Agriculture bio et jardinage: De quels produits estampillés «naturels» faut-il se méfier?
ENVIRONNEMENT Le dernier hors-série de « 60 millions de consommateurs » s’intéresse au business du « naturel », et se penche notamment sur les produits dangereux autorisés pour jardiner et dans l’agriculture bio…
- Ils sont autorisés, naturels, présents dans l'agriculture biologique, et pourtant ils sont mauvais pour la santé comme pour la terre...
- Les jardiniers peuvent ainsi utiliser du phosphore minéral qui contient un cancérogène certain.
- Et l'agriculture biologique utilise du cuivre depuis des décennies alors qu'il appauvrit les sols et peut provoquer des problèmes respiratoires.
Soleil, vacances, détente riment pour certains avec jardinage. Et pour éviter de s’abîmer la santé, beaucoup optent pour des produits naturels pour cultiver leur petit jardin ou grande parcelle de terre. Mais le dernier hors-série de 60 millions de consommateurs risque de faire froid dans le dos aux jardiniers amateurs et encore davantage aux agriculteurs raisonnés car même quand on choisit le bio, il faut faire attention aux produits qu’on utilise. En effet, le magazine de l’Institut national de la consommation dévoile « L’envers du décor du naturel ». Quantité d’articles s’attardent sur les dangers masqués des cosmétiques bio, antimoustiques, compléments alimentaires, jus de fruits ou le vin en biodynamie… Parmi cette montagne d’informations, petit zoom sur ces fertilisants autorisés dans l’agriculture biologique ou pour les particuliers, qui reçoivent un carton rouge aussi bien pour la santé de l’homme que celle de la planète…
Le Cadmium cancérogène
Une bonne nouvelle pour commencer ! A partir du 1er janvier 2019, la loi va interdire tous les pesticides dans les jardins des particuliers. « L’industrie a déjà commencé à remplacer des produits chimiques par des substances naturelles, assure Adeline Trégouët, rédactrice en chef déléguée des hors-série. Sauf que certains de ces produits, bien que naturels, ne sont ni bénéfiques pour l’environnement ni pour la santé ! ». Avec en ligne de mire, le phosphore naturel, présent dans la plupart des engrais autorisés dans l’agriculture biologique. Problème : il contient du cadmium, un métal pauvre, classé par l’OMS comme cancérogène certain. « On nage donc en plein paradoxe : ceux qui jardinent et qui recherchent à se préserver des polluants peuvent se retrouver contaminés, précise Audrey Trégouët. Le cadmium va se retrouver dans la terre, puis dans les racines jusqu’aux assiettes du consommateur. »
Où va-t-on trouver ce produit ? Dans le riz, le blé, les végétaux à feuilles vertes. « Cette exposition alimentaire augmente le risque de développer un cancer hormono-dépendant, sein et prostate », ajoute l’article de 60 millions de consommateurs. Et l’Institut national de consommation ne se limite pas à alerter, mais conseille aussi bien aux agriculteurs qu’aux jardiniers de privilégier les engrais qui contiennent du phosphore d’origine organique (donc éviter les étiquettes qui spécifient « engrais organo-minéral ».
La bouillie bordelaise
Derrière ce nom alléchant de « bouillie bordelaise » se cache un péril insoupçonné. « Utilisée par tous les jardiniers de France et de Navarre, la bouillie bordelaise est un des rares fongicides autorisés pour l’agriculture biologique », souligne Adeline Trégouët. Dont le principal composant n’est autre que du cuivre. Très efficace pour lutter contre le mildiou de la vigne et un champignon. Mais très polluant également… Car les sol saturés de cuivre deviennent stériles. Pire, ce cuivre détruit tout sur son passage : « il n’y a plus la faune et les fibres qui retiennent les polluants en surface et ce métal ruisselle jusqu’aux nappes phréatiques en cas de pluie, assure la spécialiste de 60 millions de consommateurs. On fait donc face à une incohérence entre pratiques et principes. C’est un non-sens ! » Quelles peuvent être les conséquences ? Des problèmes pulmonaires et des lésions du foie.
Cette aberration n’a rien de récent : dès 1991, l’Union européenne se penchait sur l’interdiction totale du cuivre dans l’agriculture biologique. « C’est resté lettre morte, ce qui prouve encore que sans volonté politique, il ne se passe rien », regrette Adeline Trégouët. Depuis, certains pays y ont renoncé, comme le Danemark et les Pays-Bas. Mais la question pourrait être à nouveau posée au niveau européen car l’autorisation d’utiliser du cuivre dans l’agriculture est prolongée jusqu’à janvier 2019. En septembre, normalement, la Commission européenne devrait rendre son avis. Autre espoir : « début juillet le ministère de l’Environnement a présenté un plan pour défendre la biodiversité, ajoute Adeline Trégouët. Si l’agriculture bio veut rester cohérente avec ses valeurs, elle devrait renoncer au cuivre. » D’autant qu’un rapport de l’INRA de janvier 2018 alerte sur la pollution massive des sols… et propose des alternatives : adopter des variétés résistantes à la maladie, utiliser des biostimulants et espacer les plants et choisir la rotation des cultures. « Souvent, les jardiniers ont du mal à changer leurs habitudes », sourit la spécialiste. Aucune étude n’a pu quantifier pour le moment le cuivre résiduel dans les aliments. Selon Adeline Trégouët, le véritable danger réside plutôt dans l’épuisement des sols et des nappes phréatiques riches en cuivre. Et le magazine de rappeler quelques conseils aux jardiniers du dimanche, et encore davantage aux agriculteurs : porter un masque et gants pendant la préparation. « On ne remplace pas le masque par le chapeau de paille pendant la pulvérisation ! », avertit-elle.