avec des résultats incompréhensibles et pas toujours fiables, et qui les inquiètent inutilement. » Pour Catherine Nogues, il est donc urgent de mener des études pilotes pour « mieux appréhender les bénéfices médicaux, les conséquences psychologiques et les enjeux sociétaux » de ces tests avant de les généraliser.