Cancers : Pourquoi y a-t-il une telle surmortalité chez les habitants de Saint-Nazaire ?
ETUDE Les résultats du diagnostic sur la situation de l'état de santé du bassin nazairien, dévoilés mardi, montrent plusieurs indicateurs sanitaires « défavorables »
- A Saint-Nazaire, il a été constaté une surmortalité de 28% (par rapport à la moyenne nationale) chez les habitants de 65 ans, et de trop nombreux cas de cancers.
- Les causes sont multiples expliquent les autorités sanitaires, qui mettent surtout en avant l'alcool et le tabac sans nier le possible risque environnemental lié à l'activité industrielle.
Le sous-préfet de Saint-Nazaire, Michel Bergue, n’y va pas par quatre chemins. Les chiffres qu’il a dévoilés mardi après-midi aux élus, associations et industriels du bassin nazairien, lors d’une réunion organisée spécialement pour l’occasion, sont « anxiogènes » pour certains, voire « alarmants » pour d’autres. Si l’état de santé des habitants du territoire de la Carene ne s’aggrave pas, il reste encore largement en dessous de la moyenne nationale et du reste de la Loire-Atlantique. Un certain nombre d’indicateurs de santé sont même jugés « défavorables » par les autorités sanitaires : à Saint-Nazaire et dans sa région, on meurt davantage, et plus jeune.
Les résultats des deux enquêtes diligentées par l’ARS et l’ORS (les agences et observatoire régionaux de santé) présentées mardi ont donc confirmé les craintes. Sur les 22 communes de l’agglomération nazairienne étudiées en 2018, il a été constaté une surmortalité de 28 % (par rapport à la moyenne nationale) chez les habitants de 65 ans. Un chiffre qui monte même à 38 % chez les hommes de cette même tranche d’âge. « Ils sont davantage touchés par le cancer, notamment celui du poumon, note le sous-préfet. On observe aussi un surnombre de maladies cardio-vasculaires et respiratoires ». Selon les observations du registre des tumeurs Loire-Atlantique Vendée, les communes de Saint-Nazaire, Trignac et Donges sont particulièrement à risques. Et pour les femmes, il n’y a pas plus de cancer du sein qu’ailleurs.
Tabac, alcool… et pollution ?
Alors que plusieurs associations environnementales s’inquiètent de la qualité de l’air sur ce territoire où prospèrent les activités industrielles (Airbus, Total, Chantiers de l'Atlantique, etc.), comment expliquer ce triste constat ? Les services de l’Etat, qui ont promis « toute la transparence » autour de cette question, avaient du mal à y répondre, mardi. « Nous n’avons pas déterminé une cause précise, prévient d’emblée Nicolas Durand, directeur adjoint de l’ARS des Pays de la Loire. Mais nous connaissons celles qui sont dites évitables, et sur lesquelles nous pouvons agir sans attendre : il s’agit des addictions au tabac, à l’alcool ou au cannabis, qui multiplient le risque de développer un cancer. »
L’amiante, l’exposition professionnelle, les rejets de polluants non loin des habitations, posent aussi évidemment question. Mais les autorités, qui ne nient pas ce risque environnemental, peinent à le mesurer. A tel point qu’il a été demandé à Santé Publique France « d’étudier la possibilité de lancer une étude épidémiologique qui évaluerait la part de la pollution atmosphérique dans ces pathologies », comme le réclameune pétition signée par 2.000 personnes.
Jusqu’à présent, seules les valeurs limites réglementaires des polluants sont contrôlées dans l’air. « Les dernières mesures auprès des principaux industriels ne montrent pas de risque particulier vis-à-vis de la population », assure-t-on à la Dreal. Avant d’admettre qu’il convenait de « renforcer la connaissance sur la qualité de l’air ambiant, en multipliant les points de mesure et les types de polluants recherchés ». Selon l’organisme Air Pays de Loire, la qualité de l’air à Saint-Nazaire en 2018 était moyenne à mauvaise environ 20 % des jours de l’année. Pas pire qu’à Nantes.
Renforcer la prévention
En attendant, les services de l’Etat espèrent que les campagnes de prévention, qu’ils vont renforcer grâce à « un contrat local de santé » dans les communes concernées, permettront de réduire les comportements à risques. Car en plus des cancers liés à la consommation de tabac ou d’alcool, Saint-Nazaire présente de mauvais chiffres en matière de suicides et d’accidents de la vie courante. D’autres études sont évoquées afin d’affiner les constats.
La préfecture assure aussi que la surveillance des sites industriels, incités à mettre en place les meilleures techniques disponibles au plan européen sur les installations, va s’accroître, tout comme le recensement des sols pollués. « La raffinerie Total va investir plus de 25 millions d’euros pour réduire de 30 % les émissions totales de la raffinerie d’ici fin 2023 », indique la préfecture.