Un bâtonnet pour exfolier et rajeunir le vagin? Non, le sexe des femmes n’est pas sale!
FEMMES Nouveau venu dans la gamme des produits d’hygiène intime féminine, le Jamu Stick, un bâtonnet exfoliant pour le vagin commercialisé sur internet, pourrait être dangereux pour la santé des femmes
- Au rayon des produits spécifiquement dédiés à l’hygiène intime des femmes, le Jamu Stick est un exfoliant pour le vagin.
- Sa composition et son usage interne pourraient perturber le microbiote vaginal, provoquer infections et allergies et favoriser les infections sexuellement transmissibles.
- De plus, ce type de produits renvoie à tort aux femmes l’idée que leur sexe est sale. A l’occasion ce 8 mars de la Journée internationale des droits des femmes, « 20 Minutes » déconstruit cette idée fausse.
Un jardin anglais, voilà à quoi doit ressembler le sexe de la femme. Délicatement parfumé comme une rose et le petit buisson joliment taillé. C’est qu’il ne faudrait pas qu’un poil dépasse, que l’on soit à court de lingettes intimes ou de protections périodiques parfumées, des fois que nous les femmes, nous laissions aller à être cracras dans la culotte. Ainsi, après les douches internes, les bains de vapeur et les infusions vaginales (!) dont Gwyneth Paltrow raffole (ne le faites surtout pas), un nouveau produit destiné à l’hygiène intime des femmes a fait son apparition : le Jamu Stick, un bâtonnet exfoliant pour… le vagin. Un dispositif qui servirait à débarrasser le vagin de ses peaux mortes, des sécrétions malodorantes et qui au passage permettrait de le rajeunir et le resserrer, d’où un bien-être pour la sexualité… des maris des utilisatrices, vante-t-on sur le site.
Un produit de plus qui vient s’ajouter à une longue liste déjà bien fournie de produits dont le marketing nous martèle que le sexe féminin n’est jamais assez propre et mérite « plus de fraîcheur ». A l’occasion ce vendredi de la Journée internationale des droits des femmes, 20 Minutes en profite pour rappeler que non, le vagin des femmes n’est pas sale. Alors, comme le dit si bien la comédienne et illustratrice Klaire Fait Grrr, excédée par cette inflation de produits d’hygiène féminine qui cible désormais même les fillettes : « Lâchez-nous la chatte » !
Des pratiques dangereuses pour la santé
Exfolier le vagin pour le débarrasser de ses peaux mortes, c’est ce que promet la marque indonésienne Jamu Stick sur son site. Outre la scène peu réjouissante que représente le fait de s’exfolier la muqueuse vaginale, il faut savoir que «non seulement ce n’est pas nécessaire, mais c’est dangereux pour la santé», insiste le Dr Odile Bagot, gynécologue, auteure de Vagin et Cie, on vous dit tout ! (Mango éd.) et du blog Mam Gynéco. «Le vagin est un organe autonettoyant, c’est comme les fours à pyrolyse : il se lave tout seul, les cellules et les impuretés s’éliminent naturellement», explique-t-elle. Au quotidien, se laver une fois par jour avec un savon doux suffit à prendre soin de son intimité. Et on parle bien ici de lavage externe, souligne-t-elle, on ne pratique surtout pas de lavage interne des muqueuses vaginales ! Cela peut déséquilibrer le microbiote vaginal : cette flore est composée à 90 % de lactobacilles, des bonnes bactéries qui assurent le bon équilibre de ce milieu fragile qui, quand tout va bien, peut tolérer la présence de quelques germes et champignons. Lorsque le vagin est malodorant, c’est le signe d’un déséquilibre de la flore vaginale, ce qui peut entraîner des infections de type mycose ou vaginose. Or, il n’y a rien de pire pour ces lactobacilles qu’un nettoyage interne du vagin, qui vient bouleverser leur équilibre".
Autre promesse de ce bâtonnet dont la marque nous vend les mille et une vertus : il resserrerait le vagin, les maris des utilisatrices « n’ont ainsi plus à songer à un élargissement du pénis », se réjouit-on sur le site qui le commercialise. Un Jamu Stick pour exfolier le vagin et satisfaire sexuellement les maris des utilisatrices, Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le féminisme, n’en croit pas ses oreilles. « Je suis affligée, c’est là qu’on voit que le sexisme, en plus d’être un outil de domination masculine et de violence envers les femmes, est aussi une idéologie obscurantiste patriarcale qui ne favorise pas le progrès. On n’exfolie aucune muqueuse du corps, par quel raisonnement idiot en est-on venu à concevoir et vendre un gommage du vagin ? », se désole la jeune femme. « C’est n’importe quoi, renchérit le Dr Bagot. Le vagin ne se resserre pas, c’est le périnée qui se resserre. Ici, on peut craindre que l’abrasion provoquée par ce dispositif assèche les muqueuses, elles sont ainsi moins lubrifiées, ce qui pourrait donner au partenaire la sensation que le vagin est plus resserré, mais c’est en réalité le signe d’une sécheresse vaginale qui entraînerait surtout brûlure et inconfort pour la femme ».
