Guadeloupe: Un an et demi après l'incendie de ses locaux, le CHU sature

GREVE Le personnel hospitalier a débuté une grève générale le 23 juillet pour dénoncer les conditions de travail déplorables

Sélène Agape
— 
Plusieurs services du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe ont dû être délocalisés à la suite d'un incendie en novembre 2017.
Plusieurs services du centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe ont dû être délocalisés à la suite d'un incendie en novembre 2017. — Helene Valenzuela / AFP
  • Le Centre hospitalier universitaire de Guadeloupe a été touché par un incendie le 28 novembre 2017.
  • Locaux vétustes, manque de moyens humains et matériels… Exténué, le personnel du CHU s'est mis en grève le 23 juillet. Jeudi, plusieurs milliers de Guadeloupéens ont défilé dans les rues pour soutenir les grévistes.
  • Des négociations sont en cours entre la direction, les autorités sanitaires et les organisations syndicales pour parvenir à un accord.

Enfants, jeunes, personnes âgées… Des milliers de personnes ont envahi les rues de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, jeudi, pour clamer leur soutien aux personnels soignants du CHU de l’île en grève. Victime d'un incendie majeur – d’origine humaine – le 28 novembre 2017, l’établissement a vu partir en fumée 4 blocs opératoires et les services des urgences, la réanimation et la maternité. Son fonctionnement reste depuis perturbé.

Un élan populaire peu surprenant puisque 8 Guadeloupéens sur 10 (82 %) sont en faveur du mouvement social, indique un sondage Qualistat. De plus, plusieurs cas de décès suspects ont été enregistrés après le drame : 43 personnes – dont dix bébés – seraient mortes entre janvier et mars 2018 à cause du manque de moyens, a révélé une enquête d' Europe 1. Une nouvelle mobilisation est prévue le 13 août.

Pourquoi le personnel hospitalier est-il en grève ?

A l’instar du mouvement national de grève aux urgences, le service d’accueil des urgences (SAU) de Guadeloupe est l’un des plus tendus. Le personnel revendique de meilleures conditions de travail et une augmentation des rémunérations. Mais dans l’archipel, la situation est encore plus critique. Les soignants et brancardiers protestent contre la vétusté (moisissures et saletés) et l’exiguïté des locaux, et le manque de moyens humains et matériels. En conséquence du sous-effectif, la majorité des services fonctionne en service minimum. Il suffit d’une averse pour que les soignants et les malades pataugent dans des couloirs inondés.

Une partie des services touchés par l'incendie ont été délocalisés dans d'autres établissements de santé. C’est le cas du service maternité (gynécologie-obstétrique) qui déplore son transfert dans des locaux inadaptés. Un mouvement social a débuté dans les deux services le 10 juillet. Quelques jours plus tard, le mouvement s’est intensifié et une grève générale a été lancée au CHU de Guadeloupe le 23 juillet. Par ailleurs, le CHU souffre de difficultés budgétaires énormes dont une dette fournisseurs qui approche de 49 millions d’euros et entrave l’approvisionnement de matériels, denrées et médicaments.

Où en est la réhabilitation du CHU ?

Un an et demi après le drame, une partie des services ont été partiellement réintégrés au CHU. D’autres ont été installés dans les établissements privés du département. Le service de gynécologie-obstétrique et le pôle parents-enfants du CHU ont été transférés à la polyclinique, ainsi que la chirurgie pédiatrique (6 lits), et l’hôpital de jour chirurgical pédiatrique (4 places). L’activité programmée de chirurgie est répartie entre le site du CHU et la clinique des Eaux-Claires, située dans la commune de Baie-Mahault (à 10km), qui a mis à disposition 25 lits et 4 salles de bloc. Deux blocs mobiles ont été mis en service au CHU et permettent « d’absorber une activité croissante d’urgences chirurgicales », indique l’ARS. Leur location est prévue jusqu’en septembre 2019. Le service de réanimation néonatale, un temps transféré au centre hospitalier de la Basse-Terre, est retourné au CHU.

Quand le nouvel hôpital verra-t-il le jour ?

Si une issue peine à se dessiner dans le présent, l’avenir du CHU est déjà lancé. Le chantier du futur établissement devrait s'achever en octobre 2022. « Situé à Perrin aux Abymes (près de l’aéroport), il sera construit selon les normes parasismiques, paracycloniques sur un terrain de 19 000 hectares et une surface plancher de 78 000 m²», a indiqué la préfecture de la Guadeloupe. Il comportera 618 lits et places, 14 salles d’opération. Son coût : 580 millions d’euros.

Où en sont les négociations ?

Face à la grogne, le directeur général du CHU, Gérard Cotellon a adressé début juillet une lettre ouverte aux personnels, indiquant avoir opté avec le ministère de la Santé et l’ARS, pour un plan de retour aux fondamentaux (PRAF) basé sur 90 actions, avec pour objectif « de rétablir les bases réglementaires de gestion d’un CHU digne de ce nom, de mettre en place des points d’alerte permettant de garantir la sécurité et la qualité des soins et à ce titre de rendre confiance à chacun dans l’exercice de ses missions ».

De son côté, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a affirmé à l’AFP que « le plan de réorganisation de l’offre de soins et la situation structurelle de l’établissement devraient être stabilisés en 2020 ». « Ce plan a fait l’objet d’un financement conséquent à hauteur de 54 millions d’euros pour la livraison d’un nouveau pôle parents-enfants en octobre 2020 » et « la réhabilitation des premiers services aux urgences d’ici la fin de l’année. Les blocs seront de nouveau opérationnels au 1er semestre 2020 », a-t-elle assuré. Concernant les difficultés financières du CHU, elle a évoqué le versement d''une aide supplémentaire en trésorerie a été versée à l’établissement début juillet, ce qui permettra d’atteindre 48 millions d’euros d’aide pour les six premiers mois de 2019 ».

Mercredi, la tension est montée d’un cran après la menace – qui ne sera pas appliquée – de Gérard Cotellon d’assigner en justice les organisations syndicales qui bloqueraient l’entrée du site avec une astreinte quotidienne de 5.000 euros. Il a également annoncé qu’une aide de 20 millions d’euros accordée par l’État, initialement remboursable, ne sera finalement pas à rembourser. De même, l’assurance de 40 millions d’euros débloquée après l’incendie de 2017, initialement déductible des aides gouvernementales, ne sera pas déduite. Les négociations reprennent ce vendredi.