Alzheimer: Former les patients pour les aider à mieux vivre avec leur maladie
MALADIE A partir d'octobre, l'association France Alzheimer proposera aux patients des ateliers d'éducation thérapeutique pour devenir acteur et s'adapter à la maladie...
- A l'occcasion de la Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer, «20 Minutes» se penche sur l'éducation thérapeutique concernant cette maladie qui touche 900.000 Français.
- Pour la première fois, deux programmes d'éducation thérapeutique sont proposés non pas aux aidants mais aux patients directement.
- Afin de définir ces ateliers où les patients pourront s'informer et s'entraider, l'association France Alzheimer et le CHRU de Lille ont demandé leur avis aux malades.
« Regarder la maladie en face… sans me regarder le nombril ! ». Voilà comment Marie-France, 66 ans, a choisi de vivre avec Alzheimer. Et elle espère que suivre le programme d’éducation thérapeutique l’aidera dans cette démarche. Permettre au patient de mieux connaître sa maladie et retrouver l’estime de soi, c’est l’objectif de l’association , qui propose pour la première fois des ateliers d’éducation thérapeutique aux malades d’Alzheimer dès cet automne. Une initiative également lancée par le .
Comment vont se dérouler ces ateliers ?
L’association France Alzheimer a organisé des réunions avec des patients pour construire ces ateliers baptisés « Apprendre à vivre avec la maladie ». Un programme testé à Paris dès octobre. L’association espère proposer ces six ateliers collectifs piloté par un binôme - psychologue et bénévole- dans une quinzaine de départements en 2018. Au CHRU de Lille, le programme débute le 6 octobre pour huit séances.
Redonner un rôle au patient
« Pour les malades d’Alzheimer, c’est une révolution », s’enthousiasme Judith Mollard-Palacios, psychologue chez France Alzheimer qui a participé à la création du programme. On a vu arriver des patients en demande d’informations, qui ne veulent pas rester passifs. »
Si de nombreuses associations proposent des formations aux aidants, c’est la première fois que l’on invite le patient à s’informer sur sa maladie. Et que l’on va donc répondre à son envie et ses priorités. « Cela permet au patient, souvent considéré comme vivant dans un autre espace-temps, de retrouver sa confiance, développer ses potentialités, contourner les difficultés du quotidien, énumère Judith Mollard-Palacios. Une démarche d’autant plus importante qu’avec cette maladie, « l’entourage anticipe parfois la perte d’autonomie ».
« Cette maladie fait très peur, mais rien ne sert de traiter les patients comme de pauvres petites choses ! », s’agace Marie, qui souffre d’Alzheimer depuis 2013 et a participé à la définition du programme.
Pas facile, pourtant, de former des personnes qui perdent la mémoire… « C’est d’autant plus important de ne pas attendre, rétorque la psychologue. Proposer à ces patients en début de maladie ces espaces d’appropriation fait reculer la perte d’autonomie. Ces ateliers amélioreront la qualité de vie du patient. »
Dédramatiser
Ces groupes de parole permettent de mettre des mots sur des frustrations, une colère, des incompréhensions. « Un patient n’arrivait pas à parler de la maladie, raconte Judith Mollard. Ce n’est que pendant le tour de table, en entendant les autres raconter leur vie avec Alzheimer, qu'il a réussi à l’évoquer. »
Reconnaître, c’est aussi dédramatiser et sortir de l’isolement. «Je me suis aperçue que j’avais beaucoup de chance d’être si entourée», confie Marie.
Redynamiser
Que proposeront ces ateliers ? Une réflexion sur leurs représentations de la maladie. Et des astuces pour mieux gérer le stress ou s’initier aux objets connectés utiles. « On s’est rendu compte que les patients avaient moins envie de savoir ce qu’est la maladie d’Alzheimer que de trouver des clefs pour améliorer leur quotidien », souligne Julie Bellet, qui a participé à la création du programme au CHRU de Lille.
Mais l’important, c’est aussi de favoriser la relation aux autres. «Quand ils ne sont pas dans un rapport de confiance, ils perdent encore plus leurs moyens, reprend la psychologue. On leur propose un jeu de rôle pour expliquer à un proche ou un soignant qu’il ne les met pas à l’aise. »
Avec pour objectif que ces patients vivent mieux malgré la maladie. « C’est spectaculaire de voir comment on redynamise, on libère une énergie qui était empêchée, assure la psychologue. Pendant ces réunions, ils arrivaient à plaisanter sur leurs troubles ! On peut les encourager à réinvestir des activités comme le sport ou les arts. »
Marie n’a pas renoncé à ses passions : voyages, cours d’anglais… et tricot. « Même si je sais que je vais me tromper, que je vais recommencer, mettre plus de temps qu’avant, s’amuse l’énergique retraitée. Ce qu’il y a de bien dans le tricot, c’est qu’on peut défaire ! »
Entraide
Se faire aider par sa famille, c’est indispensable dans cette maladie neurodégénérative. Mais « c’est très important de rencontrer d’autres personnes qui vivent la même chose, souligne la psychologue. On ne leur propose que des prises en charge individuelles une fois le diagnostic posé. Avec ces ateliers, ils peuvent se renforcer mutuellement. » Une chaîne de solidarité qui marche bien aussi pour les patients de Lille. « On apprend mieux de ses pairs que des sachants », confirme Julie Bellet.
« Moi, j’ai donné mes recettes, j’écoute les leurs et je prends ce qui me convient », résume Marie. Dont le courage et l’optimisme ont déjà porté leurs fruits. « Le fait que Marie continue à donner des cours d’anglais a encouragé un autre professeur, d’histoire-géo cette fois, à essayer de participer à des sorties culturelles », se réjouit Judith.