Risques d’allergies et d’IST
Mais vous vous demandez certainement comment fonctionne ce Jamu Stick ? Ce bâtonnet un peu épais aux extrémités arrondies, d’une forme phallique qui n’est pas sans évoquer celle d’un petit godemiché, mesure 12,5 cm de long et 2,5 cm de large, et doit donc s’insérer dans le vagin. Composé d’herbes naturelles, de kaolin, de grenade, de galles de chêne aux propriétés « hautement astringentes » ou encore de pierre d’alun, le Jamu Stick promet une exfoliation naturelle de la paroi vaginale.Problème : « la composition de ce produit en fait un sensibilisant potentiel, avertit le Pr Nicolas Dupin, dermatologue responsable du Centre de santé sexuelle de l'Hôtel-Dieu (AP-HP) et auteur de Mon amie la peau (éd. JC Lattès). C’est dangereux : dès lors qu’on exfolie une muqueuse, cela signifie qu’il y a une abrasion. Cela peut déclencher les mécanismes allergiques et provoquer eczéma et affection immuno-allergique », détaille le dermatologue. « La composition de ce produit provoque une abrasion chimique du vagin, c’est extrêmement nocif, s’inquiète aussi le Dr Odile Bagot. C’est d’autant plus alarmant que la paroi vaginale est extrêmement perméable et constitue à ce titre une voie redoutablement efficace d’administration médicamenteuse, en atteste l’anneau vaginal contraceptif. Ainsi, toutes les cochonneries chimiques contenues dans ce bâtonnet peuvent passer directement dans le sang par voie transmuqueuse ».
Mais ce bâtonnet pourrait réserver d’autres mauvaises surprises. « La muqueuse vaginale a un effet barrière : si elle est irritée, cela peut potentiellement augmenter le risque d’infection de type vaginose, indique le Pr Dupin. Mais l’abrasion va surtout entraîner une irritation qui va augmenter le nombre de cellules inflammatoires au niveau de la muqueuse, poursuit le dermatologue. Or, plus de cellules inflammatoires dans la muqueuse vaginale signifie plus de cellules réceptives des virus ». En clair, cela peut augmenter les risques de contracter une infection sexuellement transmissible (IST).
« Il faut arrêter de dire aux femmes que leur sexe est sale »
Cerise sur le gâteau, le site indonésien propose une large gamme de bâtonnets pour personnaliser son achat. Tous contiennent les ingrédients du modèle original et un ingrédient en plus, comme par exemple des pétales de roses séchées. « Cette obsession perpétuelle pour l’odeur de la femme m’évoque l’ouvrage Le parfum, compare Raphaëlle Rémy-Leleu. Il y a quelque chose de profondément ancré dans la notion d’odeur des femmes, jusqu’à leur odeur intime, comme le montrent aujourd’hui tous ces produits destinés à désodoriser ou parfumer l’intimité des femmes, à l’instar des serviettes périodiques antiodeurs et des tampons parfumés ».
Pourtant, s’il fallait encore le rappeler, « le sexe féminin n’est pas sale, c’est extrêmement dégradant pour les femmes de subir ces messages martelés à répétition, déplore le Dr Odile Bagot. Un savon doux intime peut certes être utile lorsqu’on est sujette aux infections à répétition, à des irritations vulvaires, ou si l’on souhaite adopter un produit étudié pour laver en douceur cette zone fragile qu’est le vagin. Mais il n’y a pas besoin de tous ces produits d’hygiène intime à l’effet potentiellement contre productif. Un vagin en bonne santé n’a pas d’odeur, donc on oublie tous les déodorants intimes et autres protections périodiques parfumées », rappelle la gynécologue.
Pour la porte-parole de l’association féministe, il n’est d’ailleurs « pas question de parler «d’hygiène féminine», parce qu’elle renvoie aux femmes l’idée que leur sexe est sale. Et désormais, on l’apprend dès l’enfance, depuis l’arrivée il y a quelques mois sur le marché de gels intimes pour fillettes ! C’est culpabilisant et cela déconsidère les femmes. Il y a un mépris total de leur bien-être. C’est pour cela que nous lançons ce 8 mars une campagne sur la santé des femmes, pour donner sa juste place à cette question majeure ».
Un deux poids, deux mesures qui agace la militante. « Parle-t-on d’hygiène masculine et de produits dédiés à l’intimité des hommes ? Non. Soit c’est vraiment utile, auquel cas, pourquoi n’y a-t-il pas d’équivalent spécifiquement masculin ? Soit ce n’est que de l’exploitation sexiste et marchande, comme le démontre la taxe rose, avec par exemple les rasoirs et déodorants plus chers dans leur version féminine que leur version masculine. Et c’est pareil pour les poils : une femme qui se promène les jambes poilues sera fustigée et perçue comme sale et négligée, illustre-t-elle. Il y en a marre de ce double standard au détriment des femmes. Il est temps de se libérer des clichés sexistes ».